S’étirer ou ne pas s’étirer? Là est la question. S’étirer avant, s’étirer après? S’étirer 10 secondes? S’étirer deux minutes? Quel type d’étirements favoriser? Doit-on s’étirer, s’échauffer ou les deux? Est-ce que la science a une réponse claire à offrir à toutes ces questions?
Une chose est certaine, l’opinion populaire semble encore nettement en faveur des étirements : 95 % des entraîneurs les croient fermement bénéfiques. Creusons pour voir ce que l’on trouve dans la littérature scientifique.
Les différentes théories
Les défenseurs de la souplesse soutiennent qu’une musculature plus souple autour d’une articulation exigera un effort moindre pour exécuter un mouvement dans une certaine amplitude, étant donné le niveau de résistance réduit.
D’autres auteurs prétendent qu’au contraire, un gain en souplesse risque de faire perdre la capacité d’emmagasiner de l’énergie dans les structures musculaires et tendineuses. Ce phénomène, responsable de l’effet de « rebond », permettrait de réduire l’effort actif requis de la part du coureur et rendrait par conséquent sa foulée plus efficace.
Que disent les études au sujet de l’impact sur la performance?
De nombreuses études de qualité nous permettent de conclure que les étirements musculaires précédant une épreuve n’améliorent ni la force, ni la puissance, ni la vitesse, ni l’endurance. L’effet serait même néfaste sur la performance.
Toutefois, une revue systématique du British Journal of Sports Medicine datant de 2012 a démontré que des étirements de plus de 60 secondes précédant l’activité physique réduiraient la force musculaire, alors que l’impact des étirements de moins de 60 secondes serait moindre.
Une revue du Current Sports Medicine Report de l’American College of Sports Medicine de 2014 pointe quant à elle de toute évidence vers une absence de bénéfice et une baisse de la performance lorsque des étirements statiques sont effectués juste avant l’exercice. Certaines études ont tenté de démontrer qu’une période d’échauffement suivant les étirements pourrait renverser les effets indésirables de ces derniers sur la performance, mais les résultats sont contradictoires et peu convaincants.
La plupart des études portant sur les impacts des étirements musculaires avant une activité concernent les étirements statiques. Qu’en est-il de l’impact des étirements dynamiques et des étirements de type PNF (contraction-relâchement/agoniste-antagoniste)? Peu d’études se sont penchées sur les étirements de type PNF, mais les résultats jusqu’ici semblent neutres ou négatifs.
Parallèlement, les études semblent démontrer que des étirements dynamiques ont un effet bénéfique sur la performance surtout lorsqu’ils précèdent les épreuves exigeant puissance et force, selon la revue de 2014 du Current Sports Medicine Report.
Que disent les études au sujet de l’impact sur la prévention des blessures?
Deux méta-analyses (études avec le plus haut niveau de preuve), dont une revue Cochrane de 2011 ayant révisé 12 études portant sur 8806 coureurs, n’ont mis en évidence aucun impact positif des étirements précédant l’exercice sur la prévention des blessures.
La littérature est par contre moins abondante et offre peu d’informations permettant d’émettre des recommandations précises en ce qui concerne les étirements immédiatement après l’exercice. Une autre revue Cochrane de 2011 a statué que les étirements après ou avant l’exercice n’ont aucun effet considérable de réduction des courbatures suivant une activité, bien connues sous le nom de delayed onset soreness.
Et qu’en est-il de l’échauffement?
Une revue systématique parue en 2010 dans le journal Strenght & Conditioning Research a analysé 32 études et démontré une amélioration de la performance sur 79 % des critères examinés après une période d’échauffement. Une revue systématique de 2006 semble également pointer vers un bénéfice en ce qui a trait à la prévention des blessures.
Toutefois, la littérature soutenant l’inclusion d’une période de retour au calme (cool down) est de son côté peu abondante et insuffisante pour émettre des recommandations claires.
Qu’en est-il du yoga, qui est si populaire auprès des coureurs?
Peu d’études portent malheureusement sur le sujet. Une étude de 2006 du British Journal of Sports Medicine a tenté de faire la lumière sur les bénéfices potentiels du yoga et de la préparation mentale. Les résultats ont démontré une amélioration importante de la performance sur un mile dans le groupe « préparation mentale » et une légère amélioration dans le groupe « yoga ».
Il semble toutefois plaire à l’esprit que les bénéfices du yoga se font davantage sentir lorsque ce sport est pratiqué « à distance » d’une épreuve, les objectifs étant les gains en proprioception, souplesse globale, pleine conscience et coordination.
En conclusion, voici des recommandations :
- Éviter les étirements statiques juste avant une activité;
- Garder en tête que le bénéfice des étirements juste après une activité ne fait pas consensus;
- Favoriser les étirements éducatifs dynamiques de type « ABCD », surtout avant les épreuves en puissance. Ils sont toutefois à introduire très progressivement;
- Favoriser une période d’échauffement avant vos sorties d’entraînement;
- Inclure une période de retour au calme, car malgré l’absence de littérature sur le sujet, il s’agit d’une bonne pratique qui ne peut pas nuire;
- Préconiser les étirements statiques et ceux de type PNF, ou le yoga,
« à distance » des entraînements, si un besoin de souplesse se fait sentir. Les opinions d’auteurs pointent encore nettement vers un bénéfice, même si la littérature scientifique demeure ambiguë à ce sujet; - Ne pas oublier que la préparation mentale et la pleine conscience sont des atouts majeurs.
Simon Benoit est médecin de soins critiques en urgence, en plus de tenir une pratique de bureau axée sur la médecine sportive. Il est membre de l’Association québécoise des médecins du sport. Il est également diplômé en physiothérapie et en chiropratique et est ambassadeur de La Clinique du Coureur.
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