Les ados doivent être accompagnés avec bienveillance pendant, mais aussi en dehors des entraînements

ados
Photo : Exo Dam's

Physiquement et psychologiquement, l’adolescence est une période charnière. Les types et les modalités d’entraînements et la façon d’accompagner les jeunes vont influencer leurs performances à court terme, mais aussi déterminer une bonne partie de leur avenir, sportivement et mentalement. D’où l’importance de bien encadrer, suivre et conseiller les ados, qu’ils soient coureurs ou qu’ils pratiquent n’importe quelle autre activité sportive, en mode loisir ou en compétition.

Surveiller l’alimentation des jeunes est fondamental

Tous les gabarits se côtoient dans les pelotons de course de trail, mais les élites qui font rêver les jeunes sont les plus affûtés. Pour performer, le poids et la masse grasse sont les ennemis des athlètes et il convient de surveiller leur alimentation et les éduquer en ce sens, mais l’obsession du corps idéal, chez les filles comme chez les garçons, peut entraîner des comportements déséquilibrés. Lutter contre une prise de poids en restreignant les apports énergétiques et/ou en augmentant à outrance les charges d’entraînement conduit à des situations délétères, et pour longtemps.

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À lire aussi : L’entraînement des enfants et des ados ne doit pas être une copie de l’entraînement de leurs parents


Être vigilant au retard de la puberté, surtout chez les filles

Causses
Un groupe d’ados à l’entraînement dans les Causses – Photo : Exo Dam’s

Carole Maître, médecin du sport et gynécologue à l’INSEP, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, s’est penchée particulièrement sur les impacts du sport de haut niveau sur la santé des athlètes féminines. Voici ce qu’elle écrivait en 2011 dans La lettre du gynécologue : « Le déclenchement de la puberté et des premières menstruations dépend de facteurs génétiques et de facteurs pouvant être influencés par la pratique sportive. Un retard du développement pubertaire et de la maturation sexuelle a été observé au cours de la pratique de nombreux sports, en particulier en gymnastique, en danse et en course longue distance. Le retard pubertaire dépend du type d’exercice, de son intensité, de sa fréquence, de sa durée et est d’autant plus prononcé dans les sports requérant une restriction calorique que l’on nomme “sports minceur” ».

La restriction calorique, le faible taux de masse grasse, la balance énergétique négative (dépenser plus de calories que l’on en consomme), soit par restriction, soit par méconnaissance, soit en raison d’un trouble de comportements alimentaires, provoquent une mise en sommeil de la fonction reproductrice qui va nuire à une jeune sportive, car le retard pubertaire a des conséquences, entre autres, sur l’acquisition de la masse osseuse.

Certaines carences à l’adolescence sont irréversibles

L’acquisition du pic maximal de masse osseuse se fait généralement pendant l’enfance et l’adolescence. Il est atteint quelques années après la fin de la croissance, soit en fin de puberté ou au début de l’âge adulte. Si une jeune sportive a un retard de la puberté, autrement dit si elle n’est pas encore menstruée, elle risque fort de ne pas atteindre son pic maximal de masse osseuse. Ce qui va avoir des conséquences à court terme avec un risque accru de douleurs, de micro-fractures et de fractures, de tassements vertébraux, de retard statural, de déformations osseuses sévères, comme la scoliose, mais également à long terme avec un risque d’ostéoporose (fragilité des os) plus important par exemple.

Cet effet négatif de la pratique sportive mal accompagnée est d’autant plus néfaste que le déficit en masse osseuse est irréversible et ni un apport élevé de calcium ni l’activité physique ne suffiront à compenser le manque d’accrétion osseuse de la fin de l’adolescence.

Les troubles du cycle moins graves que l’aménorrhée (absence de règles) ont aussi des conséquences négatives au niveau osseux.

Ce cercle vicieux « déficit énergétique — pratique physique importante — trouble du cycle menstruel — réduction de la masse osseuse — autres conséquences délétères » était résumé dans les années 90 par le concept de la « triade de l’athlète féminine » (TAF). On parle plutôt aujourd’hui de Déficience énergétique relative dans le sport (RED-S, pour Relative Energy Deficiency in Sport). Ce terme tient compte, plus largement, du principal problème, à savoir le manque d’énergie à disposition et ses conséquences sur plusieurs systèmes (atteintes cardiovasculaire, psychologique, hématologique…).

À noter aussi que la RED-S ne se restreint plus seulement au sexe féminin, mais intègre également le genre masculin.

La science observe que chez les hommes et les ados, le déficit énergétique doit être proportionnellement beaucoup plus important que chez les femmes pour engendrer des troubles hormonaux et osseux, mais il est fondamental de veiller à la balance énergétique de tous les jeunes coureurs et coureuses et d’apprendre aux jeunes sportifs à bien s’alimenter. En l’occurrence, il est primordial que les apports énergétiques s’adaptent sans cesse aux dépenses énergétiques.

L’adolescence est une période de fragilité psycho-affective et cognitive

Un ado à l'entraînement
Un ado à l’entraînement sur les sentiers de Millau – Photo : Exo Dam’s

Ce n’est plus à prouver, le sport est bon pour le corps et pour la tête, mais parfois l’équation n’est pas si simple. Cette relation sport-bien-être moral ne va pas toujours de pair, notamment lorsque la pratique sportive génère, chez certains, du stress ou de l’angoisse de performance par exemple. Des émotions qui s’amplifient généralement à l’approche des compétitions.

Les enfants et les adolescents ne sont pas épargnés par ce possible déséquilibre entre le corps et l’esprit. Voici quelques notions, rapidement abordées, mais primordiales, pour que le sport rime avec bien-être global, sur l’estime de soi, la gestion du stress et l’autonomie.

1. Cultiver l’estime de soi 

Des enfants à l'entraînement
Des enfants à l’entraînement – Photo : Exo Dam’s

« L’estime de soi est la conscience de la valeur personnelle que l’enfant développe graduellement. Toutefois, pour qu’il parvienne à être conscient d’avoir des qualités et des forces, il est nécessaire qu’il l’entende dire par des personnes qui sont crédibles à ses yeux. Les paroles font prendre conscience de la valeur, les paroles rassurent, les paroles donnent de l’espoir », lit-on dans l’ouvrage collectif L’enfant, l’adolescent et le sport de compétition (2011), rédigé sous la direction de Line Déziel, de l’hôpital pour enfant CHU Sainte-Justine, à Montréal.

L’estime de soi peut être préservée et augmentée chez l’enfant s’il manifeste de la compétence dans un domaine qu’il juge important et s’il reçoit l’approbation des personnes qui sont significatives à ses yeux. Donc, oui pour les encouragements et l’accompagnement au bord des terrains ou des sentiers s’il est mesuré, objectif, positif et si l’adulte montre son attachement inconditionnel, peu importe les résultats. 

Mais attention tout de même à ce que l’enfant ou l’ado ne soit pas « pris en otage » par ces récompenses extérieures, ces marques d’affection trop répétées et surtout trop liées à ses performances, comme on peut le lire dans cet extrait du livre cité précédemment : « Il arrive malheureusement qu’un enfant perçoive que l’attachement du parent est conditionnel à sa performance. Lorsque celui-ci juge la valeur de son enfant à son rendement, ce dernier se sent dans l’obligation de bien performer pour mériter l’approbation du parent. Une telle attitude du parent amène l’enfant à considérer qu’il n’a de la valeur que lorsqu’il se comporte d’une certaine manière ou lorsqu’il manifeste un certain niveau de performance. On retrouve alors un enfant piégé et en désarroi qui déduit qu’il est aimé à cause de son rendement et non pas pour ce qu’il est. La base de l’estime de lui-même en est affectée. Il y a nombre d’enfants et d’adolescents qui se sentent obligés de fournir un rendement de plus en plus exigeant pour mériter l’approbation et même l’amour des adultes qu’ils aiment. »

Si cette dimension extrinsèque (faire bien pour faire plaisir à ses parents, son entraîneur, à ses amis…) de l’estime de soi est trop prégnante, certains jeunes vont se retrouver en souffrance, tenaillés par un stress de performance à chaque entraînement, à chaque compétition. La peur de mal faire et donc de décevoir ses proches va être une source importante de mal-être. 

Pour être lui-même et vivre pleinement et sereinement sa pratique physique, et scolaire et personnelle évidemment, les enfants et les adolescents doivent se sentir compétents, développer une motivation intrinsèque pour l’activité (indépendante d’un facteur ou d’un jugement externe) et se fixer des objectifs personnels dans leurs apprentissages.

Ce sentiment de compétence n’arrive pas par magie, il se construit progressivement, avec l’aide des parents, des éducateurs, des expériences, des réussites et des échecs aussi, comme l’expliquent très bien la Québécoise Line Déziel et son équipe de spécialistes : « Il est important que l’enfant prenne conscience qu’un résultat négatif ou un échec ne remet pas en cause ses capacités, mais qu’il est plutôt la conséquence d’une erreur qu’il peut éliminer dans l’avenir. Cette prise de conscience préserve son estime de soi et lui fait vivre de l’espoir. »

« Le parent doit accorder plus d’importance à la démarche qu’entreprend son enfant qu’aux résultats qu’il obtient, peut-on lire encore. L’enfant doit prendre conscience qu’il a un pouvoir personnel sur son processus d’apprentissage de façon à y trouver du plaisir et à réduire son stress. […] Un enfant vit du stress de performance s’il se centre uniquement sur le résultat sans être conscient que celui-ci est l’aboutissement logique de ses attitudes et de ses stratégies, sur lesquelles il a un pouvoir personnel de changement et d’amélioration. Son stress de performance devient d’autant plus élevé qu’il est convaincu que l’on juge sa valeur uniquement à partir des résultats qu’il obtient. »

2. Viser le « bon » niveau de stress

École de trail
Un groupe d’ados lors d’un entraînement de l’École de trail de Millau – Photo : Exo Dam’s

Comme pour les adultes, le stress éprouvé par les ados n’est pas uniquement négatif, il peut aussi se révéler bénéfique et les faire avancer s’il est bien dosé.

« Le stress est bénéfique quand il y a un écart significatif entre les capacités du sujet et l’objectif à atteindre, quand la tâche est suffisamment difficile et nouvelle pour que l’enfant la perçoive comme un défi, sans toutefois être trop complexe ou susceptible de lui faire vivre un échec, lit-on, toujours dans L’enfant, l’adolescent et le sport de compétition, un ouvrage de référence en la matière. S’il est motivé par le contenu de l’activité et qu’il perçoit l’objectif comme un défi qui le fait avancer dans le domaine qui le passionne, le stress nourrit sa motivation intrinsèque. Celle-ci se traduit par le désir d’être efficace et d’adopter un comportement pour son propre compte. »

En revanche, bon nombre d’enfants vivent un stress contre-productif lorsqu’ils poursuivent un objectif qui n’est pas le leur, mais plutôt celui fixé pour lui par leurs parents, et qu’il consiste uniquement à recevoir des félicitations ou à éviter les réprimandes.

Les parents ambitieux pour leur enfant doivent également prendre conscience qu’ils sont susceptibles de le stresser négativement s’ils se montrent trop exigeants, si le jeune sportif, peu importe leur niveau, ne peut pas s’arrêter s’il n’a plus envie ou s’il n’en peut plus ou s’il est incapable de satisfaire l’objectif fixé.

Le jeune « se retrouve dans une situation sans issue, en position de victime face à une demande trop exigeante. Ce stress devient alors une détresse ressentie par l’enfant et, si celle-ci se prolonge, elle peut avoir une influence physiologique et psychologique dommageable » et des répercussions physiques, affectives, sociales et même cognitives graves.

Donc attention au syndrome de la médaille d’or, à la course au perfectionnisme, aux attentes surdimensionnées vis-à-vis des jeunes.

3. Favoriser l’autonomie

École de trail
Photo : Exo Dam’s

Pour l’Organisation mondiale de la santé, « la participation à une activité physique peut contribuer au développement social des jeunes en leur fournissant des occasions de s’exprimer, en améliorant leur confiance en eux ainsi que l’interaction et l’intégration sociales. »

Faire de l’athlétisme, du trail, c’est se retrouver en groupe, tisser du lien social, échanger, s’entraider… Participer à la vie d’un club ou d’un groupe, c’est avoir la possibilité de prendre progressivement des responsabilités (comme intervenir avec un groupe de plus jeunes, prendre en charge le balisage de la course, organiser une sortie…). C’est aux encadrants, aux parents, aux entraîneurs d’accompagner les jeunes athlètes dans ce processus vertueux et de les aider à devenir de plus en plus autonomes.

Les ados ne sont pas des êtres chétifs à conserver sous cloche. Ils sont capables d’efforts, d’engagement, de charges d’entraînement très importants, mais ils peuvent aussi présenter des fragilités. Ces failles, physiques et psychiques, parents et éducateurs doivent apprendre à les reconnaître et à s’adapter pour que le sport rime toujours avec bien-être complet, physique, mental et social.


Maria Semerjian est professeure agrégée d’éducation physique et sportive à l’Université Toulouse III Paul Sabatier. Elle fait partie de l’équipe enseignante d’un cours en ligne ouvert à tous (MOOC) consacré à l’entraînement sportif en trail et en ultra-trail. À 46 ans, Maria est également une ultra-traileuse élite, avec six victoires et une vingtaine de top 3 en carrière.

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