En course à pied, comme partout ailleurs, les modes viennent et passent. Le courant minimaliste, bien en vogue il y a quelques années, semble aujourd’hui laisser place à celui du maximalisme, soit des semelles épaisses. Tous les fabricants proposent sans cesse de nouveaux modèles en promettant une amélioration des performances et une réduction des risques de blessures.
Comment s’y retrouver? Je suis certain qu’une majorité d’entre vous avez déjà vécu de mauvaises expériences en matière de choix de chaussures et avez également une bonne idée de ce qui vous convient le mieux. Je vous suggère ici un exercice de synthèse sur les effets de la chaussure sur votre style de course. Vous réaliserez que la chaussure est en fait un outil de travail qu’on peut varier en fonction de ses besoins.
Pour vous guider dans cet exercice de synthèse, je me suis appuyé sur La Clinique du Coureur. Il s’agit d’un organisme de formation continue de renommée mondiale pour les professionnels en matière de prévention des blessures. Toute la documentation publiée sur les chaussures de course y est analysée et décortiquée afin d’émettre des recommandations basées sur des preuves scientifiques solides.
Précisons que La Clinique du Coureur ne reçoit aucune subvention ou commandite de fabricants de chaussures. C’est d’ailleurs la tête bien haute que je m’affiche en tant qu’ambassadeur de cet organisme indépendant, intègre et rigoureux.
Ce que disent les études
Révisons dans un premier temps les conclusions des études scientifiques les plus récentes concernant les bénéfices et inconvénients des différents types de chaussures. Nous passerons en revue par la suite les recommandations de chaussures particulières à chaque type de coureurs.
Voici ce que l’on sait :
- Les technologies de stabilisation et de contrôle du mouvement dont plusieurs fabricants de chaussures font la promotion, comme les « stabilisateurs » ou les « antipronateurs », ne produisent pas les effets escomptés et ne réduisent pas l’incidence de blessures;
- Augmenter l’épaisseur du coussinage de la chaussure ne réduit pas le transfert de charge sur les genoux et les hanches, peu importe le poids du coureur (même obèse). L’effet serait plutôt inverse;
- La corrélation entre les pieds plats et les genoux angulés vers l’extérieur et l’incidence de blessures n’a jamais été démontrée de façon convaincante. Ces variantes d’anatomie observées chez plusieurs coureurs ne nécessitent aucune protection ni aucun support particulier venant de la chaussure dans une majorité de cas;
- Courir à haute cadence (plus de 180 +/- 10 pas par minute) avec une foulée courte, qui laisse tomber le pied délicatement directement sous le centre de gravité, est la technique de course la plus économe en matière d’énergie dépensée ainsi que de prévention des blessures;
- L’attaque talon loin devant le centre de gravité est favorisée par les chaussures plus coussinées. Elle augmente grandement les forces transmises aux genoux, aux hanches et au dos;
- La chaussure minimaliste mimant le nu-pieds incite à courir de façon plus
« légère » et à accélérer la cadence. Elle favorise les attaques « bout de pied », « mi-pied » et « talon proprioceptif » (talon subtil), qui sont toutes compatibles avec les objectifs de cadence élevée et de légèreté de foulée;
- La chaussure minimaliste, en raison de son impact sur la qualité de la foulée, réduit la charge transmise aux genoux, aux hanches et à la région lombaire. Elle augmente toutefois la charge induite aux tendons d’Achille, aux mollets et aux structures du pied.
Un indice de minimalisme pour toutes les chaussures
La Clinique du Coureur a mis sur pied un indice de minimalisme qui classe toutes les chaussures selon cinq critères. Pour bien comprendre, disons qu’une chaussure maximaliste aura un faible indice de minimalisme alors qu’une chaussure très proche du nu-pieds aura un indice très élevé.
Le but de ces critères est de permettre la recommandation d’un type de chaussures aux coureurs en transition ou encore à ceux qui sont blessés en utilisant un langage commun. Cela favorise la communication entre les professionnels, les coureurs et les détaillants de chaussures.
Voici les critères :
- Poids de la chaussure;
- Épaisseur au talon;
- Flexibilité de la chaussure sur sa longueur et en torsion;
- Absence de mécanismes de stabilisation et de contrôle du mouvement;
- Dénivelé talon-extrémité.
Nous comprenons que les recommandations en matière de chaussures varient énormément en fonction du type de blessure et des stratégies de modification de style de course envisagées. L’idée est de classer sur l’échelle de minimalisme la chaussure que porte actuellement le coureur et d’effectuer une transition progressive vers un pointage plus élevé ou plus bas en fonction des besoins.
Des recommandations pour les différents types de coureurs
À vous de voir à quelle catégorie vous appartenez! J’insiste sur le fait que le statu quo est souvent à préconiser.
Le coureur d’expérience qui n’est pas blessé et ne désire pas améliorer ses performances :
- Aucune modification requise de la foulée ou de la chaussure.
Le coureur d’expérience qui n’est pas blessé, mais désire améliorer ses performances :
- Il sera bénéfique d’augmenter l’indice de minimalisme de la chaussure afin de favoriser une augmentation de la cadence à plus de 180 +/- 10 ppm et de favoriser un style de course plus délicat, silencieux et économe.
Le coureur blessé :
- Le changement de chaussures se fera en fonction du type de blessure. Il faut abaisser l’indice minimaliste si la blessure est aux pieds ou aux mollets et augmenter l’indice de minimalisme si la blessure est aux genoux, aux hanches ou à la région lombaire.
Le nouveau coureur :
- Une chaussure à haut indice de minimalisme est à favoriser, peu importe le poids du coureur ou la forme de ses pieds afin d’augmenter la cadence à plus de 180 +/- 10 ppm et de favoriser un style de course plus délicat et silencieux;
- La chaussure à haut indice de minimalisme incite naturellement à un style de course plus efficace et réduit les forces d’impact;
- L’augmentation des risques de blessures aux pieds induite par la chaussure à indice élevé sera évitée par un programme d’entraînement à début très progressif en durée et en intensité. On peut à cet égard consulter le programme d’entraînement fractionné de La Clinique du Coureur.
Les enfants :
- Favoriser une chaussure à indice de minimalisme élevé et un maximum de nu-pieds à la maison;
- Courir avec le sourire!
Planifier sa transition
Notre corps a des capacités d’adaptation phénoménales, mais il faut lui laisser du temps.
Lorsqu’une transition est planifiée, il est suggéré d’augmenter d’une minute par entraînement le temps passé dans ses nouvelles chaussures et de viser quatre semaines de transition par tranche de 10 à 20 % d’indice de minimalisme.
On peut donc prévoir facilement au moins trois mois de transition très progressive. Lors d’une transition vers une chaussure minimaliste, il y a un risque de blessure au tendon d’Achille, de fracture de stress au pied ou de fasciite plantaire si une transition adéquate n’est pas respectée.
Afin de promouvoir les mécanismes d’adaptation du corps, il est également recommandé de répartir (et non d’augmenter!) son entraînement sur un minimum de quatre séances par semaines. Il sera donc préférable de courir un total de
30 km dans sa semaine échelonné sur cinq séances de 6 km plutôt que sur
deux séances de 15 km.
La plupart des montres de course sur le marché permettent de calculer la cadence. Le suivi de ce paramètre est évidemment fortement utile. De plus, une analyse de foulée par un professionnel compétent est un investissement stratégique.
Simon Benoit est médecin de soins critiques en urgence, en plus de tenir une pratique de bureau axée sur la médecine sportive. Il est membre de l’Association québécoise des médecins du sport. Il est également diplômé en physiothérapie et en chiropratique et est ambassadeur de La Clinique du Coureur.
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