L’athlète français Vincent Viet a rallié, le week-end dernier, avec quatre amis proches, les villes d’Annecy et Chamonix, en Haute-Savoie, en passant par un itinéraire alpin insolite. Confronté à de mauvaises conditions météo, le petit groupe a dû modifier le parcours initialement prévu (110 km pour 9000 m D+) et serrer les dents pour aller au bout de ce défi.
Les cinq ultra-traileurs ont quitté le bord du lac d’Annecy sous le soleil vendredi soir, peu après 20 h. Sur les sentiers, ils ont été confrontés à des passages enneigés, mais surtout à une forte pluie qui s’est abattue sur les 30 derniers kilomètres en montagne, les obligeant à changer de chemin. Au total, ils auront bien parcouru 110 km, mais « seulement » 7500 m de dénivelé en 23 h 33 min.
« Je ne souhaite pas qu’on ait des difficultés, mais si on en a, ça rendra l’aventure encore plus jolie, avait confié l’un des aventuriers, Pierre Gapihan à Distances+ avant la traversée. Le trail, on sait que ça n’est jamais facile et qu’il peut y avoir pas mal d’aléas, la météo en fait partie. » Et ils ont été servis, au point d’opter pour un parcours de repli, car il devenait trop dangereux de se lancer dans l’ascension du col de Brévent à près de 2400 m d’altitude. Les hélicoptères de secours n’auraient pas pu leur venir en aide en cas de pépin.
Depuis Annecy, ils se donc sont élancés dans le mont Veyrier, et sont passés par Parmelan, les Glières, le lac de Lessy, le col des Annes, la Pointe Percée au sommet des Aravis (2750 m d’altitude), la vallée de Sallanches et le chalet de Varan avant d’arriver à Chamonix peu avant 20 h samedi.
Une idée de longue date
Cette traversée entre Annecy et Chamonix a donc été imaginée par Vincent Viet — qui a terminé sur le podium des deux dernières éditions de la Maxi-Race d’Annecy et qui a signé une 5e sur la CCC en 2016 à Chamonix. Le champion souhaitait depuis longtemps relier à la course les deux villes en moins d’une journée en passant par « des massifs sauvages comme les Glières, qui sont des massifs qui ne sont pas forcément connus et où l’on n’a pas vraiment l’habitude d’aller », a-t-il expliqué à Distances+. Ils ont ainsi traversé le massif des Bornes, les Glières et les Aravis.
L’idée lui trottait dans la tête depuis un moment, mais la majorité des courses en montagne ont lieu entre juin et octobre et « le créneau pour la réaliser est assez court, dit-il. Avant juin, il y a de la neige, et à partir d’octobre il recommence à neiger. » Il a donc profité du confinement et de l’annulation des courses pour enfin mener à bien son projet.
Une aventure entre amis
Mais Vincent ne voulait pas se lancer seul dans cette aventure, alors le coureur de l’équipe New Balance s’est tourné vers deux amis d’enfance, Adrien Tarenne et Pierre Gapihan, et vers deux autres copains, Paul Mathou (4e OCC 2019) et Romain Berger (3e 90 km Marathon du Mont-Blanc 2017), des athlètes élites rencontrés lors des compétitions.
Ce projet baptisé « AnnCham » n’était pas un défi de performance, a insisté Vincent Viet. L’objectif était simplement de prendre du plaisir entre amis à travers les deux passions qui les unissent tous : le trail et la montagne. « Chaque année, on a le même problème, parce qu’on a chacun nos objectifs, et avec toutes les courses qu’on a dans la saison, on arrive rarement à se trouver un projet commun », soulignait Pierre Gapihan, à quelques jours du départ.
Vincent Viet et Adrien Tarenne se connaissent depuis une quinzaine d’années. Ils se sont mis au trail ensemble après avoir fait des raids et du vélo de montagne. « Depuis 15 ans, on a fatigué un bon nombre de copains avec tous nos projets », rigole Adrien. De ces copains, ils ne restent que Pierre, qui a rencontré Vincent en 2009 et qui a été initié à la course en sentier par ce dernier.
Tous étaient motivés par « l’esprit d’aventure » et le fait de « vraiment partager une balade entre potes », s’enthousiasmait Paul Mathou. Vincent compare d’ailleurs cette aventure aux raids qu’ils faisaient par le passé. « Le but des raids, ça n’était pas qu’il y ait un mec rapide, c’était que le groupe soit ensemble, aille au bout et s’entraide. Là aussi, l’idée c’était d’aller au bout de l’aventure tous ensemble. »
C’est une autre bande d’amis qui a géré l’assistance et les cinq ravitaillements prévus sur le parcours.
Heureux d’avoir réalisé ce projet ensemble
Vincent Viet souhaitait créer un nouvel itinéraire, une nouvelle « trace », accessible notamment sur Strava, pour que d’autres puissent faire à leur tour toute ou partie de ce sentier de montagne. Comme il a emprunté l’itinéraire de repli, la trace qu’il avait en tête n’a pas été réalisée dans sa totalité. Mais la traversée reste la première du genre. « Une trace a été faite, ça n’était pas celle prévue, mais c’était une belle aventure », s’est félicité l’athlète au lendemain de son défi.
Vincent a reconnu avoir « sous-estimé les Glières de nuit », qui étaient « techniques dans les lapiaz », dans son compte-rendu sur les réseaux sociaux. « La descente (de la Pointe Percé) était plus délicate. Nous avons mis une heure à faire le premier kilomètre de descente », qui était enseveli sous une importante couche de neige, raconte-t-il.
Si l’on devine une légère amertume en raison des difficultés rencontrées sur le parcours et le fait de ne pas avoir pu rester sur cette fameuse trace initiale, ce n’est rien face à la satisfaction de l’accomplissement de l’AnnCham. « On est tous heureux d’avoir réalisé ce projet ensemble », a-t-il dit.
Le soleil présent sur les 80 premiers kilomètres aura permis aux coureurs de profiter, en plus des paysages sauvages, d’un magnifique coucher et d’un superbe lever de soleil sur le flanc des montagnes.
Deux nouvelles traces entre Annecy et Chamonix
À présent, il existe deux traces, celle prévue, avec le passage au col de Brévent, et celle réalisée.
Vincent Viet présentera les deux traces à ceux qui voudront se lancer comme lui et ses amis, tout en les prévenant de la difficulté et des précautions à prendre sur la trace qui passe par le col du Brévent et les Fiz. « Cette trace peut être dangereuse par endroit. Une très bonne connaissance et analyse du terrain est à réaliser avant de se lancer dans cette aventure », avertit-il après coup.
« L’objectif, c’était aussi de faire ça au début de l’été pour inspirer les gens pour qu’ils puissent le faire de leur côté », explique Vincent.
« C’est sympa de partager notre expérience à tout le monde. Plus il y aura de personnes qui feront la trace après nous, plus grande sera notre satisfaction », ajoute Paul Mathou.
Vincent Viet a promis qu’il tenterait de nouveau de parcourir sa trace, mais sur plusieurs jours, « en modifiant quelques passages ».
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