Photo : Guérin Éditions Paulsen
La Folle Histoire du trail entre dans la catégorie des livres que l’on peut ouvrir au hasard, en lire quelques pages, et laisser de côté pour quelques jours. La lecture linéaire se révèle parfois fastidieuse du fait d’une construction très systématique, mais qui a le mérite de l’efficacité.
Si vous avez toujours rêvé de briller dans les soupers en ville et de pouvoir rappeler à votre voisin (ou voisine) de table que, le 19 avril 1967, l’Américaine Kathrine Switzer fut la première femme à courir « officiellement » le marathon de Boston et que ce ne fut pas une mince affaire, puisqu’elle fut à plusieurs reprises ralentie par des hommes, dont le directeur de la course, alors vous aimerez La Folle Histoire du trail, publié par Guérin Éditions Paulsen.
Son auteur, Jean-Philippe Lefief, porte la double casquette de journaliste et d’ultramarathonien. On lui doit notamment la traduction française du best-seller planétaire Born to run de Christopher McDougall.
Les douze chapitres qui composent l’ouvrage reposent sur un modèle qui se répète : une ouverture avec deux ou trois pages dans lesquelles l’auteur rapporte des souvenirs personnels de courses en sentier (avec une nette prédilection pour l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, qui revient fréquemment) suivie du récit d’événements ou d’épisodes qui ont marqué l’histoire de la course à pied en général, et du trail en particulier.
Bien que les souvenirs de courses de l’auteur soient plutôt sympathiques et rendent assez bien compte de ce qui se passe lors d’une compétition, non pas du point de vue de l’élite, mais de la foule des anonymes pour qui le simple fait de finir est une victoire, le lecteur pressé les sautera allègrement pour arriver directement à ce qui fait toute la richesse du livre : les récits de ces grands événements qui ont jalonné l’histoire du trail.
Lefief, grâce à une écriture fluide et alerte (avec parfois quelques « jokes de mononcle », et des références culturelles pas forcément évidentes pour le lectorat québécois) passe en revue quelques grands mythes fondateurs de la course en sentier : les moines bouddhistes du mont Hiei qui accomplissent le Kayhogyo ou « tour de la montagne », les premières tentatives à la fin des années 1970 pour effectuer le tour du Mont-Blanc, ou encore le coup de folie de Gordy Ainsleigh qui, en 1974, se présenta sur la ligne de départ de la Tevis Cup, une course équestre de 100 miles, sans cheval (ainsi naquit la mythique Western States).
Même si Lefief nous fait voyager dans le temps et dans l’espace, nombre de références sont françaises : c’est l’occasion pour les francophones hors de France d’entendre parler sans doute pour la première fois de courses mythiques, comme la Marvejols-Mende en Lozère, les 100 kilomètres de Millau en Aveyron, ou encore la SaintéLyon, qui se court chaque année le premier samedi du mois de décembre entre les villes de Saint-Étienne et de Lyon. Le fait que le départ de la course est donné à minuit n’est pas pour rien dans le succès de cette course de 72 km.
Avant de se plonger dans le livre, le lecteur doit avoir à l’esprit qu’il est vraiment question de course en sentiers à partir du chapitre 7 (« échappée des stades »). Les cent premières pages qui précèdent offrent une présentation chronologique de la pratique de la course à pied, depuis Homo erectus et Homo habilis jusqu’à la « révolution du jogging » qui marque la civilisation des loisirs dans la seconde moitié du 20ème siècle.
La première partie revient sur des épisodes classiques de l’histoire de la course à pied et il y a même dans le premier chapitre des emprunts à Born to run que les lecteurs reconnaîtront assez facilement.
Ce que montre finalement très bien Lefief dans la seconde partie du livre c’est que l’histoire du trail est inséparable d’une certaine idée de l’aventure, voire même de la liberté qui n’est rien sans une pincée de folie. La course en sentier est littéralement issue d’un désir de « sortir des sentiers battus » et de faire de la course à pied un moment de plaisir partagé entre amis.
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