L’entraînement des enfants et des ados ne doit pas être une copie de l’entraînement de leurs parents

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Le champion de France de course en montagne Sylvain Cachard participe à l'entraînement des enfants de l'école de trail de Millau - Photo : Exo Dams

L’engouement pour les écoles de trail est réjouissant, car les enfants et les adolescents ne sont pas des adultes en miniature. L’entraînement de ces jeunes traileurs doit donc être adapté à leurs spécificités physiques et ne pas être une simple copie des séances de leurs parents. Voici les grandes lignes à respecter pour que les petits coureurs en sentier s’épanouissent sur les chemins.

Les enfants et les adolescents sont des êtres en plein développement. Leurs systèmes articulaires, osseux, cardio-vasculaires, neuronaux, hormonaux sont en croissance jusqu’à leur maturité, c’est-à-dire jusqu’à ce que leur corps ait atteint leur plein développement physique. Autrement dit, jusqu’à l’âge adulte.

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Proposer des activités physiques variées et adaptées aux jeunes pendant la première période de leur vie, c’est les aider à développer au mieux toutes les qualités de base : la vitesse, l’endurance, la coordination, la force, la souplesse… C’est vraiment là que tout se joue, mais il est indispensable de respecter la progressivité athlétique et de bien doser la charge d’entraînement.

Avec les enfants, il faut construire la base en diversifiant l’entraînement

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Le principe de base des entraînements de l’École de trail : apprendre en s’amusant – Photo : Exo Dams

La maturation du système nerveux central (SNC), d’une très grande plasticité, s’organise dès la naissance jusqu’à la puberté. L’évolution du SNC dépend étroitement de la multiplication et de la diversité des expériences que le bébé, puis l’enfant, va vivre.

Il est donc fondamental que les enfants puissent multiplier les activités et les découvertes afin qu’ils acquièrent et maîtrisent un maximum d’actions motrices de base. Ils seront aussi de plus en plus capables de conceptualiser, de mémoriser, d’anticiper et de contrôler rétroactivement leurs mouvements.

La spécialisation trop précoce n’est donc pas recommandée. « La spécialisation avant l’âge de 10 ans contribue à faiblement développer la gamme des mouvements de base et les compétences sportives qui sont nécessaires au développement harmonieux de l’enfant », indique Sébastien Ratel, auteur avec l’ancien champion d’athlétisme Stéphane Diagana du livre « Préparation physique du jeune sportif » (2018).

Outre l’appauvrissement des apprentissages et du développement, une spécialisation trop précoce générerait des troubles et des pathologies au niveau physique, comme un risque de lésions ostéo-articulaires en cas de trop grandes répétitions des chocs, et une usure précoce sur le plan psychologique, qui favorise la démotivation et l’arrêt de l’activité en question.

Vive le trail pour les petits!

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Le champion de France de course en montagne Sylvain Cachard encourage un jeune traileur durant un entraînement – Photo : Exo Dams

Les éducateurs des écoles de trail proposent toute une gamme d’activités ludiques, des courses, des sauts, des jeux sur des terrains multiples et variés. En multipliant et diversifiant les situations d’apprentissage, ils cherchent à élargir le champ des possibles des enfants et à développer les qualités, principalement de coordination et de vitesse.

Mais qu’en est-il des qualités d’endurance chez les enfants? « De nombreuses études ont montré que leurs performances en endurance étaient plus faibles que celles des adultes, souligne Sébastien Ratel. Cela s’expliquerait en partie par le fait qu’ils ont des longueurs segmentaires plus courtes, qu’ils ont une plus faible capacité à restituer l’énergie élastique emmagasinée par le système musculo-tendineux et qu’ils suractivent les muscles freinateurs du mouvement (les muscles antagonistes). »

Autrement dit, les enfants sont moins endurants que les adultes entraînés surtout parce qu’ils sont beaucoup moins économiques que leurs parents. En revanche, ils possèdent « une machinerie aérobie unique » et une résistance à la fatigue accrue, affirme-t-il. « Les enfants apparaissent métaboliquement comparables à des athlètes adultes bien entraînés et d’un niveau bien supérieur à des adultes non entraînés. »

Pas de freins, mais de la vigilance

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Séance d’entraînement à l’École de trail de Millau en présence du champion de France de course en montagne – Photo : Exo Dams

Avant la puberté, il faudra donc concentrer l’entraînement sportif sur les qualités de coordination, d’équilibre, d’agilité et de force pour augmenter la performance en augmentant l’économie de course puisque le potentiel aérobie est déjà optimal.

Il est par ailleurs primordial de prendre en compte, lors des entraînements et des compétitions en endurance, les risques liés au processus de thermorégulation des petits. En effet, le rapport entre la surface cutanée et le poids corporel de l’enfant est plus élevé que chez l’adulte. Cette plus grande surface d’échange relative rend l’enfant plus sujet au risque d’hyperthermie, et inversement d’hypothermie. Et sa plus grande dépense énergétique liée à son moins bon rendement n’arrange pas la situation. Donc, il faut être vigilant aux risques de déshydratation, d’insolation, de coups de chaleur ou encore de coup de froid.

Avec les ados, c’est le moment de développer les super qualités aérobies 

Passée la phase de développement « anarchique » de la puberté, la force musculaire va s’amplifier principalement grâce à l’augmentation de la masse musculaire (hypertrophie). Le développement de la force chez les jeunes présente des avantages indéniables sur la performance spécifique de chaque activité. On note également une augmentation de la densité osseuse, de la masse musculaire et des capacités aérobies ou encore une baisse de l’adiposité.

Ce développement est à considérer dans le cadre de la pratique de l’athlétisme et de la course de trail afin de prévenir les blessures et d’optimiser la performance sportive, mais il ne doit pas empêcher les entraînements spécifiques à la discipline.

À l’adolescence, on travaille le spécifique

« La préparation physique est à intégrer de manière spécifique dans l’entraînement des jeunes traileurs », affirme l’entraîneur Pascal Balducci, qui s’occupe notamment des jeunes espoirs du trail de l’équipe Buff/Hoka (parmi lesquels le nouveau champion de France de trail Sylvain Cachard) et de la Grand Besançon Trail Académie. « On travaille beaucoup sur le développement technique, la coordination, la proprioception, avec des exercices plutôt sans charge, au poids du corps », explique-t-il. 

L’adolescence, c’est également la période de développement maximal des qualités d’endurance. Il ne faut pas la négliger, car les super qualités aérobies intrinsèques de l’enfant vont ensuite décroître inexorablement si elles n’ont pas été mobilisées, stimulées, par des entraînements spécifiques. D’où l’importance de soutenir ce potentiel aérobie par un véritable travail d’endurance. C’est là que tout se joue pour le futur proche et les bonnes performances dans les catégories jeunes, mais également pour le futur plus lointain. Ce n’est pas à 40 ans que l’on développe son VO2 max. À cet âge-là, on ne fait que l’entretenir et, qui plus est, de plus en plus difficilement. Donc, c’est à l’adolescence qu’il faut mettre le turbo pour développer le moteur.

Recommandations d’entraînement théorique

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Séance d’entraînement à l’École de trail de Millau en présence de Sylvain Cachard – Photo : Exo Dams

Le Comité international olympique (CIO) préconise, pour l’entraînement des jeunes athlètes, du court, du continu et de l’intermittent à assez haute intensité. « Un programme d’entraînement optimal de la performance aérobie comprend des exercices continus et intermittents qui font travailler les grands groupes musculaires », estime le CIO. Plus précisément, il recommande « trois à quatre séances par semaine, de 40 à 60 minutes chacune et à une intensité de 85 à 90 % de la fréquence cardiaque maximale ». 

Dans leur étude sur « l’enfant et l’activité physique » de 2014, les chercheurs Berthoin, Aucouturier et Bacquet recommandent pour leur part « du travail continu, 20 à 40 minutes entre 60 et 80 % de la VMA, de l’intermittent long de 2 à 12 minutes de 80 à 100 % de la VMA et de l’intermittent très court et très intense, de 10 à 20 secondes de 110 à 130 % de VMA. » Cela donne une large palette de séances pour diversifier au maximum les entraînements. 

Les enfants et les adolescents ne sont pas des êtres chétifs et fragiles. Selon Pascal Balducci, ils peuvent supporter des charges importantes d’entraînement, mais à deux conditions incontournables : « les entraîneurs doivent toujours entretenir la motivation, le plaisir, le ludique dans leurs propositions d’entraînement et ils doivent tenir compte absolument du développement individuel de chaque jeune ».

Autrement dit : chacun avance et progresse à des rythmes différents et il est indispensable de calibrer les charges au cas par cas.


Maria Semerjian est professeure agrégée d’éducation physique et sportive à l’Université Toulouse III Paul Sabatier. Elle fait partie de l’équipe enseignante d’un cours en ligne ouvert à tous (MOOC) consacré à l’entraînement sportif en trail et en ultra-trail. À 46 ans, Maria est également une ultra-traileuse élite, avec six victoires et une vingtaine de top 3 en carrière.

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