D’abord, il faut comprendre qu’il existe deux types de douleurs chez les coureurs de tous les âges, soit la douleur aiguë et la douleur chronique. Cette division est nécessaire parce que ces deux types de douleurs ne partagent pas les mêmes fondements physiologiques.
La douleur aiguë
La douleur aiguë est un message provenant d’une lésion des tissus d’un endroit du corps (entorse, fracture, brûlure, etc.). Cette lésion stimule les récepteurs neurologiques spécifiques à la douleur pour ensuite en informer le cerveau.
Le sportif fait alors une interprétation désagréable de la lésion, générant ainsi une réponse immédiate de protection. La fonction première de la douleur est donc la préservation de l’intégrité du corps.
Ce rôle de protection n’est pas sans conséquence. Il engendre plusieurs réactions physiologiques telles que :
- augmentation de la fréquence cardiaque;
- augmentation de la pression artérielle;
- spasme musculaire;
- interférence avec le sommeil;
- gonflement, augmentation de température, rougeurs au site de la blessure;
- incapacité physique temporaire;
- nausées, sudation, choc vagal et perte de conscience;
- au plan psychologique : sentiment de peur, pleurs, panique, diminution de l’attention et de la vigilance.
Après une blessure, une réaction inflammatoire s’installe rapidement. Cette réponse de l’organisme est nécessaire, car elle est la première phase de la guérison. Elle deviendra problématique si elle se prolonge sur de nombreuses semaines.
Heureusement, dans la très grande majorité des cas, les blessures aiguës du coureur guérissent tout naturellement dans les semaines suivantes. Cela dit, le sportif qui vieillit devra être un peu plus patient : plus on vieillit, plus le processus de guérison est lent.
La douleur chronique
La douleur chronique est fréquente chez le coureur de plus de 50 ans. Elle se définit comme une douleur persistante, qui peut être continue ou récurrente, et dont la durée et l’intensité sont suffisamment importantes pour affecter le bien-être de la personne, son fonctionnement et sa qualité de vie.
Dans ces circonstances, il devient important, pour cette catégorie de sportifs, de bien en saisir la portée, dans le but de mieux la gérer. Par définition, la douleur est chronique si elle persiste au-delà de six semaines ou plus longtemps que le temps de guérison anticipé. Les effets secondaires de ce type de douleur sont :
- Au plan psychologique : anxiété, stress, dépression, focalisation, colère, frustration, culpabilité, évitement, trouble de sommeil;
- Au plan comportemental : augmentation de consommation de médicaments, alcool, drogues, baisse ou arrêt des activités sociales et physiques. Dépression secondaire avec ses effets que sont l’isolement, la diminution de la joie de vivre, la fatigue, la diminution de la concentration;
- Au plan physique : déconditionnement, atrophie musculaire, perte d’élasticité des tissus (souplesse générale). Cet aspect est particulièrement marqué pour le coureur de plus de 50 ans. Il doit donc y porter une attention particulière et ne pas tarder à faire appel à un professionnel de la santé afin de maximiser son rétablissement, déjà plus long qu’à ses 20 ans.
Le traitement de la douleur chronique nécessite une approche conventionnelle, souvent basée sur la médication analgésique. La reprise graduelle et surtout sécuritaire des activités doit également être initiée le plus tôt possible.
En respectant rigoureusement le dosage et l’intensité, cette période de rétablissement pourra être optimisée par l’ajout d’approches complémentaires. En effet, la physiothérapie, l’acupuncture, l’ostéopathie ou la chiropraxie peuvent favoriser le processus de guérison et améliorer le rendement fonctionnel du coureur.
Aiguë à chronique
Malheureusement, les raisons précises qui expliquent les mécanismes physiologiques qui font qu’une douleur aiguë finit par devenir chronique ne sont pas encore bien comprises par la science. Une fois devenues chroniques, nous savons toutefois que le mauvais fonctionnement d’une partie du système neurologique est en cause, tout particulièrement le cortex cérébral et le système limbique.
Afin de maximiser les chances de guérison de notre sportif de plus de 50 ans, le traitement de la douleur persistante doit se faire idéalement en équipe multidisciplinaire. La douleur doit être ciblée et ses effets secondaires bien identifiés. L’axe pharmacologique et des approches complémentaires comme la physiothérapie doivent être mis simultanément à contribution.
Comme le rétablissement du sportif de plus de 50 ans est plus long, une attention particulière doit être apportée aux effets secondaires tels que l’anxiété, la dépression ou l’insomnie.
Malheureusement, la personne aux prises avec des douleurs persistantes en fait une mauvaise interprétation. Les fameuses « douleurs fantômes » en sont un bon exemple. Ces phénomènes produisent un effet pervers. Ils augmentent le niveau d’inconfort perçue par la personne, en lien avec la lésion. Il est important de consulter un professionnel de la santé pour une juste évaluation de la situation et surtout ne pas se fier à son intuition ou à une recherche sur Internet.
Bouger!
Indépendamment de son âge, mais encore plus pour le coureur de plus de 50 ans, il ne faut pas attendre de ne plus avoir de douleur pour débuter à bouger. Le bon dosage est la clé du succès.
Comme la reprise de l’activité physique est une facette importante du rétablissement, elle se doit d’être très, très graduelle. Elle vise également l’adaptation du système neurologique. Ce dernier prend plusieurs mois, voire même plusieurs années à se normaliser.
L’enjeu pour le sportif est de rechercher une reprise de l’activité tout en maintenant un confort relatif malgré sa douleur. À ce stade du rétablissement du sportif blessé, il faut prendre conscience que la douleur et l’incapacité sont deux dimensions différentes, contrairement au stade aigu où les deux vont de pair.
Vers la guérison
En terminant, toute blessure nécessite une attention particulière. Dans la plupart des cas, si la condition initiale est bien diagnostiquée et gérée adéquatement par le coureur de plus de 50 ans, l’issue se traduira par la guérison.
Durant la période de rétablissement, notre coureur de plus de 50 ans devra mettre en veilleuse la notion de performance, celle-là même qui est mesurée, compilée, médiatisée et surtout valorisée par la culture du milieu de la course, et faire preuve d’indulgence envers lui même. Il doit apprendre à vivre avec ses limites. Simple, mais pas évident.
Heureusement, il est rare qu’un coureur blessé passe de sportif à passif pour le reste de son existence.
Quelqu’un a déjà dit : « Pas de souffrance, pas de progrès! »
Jean-Luc Simard est diplômé en réadaptation physique au collège de Chicoutimi et en ergonomie de l’Université de Montréal. Il est le fondateur des cliniques de physiothérapie Physiotech Inc. où il consacre une bonne partie de sa pratique à la réadaptation des accidentés du travail, de la route ainsi que des sportifs.