Le livre Cross Country – A 3700-Mile Run to Explore America (Transamericana en français) débute par une double gueule de bois : la première due à l’alcool et la seconde à l’élection de Donald Trump. Surpris par cette victoire, l’athlète Rickey Gates prend alors conscience qu’il connaît finalement peu son propre pays. Il décide de le traverser de part en part, afin de vivre une expérience directe et personnelle.
Comme il l’explique lui-même dès la premier chapitre : « traverser un territoire à pied permet d’observer et de participer à un vaste et complexe réseau d’infrastructures. C’est également faire l’expérience de l’histoire de ce territoire d’une façon authentique et personnelle. Bref, c’est avoir une meilleure compréhension de ce territoire ». [traduction libre].
Dans la grande famille de la course en sentier, Rickey Gates appartient à la catégorie des coureurs-voyageurs, celles et ceux pour qui courir n’est pas tant une pratique sportive qu’une façon d’habiter le monde et de se découvrir soi-même.
Il y a dans l’approche de Gates quelque chose d’Edward Abbey (que Gates connaît et cite), auteur du sublime Désert solitaire, et de Jack Kerouac, celui des Clochards célestes. L’intuition que parcourir l’espace, l’habiter avec son corps, est un apprentissage inégalable, aux antipodes d’un vol en avion qui annule tout simplement l’espace traversé.
Une épopée d’est en ouest
Le livre raconte une traversée des États-Unis. Rickey Gates n’est ni le premier ni le dernier à se lancer dans une telle aventure, comme en témoigne le roman – tiré d’une histoire vraie – La grande course de Flanagan de Tom McNab.
Cette traversée du pays, il choisit de la faire depuis l’Atlantique jusqu’au Pacifique, suivant ainsi le mouvement de la conquête de l’Ouest, avec pour seule frontière à repousser, celle de la connaissance de ses compatriotes. Il est parti de Folly Beach en Caroline du Sud le 1er mars 2017 et a rejoint San Francisco en Californie le 1er août de la même année.
Logiquement, le livre suit la chronologie de cette traversée : chaque chapitre correspond à une région géographique particulière (« The South », « The Appalachians », « The River », « The Ozarks », « The Great Plains », « The Rocky Mountains », « The Desert » et « The West Coast »).
L’organisation est systématique : quelques pages qui résument la portion de la traversée traitée par le chapitre et une série de photographies de personnes brièvement commentées.
Ces photographies, quelques portraits, mais le plus souvent des scènes de la vie quotidienne où les sujets sont saisis dans leur environnement, témoignent bien de l’ambition du livre : Gates est avant tout intéressé par les hommes et les femmes qu’ils croisent sur sa route. Il insiste d’ailleurs largement sur les places à déjeuner « où les membres d’une communauté se réunissent, où un étranger tel que moi entre et devient le principal sujet de conversation, où la cafetière n’a pas de fond, où l’on peut mieux comprendre une ville, un État, un pays ». [traduction libre].
Le 1er août 2017, une fois arrivé à San Francisco, le premier réflexe de Ricky Gates est de se plonger entièrement dans l’océan Pacifique, un geste qui est « une sorte de baptême, pour marquer une transition brutale dans la nature du mouvement, de la fonction et du sens » [traduction libre].
Une expérience authentique
Quand les coureurs en sentier se mettent à l’écriture, ils souffrent facilement de deux travers : se prendre pour des poètes ou pour des philosophes. La bonne volonté et l’enthousiasme ne suffisent pas pour faire un bon livre.
Dans cet ouvrage, Rickey Gates ne souffre d’aucun de ces travers pour la simple raison qu’il ne prétend pas être autre chose que ce qu’il est : un gars qui aime courir, dessiner, prendre les gens croisés sur son chemin en photo. Il n’a pas de grand message à délivrer, pas de grande leçon de vie à professer : il n’y a que le plaisir de partager une expérience authentique et sincère.
Cross Country: A 3,700-Mile Run to Explore Unseen America
Rickey Gates
Chronicle Books, 2020.
Le livre est disponible en français sous le titre Transamericana, aux Éditions Mons.
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