Le renforcement musculaire est-il indispensable à votre entraînement ?

Simon-Pierre Leblanc
Photo : Simon-Pierre Leblanc

Les connaissances que j’ai acquises au cours de mes études en sciences du sport ne m’auront malheureusement pas permis de concocter une recette magique qui fonctionne à tous coups, car les chemins que l’on peut emprunter vers la performance optimale sont nombreux. Ceci dit, le renforcement musculaire pourrait bien être la pièce manquante au casse-tête qu’est la planification de votre entraînement.

Selon une récente méta-analyse (1) sur le sujet, opter pour un programme de renforcement musculaire en plus d’un programme d’entraînement en endurance permettrait d’améliorer de 4 % l’économie de course. Cette information est à prendre au sérieux parce qu’une méta-analyse combine statistiquement les résultats de toutes les études sur un sujet. L’une d’elles a même constaté un gain de 12 % après 14 semaines de renforcement. C’est énorme !

L’entraînement avec des charges lourdes (plus de 70 % du maximum possible et moins de dix répétitions par série) et les exercices explosifs seraient ceux qui permettent le plus de gagner en efficacité.

Le renforcement musculaire au poids du corps

Ça ne veut pas dire que les exercices de renforcement musculaire doivent absolument se faire en salle avec une barre olympique sur les épaules. Certains d’entre eux peuvent être réalisés en soulevant uniquement le poids de votre corps de façon à maximiser la résistance et ainsi à réduire le nombre de répétitions par série. Toutefois, il faudra parfois aller chercher une amplitude de mouvement qui n’a rien à voir avec la course à pied et les gains seront probablement moindres.

À mon avis, les séances de sprints en pente sont une piste intéressante, différentes du renforcement en salle. Comme pour la musculation traditionnelle, il est alors possible de viser différents types d’adaptation en modifiant la durée des sprints et de la période de récupération. Il faut voir ces séances comme du renforcement ciblé. Plutôt que de remplacer les séances d’entraînement par des intervalles, je vous recommande de les ajouter au programme. Évidemment, il faut être progressif dans leur introduction pour éviter une augmentation trop brusque du stress mécanique.

Renforcez la musculature de vos fesses !

Comme l’entraînement en endurance interfère avec la prise de masse musculaire et que les adaptations ont plutôt lieu au niveau neuromusculaire (2), il n’y a pas d’inquiétude à avoir quant à une prise de poids. Il est d’ailleurs possible de cibler ces adaptations en faisant des séries plus courtes. Ceci dit, une prise de masse musculaire dans les régions proximales du membre inférieur devrait théoriquement avoir un effet avantageux sur les performances. En d’autres termes, ça vaut la peine de travailler fort pour se construire de belles fesses musclées.

Au-delà de l’amélioration des performances, le renforcement musculaire permettrait aussi de prévenir les blessures. Une autre méta-analyse (3) a montré un effet protecteur « hautement significatif » de l’entraînement en résistance et une réduction d’un tiers de l’incidence des blessures. Même si vous courez simplement pour le plaisir et que l’amélioration de vos performances vous importe peu, il pourrait être intéressant d’ajouter des séances de renforcement à votre programme, ne serait-ce que pour cette raison.

Évidemment, l’effet peut varier d’un individu à l’autre. À titre personnel, mes meilleurs résultats en compétition coïncident avec une période où je faisais deux séances de renforcement sérieuses par semaine. J’avais alors terminé un 50 miles à seulement 11 % du chrono de Sage Canaday (l’un des meilleurs ultramarathoniens en sentier au monde) et couru mon record personnel sur marathon (2 h 32 min 45 s). Les athlètes que je suis semblent aussi bien répondre à ce type d’entraînement.

Est-il utile de travailler les abdos pour courir ?

Et les abdominaux ? Selon une revue de la littérature (4), le renforcement de la ceinture abdominale aurait peu d’effets positifs sur les performances athlétiques. La présence de ce type d’exercices dans la plupart des programmes de renforcement est donc discutable. Pour ceux qui font des abdos pour avoir un joli ventre, je vous laisse sur cette citation d’un culturiste et ancien collègue au baccalauréat en kinésiologie : « Les abdominaux, c’est dans la cuisine que ça se passe ! »


Entraîneur de sports d’endurance, David Jeker détient une maîtrise en sciences du sport. Il est ambassadeur de La Clinique Du Coureur et représente les coureurs canadiens à l’ITRA. Suivez-le sur Instagram et sur Strava.

Références :

1) Denadai BS, Aguiar RA, de Lima LCR, Greco CC, Caputo F. Sports Med (2016) doi: 10.1007/s40279-016-0604-z
2) Blagrove RC, Howatson G, Hayes PR. Sports Med (2017) doi: 10.1007/s40279-017-0835-7
3)  Lauersen JB, Bertelson DM, Anderson LB. Br J Sports Med (2014) doi: 10.1136/bjsports-2013-092538
4) Reed C, Ford KR, Myer GD, Hewett TE. Sports Med (2012) doi: 10.2165/11633450-000000000-00000