Le cross-country : un trail intense en miniature

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Sur le parcours du Championnat de France de cross 2019 à Vittel - Photo : KMSP/FFA

Le cross-country, qui ressemble à un trail en version (très) courte, avec quelques spécificités, a de sérieux atouts pour plaire aux spécialistes de la course en sentier et aux amateurs des compétitions en plein air. Plusieurs champions s’appuient d’ailleurs sur cette discipline pour se préparer aux courses en montagne.

Le « cross » ressemble au trail notamment sur l’aspect du parcours. Il se déroule en nature, la plupart du temps dans des parcs, des forêts, ou des bases de loisirs. Les tracés offrent souvent des côtes, qui sont là plus pour casser le rythme que pour vraiment accumuler du dénivelé positif. 

Les parcours peuvent être techniques en raison des conditions météorologiques, car la saison de cross s’étale sur l’ensemble de la période hivernale (de novembre à début mars), marquée par les fortes pluies et parfois la neige. Ces intempéries ont pour conséquence de rendre le terrain gras, lourd ou glissant en fonction du sol. « Un parcours qui en période estivale pourrait être très roulant, est souvent rendu difficile par les aléas climatiques de l’hiver », confirme Lahcen Salhi, responsable demi-fond pour la Ligue d’Ile-de-France d’Athlétisme (LIFA).

Le cross-country s’organise dans un espace assez restreint avec plusieurs boucles, généralement trois (une petite, une moyenne et une grande), qui permettent de varier les distances des courses allant de moins de 1000 m pour les jeunes catégories à environ 10 000 m pour le cross long hommes. L’avantage est que l’on peut repérer facilement la totalité du parcours avant la course, durant l’échauffement par exemple.

Une discipline très intense

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Les départs se font au sprint en cross – Photo : KMSP/FFA

Ce qui fait la difficulté du cross, au-delà du parcours, c’est la compétition en elle-même, caractérisée par une forte intensité. « Les courses sont très nerveuses », assure Emmanuel Meyssat, l’un des spécialistes français de la discipline.

Les départs se font au sprint, car le placement est primordial. Souvent, le parcours débute par une ligne droite d’au moins 100 m avant d’enchaîner avec un virage assez serré. « La tête de course, qui a le niveau de passer en 2’45 au premier kilo et 2’50 au deuxième sur 10 km, sur cross est capable de passer en 2’35 alors que le sol est moins favorable », explique Lahcen Salhi. « La moindre seconde se paye cash, on peut rétrograder très vite dans le classement », confirme Manu Meyssat. Cela permet de travailler sur « le plan mental » parce qu’il ne faut « rien lâcher », dit-il.

« En cross en général, si vous voulez jouer la gagne, il faut être devant dès le début. Il y a un risque énorme que, dans les pelotons compacts, il y ait une chute devant vous. C’est pour ça que la plupart des athlètes prennent le risque d’un départ très rapide », explique le patron du demi-fond de la LIFA. Lahcen Salhi sait de quoi il parle puisqu’il a participé plusieurs fois aux championnats de France de la spécialité et avait même terminé quatrième dans la catégorie espoir en 1998.

Le cross, c’est aussi une course où les coureurs ont toujours la sensation d’être au sprint. Cette impression vient d’un départ plus rapide que ce qui se fait dans les autres disciplines. « Vous vous retrouvez avec une raréfaction d’oxygène parce que vos muscles travaillent différemment, précise Lahcen Salhi. C’est ça qui donne cette sensation d’être à fond tout le long de la course. Sur les autres courses, même si vous partez plus vite que les allures prévues, si vous regardez les visages, ils restent relâchés et faciles, au moins jusqu’à la mi-course. »

Une discipline qui rassemble tous types de coureurs

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Sur le parcours du Championnat de France de cross 2018 à Plouay – Photo : KMSP/FFA

Le cross-country a la particularité de réunir des coureurs de tous horizons. Sur une ligne de départ, il n’est pas rare de retrouver un spécialiste de la piste aux côtés d’un spécialiste du marathon et d’un autre du trail. Ce phénomène s’est un peu estompé depuis la mise en place du cross court, mais reste toujours visible.

« Historiquement, à la Fédération française d’athlétisme (FFA), même si maintenant c’est moins respecté, on avait essayé de faire des périodes protégées. De septembre à fin octobre, c’était la saison de route. De novembre à mars, c’était celle des cross. Ensuite, on reprenait la route, les trails et puis la piste », explique Lahcen Salhi.

Selon ce responsable régional, la discipline rassemble toujours parce que, « quels que soient les entraînements, on a besoin de bosser le foncier, dit-il. Le cross est une excellente préparation pour le travailler. »

Manu Meyssat, qui a été sacré deux fois champion de France de course en montagne, une fois champion de France de trail court et une fois champion de France du kilomètre vertical, intègre pleinement la saison de cross dans sa préparation. « Ça me permet de travailler sur un autre registre pendant une partie de la saison, en développant les qualités de vitesse. Je sors de ma zone de confort et, malgré tout, pour moi qui participe essentiellement aux cross courts, la récupération est assez rapide et permet ainsi de ne pas sortir trop émoussé avant les compétitions du printemps », confie-t-il à Distances+.

Le cross, un entraînement complet

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Le terrain est souvent boueux en cross – Photo : KMSP/FFA

Le cross est un bon entraînement parce qu’il mobilise l’ensemble des muscles. Ce type de course permet de faire une séance de renforcement musculaire, une séance de côte et une séance de foncier en une sortie, grâce aux montées, à la boue et aux nombreuses relances sur le parcours mélangés à l’intensité de la course.

« Tout cela fait que vous êtes dans un état physique et mental qu’il est difficile de retrouver à l’entraînement ou sur d’autres compétitions avec une distance aussi courte, commente Lahcen Salhi. En trail vous pouvez rencontrer ce même état, mais il va falloir attendre davantage de temps et avoir accumulé un certain nombre de kilomètres. »

Manu Meyssat, qui a remporté la demi-finale des Championnats de France de cross-country 2020 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, catégorie Master sur le cross long, pousse l’analyse plus loin : « En termes d’intensité d’effort et de durée, c’est un peu le grand écart [par rapport au trail], mais on le voit de plus en plus sur les trails longs, pour performer à haut niveau, il faut développer des qualités de vitesse et être très complet. Il n’y a plus de “traileur pur souche” aux avant-postes des pelotons… Donc le développement des filières de puissance et de résistance musculaire sera bénéfique pour limiter la déperdition de l’allure sur les trails de plusieurs heures. En plus, le cross, de par le terrain très varié, requiert de bonnes facultés proprioceptives et de qualité des appuis, qui sont là encore primordiales sur les terrains très changeants que l’on peut également rencontrer en trail. »

Les traileurs ne sont pas forcément en tête de peloton en France lors du rendez-vous national, mais ils font tout de même encore belle impression. Le vice-champion du monde de trail Julien Rancon a par exemple remporté le titre de champion de la zone Alpes sur le cross long en 2019, la championne de France de trail 2019 et championne du monde de course en montagne par équipe Anaïs Sabrié a décroché la médaille de bronze sur le cross long du quart de finale des Championnats de France de la vallée du Rhône la même année, et le nouveau champion de France de trail Sylvain Cachard a gagné la demi-finale des Championnats de France de la région Auvergne-Rhône-Alpes sur le cross long cette année dans la catégorie espoir. 

Une école de la vie

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Les parcours de cross sont volontairement cassants – Photo : KMSP/FFA

Le cross est l’une des premières disciplines, si ce n’est la première, que pratiquent les jeunes lorsqu’ils commencent l’athlétisme et la course à pied en France. Il permet souvent aux enfants, notamment au collège, grâce aux compétitions scolaires, de mettre le pied à l’étrier. Nombreux sont les athlètes aujourd’hui qui ont débuté par des cross.

C’est aussi une école de la vie pour Lahcen Salhi, qui affirme se servir encore de ses expériences en cross dans la vie de tous les jours. « Quelque part, ça m’a formé, raconte-t-il. Quand je me retrouve avec plein de missions, je pourrais abandonner et laisser tomber. Mais en cross, quand vous n’en pouvez plus, vous rentrez dans un mécanisme de simplement lever les genoux et d’aller chercher devant. Il faut se battre mentalement pour chaque foulée qui arrive. « Aujourd’hui je réactive ce mécanisme dans mon travail. »

Plusieurs athlètes espéraient voir le retour du cross-country comme discipline olympique — elle le fut de 1912 à 1924 — aux JO de Paris 2024, mais elle n’a finalement pas été retenue.

L'athlète de l'équipe Hoka Manu Meyssat
L’athlète de l’équipe Hoka Manu Meyssat – Photo Olivier Gui / FFA

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