Étirer, mobiliser et renforcer son corps permet de retarder l’apparition des douleurs lors de longues épreuves – Photo : Léa Rougeau
Si le yoga occidental est un ensemble de techniques de relaxation, basées sur les étirements, qui améliorent la souplesse et contribuent à améliorer les qualités physiques, il se révèle également bénéfique pour le mental. Travailler sur le schéma corporel, la concentration et la gestion de la douleur à l’effort permet de conscientiser notre pratique de la course à pied et de cultiver l’écoute de notre corps.
Certains athlètes ont observé de profonds changements dans leur pratique grâce au yoga, comme l’ancienne double championne du monde de trail Nathalie Mauclair. « Quand on pratique sur de très longues distances, on entre dans une forme d’autohypnose, assure la Française. Le yoga apporte une détente supplémentaire et renforce le mental », selon elle. Voici quelques principes de base que vous pourrez aisément ajouter à vos entraînements.
Schéma corporel
Le schéma corporel, c’est la représentation de notre propre corps. Lors des pratiques des asanas (postures) et des techniques de relaxation et de respiration, le pratiquant intériorise, c’est-à-dire qu’il porte son attention sur l’intérieur de son corps, aux battements du cœur, à la contraction musculaire imposée par la posture, mais aussi à la contraction volontaire (« je contracte ce muscle pour accentuer mon ressenti »). À force de travail d’intériorisation, le coureur affinera sa capacité à écouter les signaux envoyés par son corps et la rapidité à laquelle les traiter, qu’ils soient positifs ou signes de « danger ». Cela améliorera aussi la capacité à se placer dans l’espace et donc les différents placements du corps (pose de pied, alignement, posture).
En pratique, vous pouvez commencer par porter attention aux zones étirées ou engagées lorsque vous êtes dans une posture puis petit à petit à ajouter d’autres paramètres comme la conscience du souffle. Soyez curieux, renseignez-vous sur les muscles qui composent votre corps, car plus vous comprendrez, plus vous visualiserez et donc ressentirez.
Concentration
Un ultra-traileur qui court depuis plusieurs heures sur des chemins techniques et variés, sous une météo et des températures changeantes, en proie aux douleurs et à la fatigue, a besoin de trouver les ressources mentales pour rester concentré le plus longtemps possible. La vue est certainement le sens le plus impliqué, car analyser en permanence son environnement en courant (sol, alentours, cailloux, racines, adaptation à la nuit…) est extrêmement énergivore. Cela requiert d’être également attentif à l’intérieur de son corps. C’est donc un processus cognitif qu’il faut pratiquer à l’entraînement.
Comment travaille-t-on la concentration en yoga? Chaque posture est investie, c’est-à-dire associée à une respiration lente et profonde, à une contraction musculaire imposée puis volontaire, à un placement particulier, mais aussi à un regard qui est fixe. Maîtriser ces différents aspects est un travail de longue haleine, mais cela permettra au traileur qui s’entraîne de « fractionner » sa concentration sur différents facteurs tout en s’économisant.
Gestion de la douleur à l’effort
De manière générale, le yoga améliore la ténacité, la résistance à la douleur tout en prenant en compte les limites de notre corps. Même s’il ne faut pas pratiquer dans la douleur, une partie du travail en yoga est consacrée aux sensations intérieures. Par exemple, lors de la relaxation, on peut ressentir parfois une gêne quelque part, une sensation étrange. L’intérêt sera d’y porter attention sans juger, de l’observer et d’attendre que ça passe. C’est un travail intéressant, car adapté à la course à pied, cela nous apprend à observer, à prendre conscience d’une sensation sans provoquer un stress qui viendra peut-être induire une décision hâtive. C’est apprendre à différencier une douleur passagère d’une douleur constante qui traduit un danger. Cet exercice est une sorte de lâcher-prise qui vient rejoindre les bénéfices physiques des postures, car étirer, mobiliser et renforcer son corps permet de retarder l’apparition des douleurs lors de longues épreuves, ou du moins de mieux les encaisser.
En pratique, vous pouvez faire ce qu’on appelle un « scan corporel » après votre séance d’étirements ou de yoga et observez vos ressentis de gêne ou d’inconfort (s’il y en a). C’est un bon début qui vous permettra d’ajuster votre pratique par la suite et d’être plus à l’écoute de vos douleurs lors de vos courses.
Il ne faut pas nécessairement pratiquer le yoga pour améliorer sa technique de course, mais l’intégrer à sa routine d’entraînement apporte d’indéniables bénéfices physiques (équilibre, souplesse, force, proprioception), cognitifs et mentaux nécessaires à la bonne santé du traileur.