C’est inévitable, au fil des années, les coureurs accumulent des montagnes de chaussures de courses au fur et à mesure qu’ils les remplacent par des paires neuves. Si certains les gardent en souvenir, d’autres finissent par tout mettre aux poubelles. Et ce, même si des solutions solidaires et écologiques existent, comme le prouvent les organisations RunCollect et le Club de trail de Montréal.
Car, souvent, les chaussures ne méritent pas d’être jetées. Elles ont simplement un peu perdu de leur amorti et de leurs crampons et tant qu’elles ne sont pas déchirées, elles peuvent avoir une deuxième vie.
En France, Antoine Jeantot et Romain Drouot, des sportifs amateurs de Lyon, donnaient leurs vieux souliers aux sans-abri de leur quartier. « On trouvait que c’était embêtant de jeter une chaussure qui avait encore un bon aspect, explique Antoine, avant même avant de parler de recyclage ou de savoir dans quel bac jeter la chaussure. »
En 2017, les deux amis ont l’idée de monter « un service dans une approche qui se veut la plus globale possible » pour affronter le problème des chaussures usées. L’idée? Que « la chaussure considérée comme un déchet entre dans un circuit solidaire et circulaire », raconte Antoine.
L’organisation RunCollect voit le jour. Depuis, plus de 15 000 paires ont été revalorisées, dont 5500 juste en 2020, où le confinement dû à la pandémie a permis à plusieurs de faire le ménage des placards.
Hormis des initiatives personnelles ou locales, il n’existe pas en France de structure de collecte aussi étendue.
Les baskets en bon état, sans déchirures, sont confiées à des associations qui se chargent de les distribuer en fonction des besoins, telles que le Secours populaire français, le Foyer Notre-Dame des sans-abri venant en aide aux populations fragilisées ou bien l’institut médico-éducatif Saint-Louis à Chambéry.
Trop usées? Recyclées!
Environ 20 % des chaussures sont toutefois trop usées pour être redonnées. Elles sont alors envoyées aux Pays-Bas vers une entreprise qui les recycle en tapis de sol amortissants pour des centres de loisirs. Il faut savoir qu’aucune structure similaire de recyclage n’existe en France.
L’expédition vers cette entreprise ne se fait qu’une fois par an, afin de minimiser le transport et les émissions de gaz à effet de serre qui en découlent. « RunCollect, c’est un esprit de consommation responsable et de respect de l’environnement », insiste Antoine.
C’est aussi ce qui explique que l’entreprise oeuvre surtout, pour le moment, avec des associations locales de la région lyonnaise.
La collecte de chaussures se fait principalement dans un réseau de plus de 125 magasins partenaires à travers toute la France. Les commerçants s’engagent à récupérer les chaussures et à les envoyer à RunCollect, qui les revalorise dans ce que les fondateurs appellent « un système gagnant-gagnant », car, généralement, le donateur reçoit un bon d’achat en guise de rétribution.
Par ailleurs, des récupérations se font aussi sur les compétitions sportives. Plusieurs partenariats ont été signés pour 2021, ceux prévus en 2020 étant tombés à l’eau en raison des annulations d’événements.
Certaines marques donnent à l’occasion des chaussures ayant servi de démonstrateurs en boutique, et qui sont donc en très bon état.
RunCollect souhaite maintenant étendre le maillage national des magasins partenaires pour être plus près de chaque coureur. Une autre idée de développement serait d’embaucher des personnes en réinsertion afin d’augmenter les capacités de production, tout en conservant des valeurs sociales.
Le Club de trail de Montréal redonne au suivant
Au Québec, le Club de trail de Montréal (CTM) a également une démarche solidaire. « C’est dans l’ADN et dans les statuts du club d’avoir un impact sur la communauté au sens large, en essayant de voir plus loin », explique Alexandre Koch, président du club.
La course à pied est populaire à Montréal, que ce soit pour le loisir, l’entraînement, voire pour aller au travail en transport actif. Mais « on croise souvent des itinérants, dit Alexandre. On passe devant eux comme des flèches sans s’arrêter. On s’est demandé ce qu’on pourrait faire pour eux. »
Alexandre a notamment été inspiré par l’émission Face à la rue, qui a eu un certain retentissement au Québec. L’émission faisait des portraits touchants d’itinérants et était diffusée au moment où le CTM souhaitait avoir un peu plus d’impact avec sa communauté de quelque 160 coureurs.
« La pensée première était de distribuer de la nourriture et de l’eau, mais après avoir communiqué avec les associations, on a compris que le besoin criant, c’est les vêtements, et en particulier les souliers, et pas la nourriture, contrairement à ce que l’on peut penser », explique le président.
À l’été 2019, l’action de collecte de souliers est lancée auprès des adhérents du club. Concrètement, on demande aux coureurs d’amener leurs vieilles chaussures lors de la soirée de lancement de la saison, qui se tenait dans un bar de la ville. La consigne : les chaussures devaient pouvoir être encore portées, donc pas trouées. Des prix de participation étaient tirés au hasard parmi les contributeurs.
« Tous les membres du club ont répondu à l’appel et même au-delà de nos attentes, car 150 paires ont été récoltées pour l’Accueil Bonneau », une institution venant en aide aux personnes en situation d’itinérance et d’urgence.
En 2020, l’opération devait être renouvelée, mais la pandémie a eu raison de la soirée de lancement des activités du club. Malgré tout, Alexandre a continué la collecte avec son vélo et un chariot en allant chercher directement environ 70 paires chez les membres du club.
Le groupe est même allé encore plus loin. Il a mis en vente des pulls à capuches aux couleurs du CTM, et les profits ont permis d’acheter une cinquantaine de pulls sans marques. Ils ont été donnés à la Maison du Père, un autre organisme qui œuvre pour l’accueil et la réinsertion sociale des personnes en situation d’itinérance.
La collecte de souliers de course auprès des membres va perdurer pour le Club de trail de Montréal, car les coureurs auront toujours du stock à donner, assure Alexandre.
À lire aussi :
- Le Club de trail de Montréal s’est mis sur pause pour la saison
- L’École de trail : pour transmettre aux jeunes l’amour du sport en nature
- L’approche « wildinism » : courir en respectant vraiment la nature