Les infiltrations articulaires et péri-tendineuses : « Go » ou « no go »?

Arthrose
Photo : Free-Photos

Lorsque les bobos sortent et qu’une solution rapide et efficace s’impose, la recommandation d’une infiltration articulaire ou péri-tendineuse peut sembler alléchante. Qu’en est-il vraiment des risques et des bénéfices de cette thérapeutique?

Séparons d’abord les bobos de coureurs en deux catégories : l’arthrose et les tendinopathies.

L’arthrose

L’arthrose est une condition complexe de dégénérescence de l’intégrité d’une articulation (surfaces cartilagineuses, os sous-chondral, ligaments, ménisques, synoviale, capsule etc). Un processus inflammatoire peut être impliqué. Comme nous l’avons évoqué dans des chroniques précédentes, la course à pieds ne constitue pas un facteur de risque d’arthrose au genou et à la hanche et peut même servir de thérapeutique dans bien des cas.

La tendinopathie

Les tendinopathies sont des pathologies de surcharge de l’attache tendineuse d’un muscle, qui n’impliquent pas de processus inflammatoire mais bien dégénératif. Elles sont très fréquentes chez le coureur et découlent d’une quantification sous-optimale du stress imposé sur les structures par l’athlète qui en fait « trop, trop vite » et qui ne laisse pas suffisamment de temps d’adaptation aux tissus. Les plus populaires sont le syndrome de la bandelette ilio-tibiale, la tendinopathie rotulienne, la tendinopathie achiléenne et la fasciapathie plantaire.

La cortisone, c’est quoi ça? Ça marche?

La cortisone est un corticostéroïde qui a une action anti-inflammatoire puissante. On le retrouve sous forme injectable entre autre sous le nom de Kenalog (Triamcinolone) ou Depomedrol (Methylprednisolone).

La littérature est unanime sur l’efficacité à court terme de la cortisone intra-articulaire dans l’arthrose inflammatoire. Des études récentes de bonne qualité concluent à une efficacité rapide dès la première semaine, qui semble toutefois malheureusement s’estomper rapidement après seulement quatre semaines. On est donc bien loin d’une solution miracle au long cours.

Les bénéfices des infiltrations cortisonées péri-tendineuses dans le traitement des tendinopathies semblent beaucoup moins clairs. On note encore une fois un bénéfice sur la douleur à court terme, mais cette fois l’effet semble délétère à un an. Les bénéfices sont aussi disparates d’une affection à l’autre. Les bénéfices à court terme étant plus clairs pour les tendinopathies rotuliennes et les syndromes de la bandelette ilio-tibiales que pour les tendinopathies d’Achile et les fasciapathies plantaires. Les corticostéroïdes ont en effet un impact négatif sur la viabilité et la prolifération cellulaire tendineuse, ainsi que sur la synthèse de collagène (constituant important des tendons et ligaments). Les preuves cliniques pointent donc vers des dommages tendineux à long terme suite à l’injection de corticostéroïdes.

La cortisone, c’est sécuritaire?

Les infiltrations cortisonées sont considérées comme des procédures « invasives » plutôt sécuritaires. Outre les effets délétères potentiels sur les dommages tendineux au long cours, on note quelques risques d’effets secondaires à plus court terme.

Il n’est pas rare de ressentir une augmentation temporaire de la douleur d’une durée de 2 à 3 jours qui peut survenir dans 2 à 25 % des cas. Les risques d’infection sont rares (0,01 % à 0,03 %). Une insuffisance surrénalienne relative d’une durée de deux semaines peut survenir et il est donc recommandé d’être prudent pendant cette période en évitant la chaleur extrême, l’altitude et les contextes à risque de déshydratation. On note également une hyperglycémie chez les diabétiques sur 2 à 5 jours. Il est pertinent de noter que le cycle menstruel chez la femme peut être temporairement affecté.

L’infiltration de corticostéroïdes en dehors du site visé peut avoir des conséquences. L’injection directement dans le tendon plutôt qu’au pourtour amène un risque accru de rupture du tendon. Ceci demeure toutefois une complication rare. L’injection à un site inapproprié peut se solder d’une nécrose graisseuse ou d’une décoloration de la peau.

Les infiltrations articulaires et péri-tendineuses peuvent être effectuées « à l’aveugle » selon des repères anatomiques ou sous guidance échographique ou fluoroscopique. L’utilisation d’imagerie pour guider l’infiltration est une précaution judicieuse dont la supériorité en précision, en sécurité et en efficacité a été prouvée.

J’ai entendu parler de PRP et de cellules souches… C’est quoi ça?

Depuis quelques années, plusieurs produits injectables ont été proposés visant à accélérer le processus de guérison. L’acide hyaluronique, les plasmas riches en plaquettes (PRP), les cellules souches et le « dry needling » (fenestrations tendineuses) sont parmi les avenues les plus prometteuses.

Dans les conditions concernant principalement des phénomènes d’arthrose, l’injection d’acide hyaluronique vise à repléter cette composante affectée par le processus de dégénérescence afin de recouvrir les propriétés élastiques et viscoélastiques du liquide synovial. Les études pointent vers un bénéfice de l’acide hyaluronique supérieur aux corticostéroïdes concernant l’arthrose du genou après quatre semaines qui perdure jusqu’à au moins 26 semaines.

L’injection de PRP (plasma riche en plaquettes) gagne en popularité. Le processus est toutefois dispendieux et complexe. On doit prélever du sang chez le patient duquel on va extraire un plasma riche en plaquette pour le réinjecter au site de blessure. L’injection de PRP vise une accélération des processus de guérison à travers l’augmentation de facteurs de croissances libérés par les plaquettes injectées.

Les fenestrations échoguidées (ténotomie, « dry needle ») sont des procédures où on effectue plusieurs passages délicats à l’aiguille au travers un tendon chroniquement affecté pour provoquer une condition aiguë qui présentera alors un potentiel de guérison plus élevé. Le saignement et le processus inflammatoire provoqués libèrent des facteurs de croissance tissulaires qui favoriseront la guérison.

Certaines études récentes comparant ces deux techniques démontrent des résultats similaires à 12 semaines avec un possible léger avantage du PRP sur la fenestration à 24 semaines. Une revue Cochrane de 2014 (étude de haute qualité et crédibilité) n’a de son côté pas pu mettre en évidence suffisamment de supériorité du PRP pour recommander d’étendre son utilisation.

L’injection de cellules souches est encore peu répandue et peu étudiée mais les résultats semblent prometteurs. Les études actuelles sont toutefois trop peu nombreuses et de trop faible qualité pour conclure sur la validité de leurs conclusions.

C’est bien beau tout ça, mais on fait quoi, là ?

Une chose est certaine, l’efficacité des infiltrations de corticostéroïdes est davantage indiquée dans les cas d’arthrose que pour les tendinopathies. Les bénéfices sont temporaires (quatre semaines) mais peuvent tout de même être appréciables lorsque l’infiltration est placée à l’intérieur d’une démarche de réadaptation.

Une baisse temporaire de la douleur par le biais d’une procédure d’infiltration peut potentiellement offrir un meilleur potentiel de réadaptation dans certains cas. Une fenêtre temporaire de douleur abaissée peut parfois permettre au thérapeute de faire progresser plus rapidement la quantité de stress imposée à l’articulation blessée (quantification du stress mécanique) et accélérer ainsi la guérison.

L’injection d’acide hyaluronique ou de PRP représentent des stratégies à considérer pour obtenir des résultats plus durables pour les cas d’arthrose alors que les fenestrations tendineuses ou encore une fois les infiltrations de PRP sont à considérer pour tenter d’améliorer le sort des tendinopathies réfractaires au traitement conservateur. L’infiltration cortisonée pour les tendinopathies doit être réfléchie et les risques de détérioration de la condition à long terme doivent être considérés.

Une chose est certaine, les infiltrations articulaires et péri-tendineuses sont à considérer comme un ajout au plan de réadaptation de votre professionnel de la santé et non comme un remplacement. Le meilleur traitement sera toujours de ne pas se blesser en respectant la progression planifiée de son plan d’entraînement!


Simon Benoit est médecin de soins critiques en urgence, en plus de tenir une pratique de bureau axée sur la médecine sportive. Il est membre de  l’Association  québécoise  des  médecins du sport. Il est également diplômé en physiothérapie et en chiropratique et est ambassadeur de La Clinique du Coureur. Lisez tous ses textes !

À lire aussi :