Le coureur qui en fait trop, trop vite ou qui utilise une technique de course qui n’est pas optimale impose à son corps un stress mécanique important qui risque d’outrepasser sa capacité d’adaptation. C’est alors que surviennent les blessures.
Quand on est blessé, consulter un professionnel compétent permet non seulement d’accélérer la guérison, mais également de comprendre les mécanismes indispensables à la prévention d’une récidive.
Mais qui consulter? Un physiothérapeute? Un chiropraticien? Un kinésiologue? Un ostéopathe? Un acupuncteur? Un médecin sportif? La question est plus complexe qu’elle en a l’air. Voici quelques notions à comprendre pour faire un choix plus éclairé.
Distinguer les modalités de soins
Il y a des variations importantes de techniques et de philosophies à l’intérieur de ces professions et entre chacune d’entre elles. Choisir le professionnel qu’il faut est une tâche parfois bien ardue pour le néophyte. Peu importe celui que l’on choisira, les soins offerts seront habituellement séparés en modalités actives et passives.
Les modalités passives sont l’ensemble des manœuvres physiques exécutées directement par le thérapeute et visant à accélérer et à guider le retour vers une fonction normale des tissus blessés.
Les techniques de soins passifs proposées sont nombreuses. Plusieurs sont en fait des « systèmes de soins » comportant des protocoles en fonction des pathologies ou variantes de pathologies rencontrées. Voici quelques noms populaires dont vous auriez pu entendre parler. La technique McKenzie, la kinésiologie appliquée, l’ART (Active Release Technique), la technique Graston, la thérapie manuelle, la réadaptation posturale globale et l’aiguille sous le derme ne sont que quelques-unes des nombreuses techniques de soins offertes par les différents professionnels de la santé physique.
Je ne ferai pas ici la revue détaillée des niveaux d’évidence qui soutiennent chacune de ces techniques. Mentionnons que les professionnels doivent habituellement suivre des formations ou des certifications complémentaires afin d’obtenir le droit de pratiquer ces techniques.
Les modalités actives sont les thérapeutiques par lesquelles le patient prend une part active à son traitement, comme les exercices de renforcement ou d’assouplissement musculaire, les éducatifs, les programmes de retour progressifs et les prescriptions de modification de foulée.
Alors, pour une blessure, est-il préférable de consulter un physiothérapeute, un chiropraticien ou un ostéopathe?
Il est en fait impossible d’offrir une réponse courte et claire à cette question, car il existe énormément de variantes à l’intérieur de chacune de ces professions. Toutes les techniques de soins mentionnées ci-dessus peuvent être utilisées par tous professionnels ayant répondu aux exigences de certification, qu’ils soient physiothérapeutes, chiropraticiens, ostéopathes, etc.
On peut donc observer un océan de différences entre deux physiothérapeutes, chiropraticiens ou ostéopathes. Chaque professionnel est également libre de se spécialiser et d’approfondir ses connaissances dans le traitement de certaines pathologies ou d’une clientèle particulière.
Mais qui est « le meilleur »?
Il est encore une fois très difficile de se prononcer objectivement sur « la meilleure » façon de traiter une blessure, parce qu’une approche thérapeutique comprend habituellement une combinaison de plusieurs outils qui auront chacun leur utilité au cours des différentes étapes de la réadaptation. C’est un peu ce qui constitue le côté « art » de ces professions.
Cinq qualités distinguent toutefois les meilleurs thérapeutes pour soigner les coureurs :
- Ils doivent être érudits, passionnés de course à pied et spécialisés pour cette clientèle particulière;
- Ils doivent être des enquêteurs hors pair pour trouver la cause précise du problème;
- Ils doivent responsabiliser le patient;
- Ils doivent établir une relation de confiance solide pour assurer une adhésion sans faille du patient à leur plan de traitement;
- Ils doivent réévaluer régulièrement la condition traitée pour réajuster le plan si les résultats ne sont pas ceux escomptés.
Ceci étant dit, on trouve d’excellents thérapeutes dans chacune des professions reconnues. Un point central concernant les soins actifs devrait cependant rejoindre tous les professionnels en thérapie physique qui traitent les blessures de sportifs : la quantification du stress mécanique. Il ne fait aucun doute que les meilleurs thérapeutes, ceux qui font une vraie différence, incluent tous ce principe incontournable dans les plans de soins proposés à leurs patients.
La quantification du stress mécanique est la pierre angulaire de toute réadaptation physique
De quoi s’agit-il? Quelques explications :
Le corps humain est constitué de différents tissus osseux, cartilagineux, tendineux et musculaires, qui ont chacun un potentiel d’adaptation au stress mécanique qu’ils subissent lors de différentes activités.
Tout changement du niveau de stress mécanique sur un tissu provoquera une réponse. Par exemple, si vous enlevez la totalité du stress induit, le tissu va s’atrophier et se fragiliser. Au contraire, lorsqu’un stress est trop important et qu’il outrepasse le seuil d’adaptation, c’est la blessure.
Pour utiliser ce principe comme stratégie thérapeutique ou préventive, le professionnel va rigoureusement quantifier et doser la progression de niveau stress mécanique imposé au tissu blessé. Cela provoquera naturellement la mise en place par le corps de mécanismes d’adaptation, qui rendront éventuellement ce tissu plus fort, plus résistant et plus performant.
Prenons l’exemple d’une fracture de stress au pied pour bien comprendre le principe. Cette pathologie est habituellement causée par une augmentation trop brusque de la charge d’entraînement ou une transition trop rapide vers une chaussure à indice minimaliste élevée.
L’objectif initial sera d’abord de réduire au maximum la charge portée par le pied (les métatarses étant le plus souvent en cause chez le coureur), puis de réintroduire très progressivement le stress imposé selon la tolérance.
Voici une séquence possible de progression du stress mécanique induit au pied du coureur tout au long de sa réadaptation.
- Réduction complète ou presque complète de la mise en charge avec une botte Aircast et, parfois, des béquilles, selon le contrôle de la douleur;
- Mise en charge progressive à l’aide d’une chaussure large à semelle coussinée et peu flexible (faible indice minimaliste), en limitant les distances de déplacement au seuil de douleur;
- Entraînement croisé avec du vélo stationnaire à résistance variable, selon la tolérance (avec souliers de vélo à semelles rigides);
- Aquajogging, elliptique ou progression à vélo;
- Alternance marche/course avec un programme fractionné;
- Transition lente vers une chaussure à indice plus élevé de minimalisme qui favorisera le développement d’une musculature et d’une ossature intrinsèque du pied plus forte, afin de prévenir une récidive.
Tant que le stress induit respecte le seuil d’adaptation, on demeure à l’intérieur de notre « zone thérapeutique », où le corps progresse vers la guérison. Tout le succès repose sur la progression graduelle de l’intensité du stress imposé sur la zone blessée pour avancer en réadaptation.
Les meilleurs thérapeutes sont souvent les plus créatifs
Le défi repose sur la compétence à élaborer des entraînements croisés motivants (aquajogging, vélo stationnaire, programme fractionné, etc.) qui permettront de poursuivre l’entraînement en contrôlant la quantité de stress mécanique imposée sur la zone fragilisée.
Il n’y a donc pas de pensée magique ici. La patience, la persévérance et le travail structuré seront garants d’un retour à un niveau normal de performance. On est gagnant lorsqu’on évite la rechute en ne répétant pas bêtement les mêmes erreurs et en affinant son plan d’entraînement et sa technique de course.
Ainsi, que vous consultiez un chiropraticien, un physiothérapeute, un kinésiologue, un massothérapeute sportif, un ostéopathe ou un médecin, cinq qualités sont essentielles à rechercher et il est incontournable que la notion de quantification du stress mécanique soit centrale dans le plan de soins suggéré.
Certains organismes comme La Clinique du Coureur se donnent comme mandat d’offrir des formations avancées et des certifications à cet égard aux différents thérapeutes sportifs. On peut, entre autres, trouver la liste des thérapeutes experts certifiés sur leur site web.
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Simon Benoit est médecin de soins critiques en urgence, en plus de tenir une pratique de bureau axée sur la médecine sportive. Il est membre de l’Association québécoise des médecins du sport. Il est également diplômé en physiothérapie et en chiropratique et est ambassadeur de La Clinique du Coureur.