Article mis à jour en avril 2022
Le coureur marseillais Vincent Machet est un personnage atypique dans le paysage du trail français. Connu pour sa plume sur les réseaux sociaux et son physique hors normes, le parrain du Serre Che Trail, qui se tient chaque année en septembre, court depuis de nombreuses années tout en menant un combat contre l’obésité. Le trail et la course à pied sont le fil conducteur de sa vie dans lequel il puise sa motivation et une imagination sans limite. Distances+ a rencontré ce coureur au grand coeur qui veille sur les âmes de l’arrière du peloton.
Coup de foudre pour la course à pied
À 50 ans, Vincent Machet est un coureur expérimenté. Passionné de sport depuis ses jeunes années, il a découvert la course à pied en 1985 « avec Rocky IV ». Ce film populaire aux nombreuses scènes d’entraînement montre notamment Silvester Stallone se préparer dans la neige et réaliser, en courant, l’ascension du Rendezvous Peak (3 331 m) dans le Wyoming aux États-Unis.
C’est à 15 ans qu’il est parti courir pour la première fois dans sa ville natale, Marseille, inspiré par les « héros » de son adolescence. « Au début, il y avait ce sentiment un peu Forrest Gump, de partir et de ne pas savoir quand j’allais rentrer. » Le coureur marseillais aime revendiquer ses références, autrefois issues de la culture pop et aujourd’hui davantage sportives. Paula Radcliffe, Kilian Jornet, Mike Horn, Michel Lanne, « comme beaucoup, je rêve un peu à travers leurs performances », explique-t-il.
D’abord sur le bitume, la course à pied est rapidement devenue vitale pour son équilibre physique et mental. Plus qu’un moyen d’être en forme, Vincent a trouvé dans ce sport une liberté jusqu’ici inégalité. « Au rugby, au foot, à l’escalade, je n’ai jamais retrouvé ce sentiment », confie-t-il. Sa carrure le prédestinait pourtant à des activités physiques de forces et non d’endurance.
Très vite, l’envie de valider des objectifs est apparue. D’abord sur 10 km, puis sur semi-marathon lors de sa première inscription à Marseille-Cassis (20 km). Vincent a ensuite participé à son premier marathon. Une distance fétiche qu’il a courue à cinq reprises (« dont deux abandons au km 30 », tient-il à préciser). La piqûre est telle qu’elle l’a menée jusqu’aux rues de New York et de son célèbre marathon. Une course mythique qu’il s’est offert pour ses 40 ans.
Le marathon de sa vie
Vincent est atteint d’obésité et a toujours combattu ses problèmes de poids. « C’est le marathon de ma vie », illustre-t-il. Il ne s’est pourtant jamais servi de la course à pied comme « moteur » pour maigrir, comme c’est le cas pour beaucoup de personnes dans cette situation. « Le problème est dans la tête et dans l’assiette, pas dans l’activité physique, analyse Vincent Machet. Si tu fais un régime et que tu fais de la course à pied de façon intensive, ça fonctionne. Je l’ai fait. Mais à 50 ans, ça fonctionne un peu moins. »
Néanmoins, sa situation requiert quelques adaptations dans sa pratique. La principale est l’adoption d’une foulée rasante, privilégiée à la foulée classique pour limiter les chocs. « C’est le problème principal quand tu es en surpoids, avertit-il. Courir 28 km avec 1800 m de D+, quand tu dépasses les 140 kilos, ça représente un ultra pour moi. » Il a couru cette distance lors du Serre Che Trail 2014 ou 2015, il ne sait plus très bien.
À lire aussi : « Je n’ai pas le physique d’une coureuse » : Josianne Boudreault reprend goût à la course avec le défi virtuel Gaspesia 100
En plus de la performance, le physique dans les sports d’endurance est prédominant et Vincent n’est pas l’archétype du coureur de fond. Depuis l’arrière du peloton, le combat est avant tout contre lui-même. Il affirme « régler ses problèmes en courant », ce qui ne l’empêche pas d’avoir l’esprit de compétition et de batailler pour doubler quelqu’un en fin de course.
Et peu importe ce qu’en pensent les autres, cela lui passe au-dessus de la tête. « Qu’on soit gros ou maigre, l’essentiel est d’être là où tu as envie d’être », conclut-t-il.
Du bitume aux sentiers
Il est de coutume de penser que la course sur route est plus accessible que le trail. Il n’en est rien pour Vincent qui pratiquait déjà la randonnée et a vu dans la course en nature l’unification de deux sports qu’il aimait particulièrement. « Cela m’a rouvert les portes de la montagne, je n’osais plus y aller du fait de mon obésité, assure l’intéressé. Quand je me suis aperçu qu’en trail, d’autres personnes marchaient aussi en montée et couraient en descente, je me suis rendu compte que je faisais ça depuis mon plus jeune âge. »
S’il avoue que l’esprit trail est une expression un peu galvaudée, Vincent Machet a découvert dans le trail une autre manière de pratiquer et de voir son sport. Un monde où Il y a « 99,9 % de bienveillance ». Il s’en est pris de passion en 2012 et il a depuis couru avec succès de nombreux trails parmi lesquels l’Ubaye Trail (23 km 1070 D+), le Cross du Mont-Blanc (26 km 1680 D+) ou encore, bien sûr, le Serre Che Trail.
Au fil des années et des courses, Vincent a croisé la route de nombreux coureurs, dont certains athlètes avec qui il a tissé des liens particulier. « La notion de partage dans le trail fait sauter pas mal de barrière et facilite les échanges. En bon dernier, je suis souvent attendu sur la ligne d’arrivée », ironise t-il.
Sa participation à des compétitions et sa personnalité avenante l’ont fait connaître jusque dans le rang des élites et de l’événementiel du trail. Il est aujourd’hui parrain du Serre Che Trail organisé par des membres du Pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM) dont son ami Michel Lanne, jeune retraité de la compétition de haut niveau, avec qui il a eu la chance de courir le marathon Nice-Cannes en relais en 2019.
L’autodérision comme vecteur
Vincent Machet s’est construit une petite notoriété dans le monde des coureurs connectés. Humeur du jour, compte rendu de courses, d’aventures, la communication semble facile pour lui qui s’autodéfinit comme homo sociabilis (personne sociable). Loin du monde des influenceurs, sans page athlète ni compte Instagram actif, c’est sur son Facebook personnel que le Marseillais communique auprès de ses nombreux amis (près de 2500).
Car Vincent se plaît à raconter des histoires. Il joue avec les mots et se moque de lui-même dans des textes empreints d’humour et d’autodérision. « Pour moi, c’est un outil », explique-t-il. L’écriture et l’humour l’aident, au même titre que « se mettre un dossard sur le bide ».
À lire aussi : Boris Ghirardi : trop de « handis » ne savent pas qu’ils peuvent pratiquer une activité physique
« Si t’as pas ta Suunto à 50 piges, c’est que t’as raté un sentier – Jack Portnawak », peut-on lire sur l’une de ses publications (en référence à la célèbre phrase de Jacques Séguéla : « Si à 50 ans on n’a pas de Rolex, on a raté sa vie »). À son âge, Vincent semble avoir gardé toute son espièglerie. Il est même allé au-delà des mots en montant sa propre équipe nommé « le team Salami », qu’il décrit comme « l’anti-chambre du team Salomon ». Une idée qui en dit long sur sa créativité.
Derrière les facéties, l’autodérision permanente de Vincent fait partie d’une thérapie. Qu’on y voit du dénigrement ou qu’on s’amuse de ses mots, une chose est sûre : les textes de Vincent ne laissent pas indifférent. « Les gens disent que je devrais avoir plus d’estime de moi. C’est quelque chose sur lequel je travaille. Je fais parfois de l’autoflagellation, c’est vrai, mais c’est aussi pour garder à l’esprit mes problèmes. »
Sa popularité sur les réseaux n’est selon lui pas importante, mais il avoue qu’elle flatte quelque peu son ego. « Je pense que ça compense avec l’image que j’ai de moi. C’est un bon compromis. »
« Partout où je passe, tout le monde passe »
La course à pied n’est pas incompatible avec le surpoids, en témoigne les nombreuses lignes d’arrivée franchies par Vincent, qui sont autant d’heures d’entraînement passées sur route et dans ses collines septémoises. Son message ? « Partout où je passe, tout le monde passe. » Derrière l’autodérision récidivante, Vincent souhaite montrer aux femmes et aux hommes que l’activité physique est envisageable pour tous, quel que soit le poids, l’âge ou les déterminants physiques et psychologiques d’une personne. « Si mon témoignage et ma petite notoriété peuvent servir à des gens pour se mettre au défi et essayer d’avancer dans leur vie, c’est top », explique-t-il simplement.
Parmi les personnes qu’il a réussie à motiver, il avoue être fier du parcours d’une amie en surpoids devenue marathonienne quelque temps après qu’il l’ait emmené s’entraîner pour se remettre en forme. Si la course à pied est un virus, Vincent en est le super-transmetteur.
Son engagement va plus loin puisqu’il participe à la vie de plusieurs associations, dont celle d’Héloïse, une petite fille atteinte du syndrome d’Aicardi-Goutières. Il la soutient via l’association L’épuisette à étoiles avec laquelle il rassemble régulièrement des fonds lors d’opérations caritatives sportives. « Ce qu’on a fait avec Héloïse, cela a été un révélateur, s’enthousiasme encore Vincent Machet. Je me suis dit que même en étant le dernier d’une course, et sans être le plus représentatif des sportifs, loin de là, ça permet de générer quelque chose et d’apporter du confort à une petite fille. Il faut foncer, à ma vitesse, mais je fonce. »
À lire aussi : Marie Leautey fait le tour du monde en courant 650 marathons
« L’homme au coeur gros » (expression utilisée par son ami Michel Lanne) ne compte pas s’arrêter là puisqu’il vient de créer sa propre association destinée à soutenir des enfants orphelins. « On va donner du souffle, de la sueur, et peut-être des larmes, pour que tout ça fonctionne. »
L’année 2021 aura été « compliquée » pour Vincent, mais comme pour beaucoup, précise-t-il. Lui qui rêvait de recourir Marseille-Cassis, sa course de coeur qu’il a couru à huit reprises déjà, de refaire un marathon et surtout de participer pour célébrer ses 50 ans à la Jordan Running Adventure Race, dans le désert en Jordanie, a surtout déploré une « prise de poids fulgurante sur la balance ». Dans le même temps, il s’est lancé dans l’écriture de sa biographie, exercice qu’il a vécu comme « une bonne thérapie », et en avril 2022, il se dit prêt à repartir à la « reconquête », de lui-même surtout, « pour être bientôt prêt pour de nouveaux défis ». Il ne sera pas question de « grosses courses avant l’été, mais de quelques sommets à gravir pour arriver au top au Serre Che Trail », dont il est « plus que jamais le parrain ».