L’athlète français Xavier Thévenard a traversé la Corse via le mythique sentier du GR20 (180 km et 13 800 m D+) en 32 h 32. Le Jurassien, triple vainqueur de l’UTMB, a longtemps été en avance sur les temps du record, mais il a faibli et des douleurs aux pieds l’ont ralenti au cours des dernières heures. Son compatriote François D’Haene, également triple vainqueur de l’UTMB, conserve le temps de référence en 31 h 06.
« J’en ai bavé sur des parties techniques bien dures, a-t-il avoué à son arrivée, lui qui n’avait jamais couru plus de 24 heures d’affilée. Sur la fin c’était un chemin de croix. Je n’en ai jamais autant bavé depuis 10 ans que je pratique l’ultra. Je serais allé en marche arrière, je serais allé plus vite. »
Objectif sous les 31 h
Xavier Thévenard avait quitté Calenzana, dans le nord de l’île, lundi, à 4 h du matin avec l’objectif de descendre en dessous de 31 h.
Un important dispositif avait été mis en place pour le mettre dans les meilleures conditions. Trente meneurs d’allure (« pacers »), dont 27 coureurs corses, se sont notamment relayés tout au long du parcours par petits groupes pour aider Xavier à atteindre son objectif. Ils étaient par exemple chargés de porter son sac, son eau et sa réserve alimentaire, ses bâtons, pour lui faciliter la vie et arriver à Conca, point final du GR20 au sud-est de la Corse, avant mardi, 11 h 06.
Parmi les coureurs locaux, qui connaissent le sentier par cœur, il y avait l’ancien détenteur du record, Guillaume Peretti, qui garde d’ailleurs sa « deuxième place » puisqu’il avait parcouru le GR20 en 32 h en juillet 2014. Le champion corse a couru une soixantaine de kilomètres aux côtés de Xavier Thévenard sur la première partie du parcours et a confié à Distances+ avoir adoré l’expérience.
Les conditions météo étaient jugées optimales avec « un terrain sec, un vent modéré et un grand soleil ». Jean-Michel Faure-Vincent, le manager de François D’Haene, estimait d’ailleurs avant le défi que Xavier « pourrait gagner du temps sur le record dans la première partie, car François avait été contraint de partir sous la pluie. »
La première moitié du parcours, jusqu’au 90e kilomètre, s’est très bien passée. Xavier Thévenard est parvenu à respecter ses temps de passage prévisionnels pour boucler son périple en 30 heures environ. Il a donc eu jusqu’à près d’une heure d’avance sur le record. Mais la chaleur, plus de 30 degrés, lui est rentrée dans le corps et, même durant la nuit, son allure moyenne a continué de baisser, alors que le terrain devenait plus « roulant », plus rapide.
Le pas était devenu lourd et les descentes compliquées à aborder avec des pieds endoloris. La fin du périple a été une lutte mentale. Il n’aurait pas été au bout, a-t-il fait comprendre plus tard, sans les traileurs qui l’ont accompagné et soutenu moralement.
Jean-Michel Faure-Vincent avait énuméré les clés de la réussite d’un tel projet : « ne rien lâcher, rester dans sa bulle et faire confiance aux autres ». Xavier Thévenard a respecté tout cela, mais ça n’a pas suffit. Et pour cause, « c’est un parcours magique, mais qui ne pardonne rien », avait également prévenu, en connaisseur, l’homme de confiance de François D’Haene.
« Il est parti trop vite »
« Il a eu le cran de partir sur des bases de 30 heures », s’est enthousiasmé Guillaume Peretti, qui connaît le GR20 par cœur et qui savait que c’était une sacrée prise de risque tant la partie nord de l’île est difficile. « Selon moi, il allait trop vite, a confié Guillaume par téléphone juste après l’événement. D’ailleurs, je lui ai peut-être dit 50 fois pendant que je l’accompagnais, parce que je me projetais sur ce que j’avais vécu et je pense surtout qu’il y avait trop de monde autour de lui, ce n’est pas idéal pour la concentration. »
Guillaume Peretti insiste sur le fait que Xavier avait une super équipe, des « pacers » de qualité et que tout était bien ficelé, mais il estime qu’il a dû s’adapter à des cassures de rythme quand de nouveaux meneurs d’allure entraient dans la danse. « Moi-même, quand j’ai commencé à courir au 30e kilomètre, je suis parti un peu vite par rapport à l’allure du groupe, et après 60 km, les jeunes qui ont pris la tête ont imposé une allure trop élevée. Xavier a réussi à la tenir, mais moi non, je suis resté sur le carreau, en hypo. »
« À mon avis, même s’il n’a pas explosé, Xavier aurait plutôt dû partir moins vite dans le nord, puis accélérer, analyse Guillaume. Si je reprends mes temps de référence, j’avais 1 h 30 de retard sur Xavier à mi-parcours à Vizzavona, mais 30 min d’avance à l’arrivée. » Il a donc perdu beaucoup de temps sur la partie la plus « facile » du sentier.
L’athlète corse, fier de se retrouver sur la traversée du GR20 derrière François D’Haene, mais devant Xavier Thévenard et Kilian Jornet, a quand même tenu à souligner à quel point le Jurassien l’avait « impressionné ». « J’ai vu l’état de ses pieds et je l’ai vu repartir en boitant de Vizzavona (km 83), dit-il, là, c’est surhumain ce qu’il a fait! Il a repoussé ses limites bien loin. J’ai beaucoup de respect pour Xavier, parce que les 15 dernières heures n’ont été que de la souffrance. Il pleurait quand je lui ai parlé après son arrivée tout à l’heure. Ça m’a remémoré des souvenirs forts. »
« Le record, c’est pas ça qui compte »
« Il a réussi à traverser en étant dans le moins mauvais état possible et en étant surtout bien accompagné. C’est aussi ça le sport. Il n’y a pas que la réussite, il y a aussi tout ce qui accompagne un parcours sportif » a commenté le père de Xavier Thévenard, qui assure n’avoir aucune déception, lors d’une courte entrevue vidéo avec nos confrères de Corse-Matin avant son arrivée.
Xavier a achevé, ému, son défi, qui, record ou pas, demeure un exploit, sous les applaudissements des siens.
« Il n’y a pas de mots pour décrire les émotions vécues, a commenté le champion au bout de son effort devant les médias. C’est vraiment très fort. C’est dans ces instants que l’on prend conscience que l’être humain a vraiment des bons côtés. Tous ces gens qui nous aident, qui sont passionnés par la montagne… Le chrono, la performance on s’en fout un peu. On est des passionnés de montagne et c’est ce qui est le plus important. Le record, c’est pas ça qui compte. Ce qu’on a vécu, c’était tellement fort. J’aurai la Corse dans mon cœur jusqu’à la fin de mes jours. »
« C’est un projet qu’on ne fait qu’une fois dans sa vie. Je reviendrai faire des parties mais pas sûr que je le referai en entier », a-t-il également dit avant de s’offrir un repos bien mérité.
Si Xavier Thévenard n’est pas parvenu à améliorer le temps de référence de François D’Haene, on retiendra qu’il a fait mieux que Kilian Jornet, qui a couru le GR20 en 32 h 54.
Durant sa carrière d’athlète, l’ultra-traileur et l’ultra-fondeur de 32 ans a entre autres remporté les quatre courses de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (OCC, CCC, TDS et trois fois l’UTMB).
Avec la collaboration de Yohan Malliard
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