La rédaction
Après sept années passées à la barre des Événements Harricana, notamment comme organisatrice de l’Ultra-Trail Harricana du Canada (UTHC), Marline Côté a décidé de passer la main et de prendre une pause du monde de l’événementiel dans lequel elle s’est investie corps et âme durant près d’une décennie, jusqu’à éprouver une certaine forme d’épuisement. Elle quitte officiellement ces fonctions ce vendredi soir. Celle que son entourage décrit comme une femme solaire, positive, dynamique, à l’écoute, attentionnée, persévérante et innovante compte désormais vivre sa passion pour la course en sentier comme simple athlète éprise de plein air. Elle a répondu aux questions de Distances+ juste avant de remettre à « sa gang », à sa « dream team », les clés de l’UTHC. Interview!
Distances+ : Tu as annoncé le 26 septembre dernier, peu après la 12e édition de l’Ultra-Trail Harricana du Canada, que tu quittais la direction des Événements Harricana, qui gèrent aujourd’hui l’UTHC, mais aussi le TransCharlevoix, L’Échappée à l’Île aux Coudres, le FestiTrail au Massif de Charlevoix, le Festival des films Trails in Motion et, dans une moindre mesure, l’événement hivernal la Virée Nordique. Pourquoi ?
Marline Côté : Je voyais depuis un certain temps qu’on arrivait sous peu à la fin d’une phase. Notre organisation a connu d’importants développements dans les dernières années afin de consolider une équipe d’employés permanents autour d’événements solides et durables. Or, cette phase de développement tire à sa fin en 2023.
Quand je suis arrivée, il y a sept ans, l’organisme reposait sur un seul employé à huit mois par année, entouré et épaulé par plusieurs contractuels et bénévoles, précieux et indispensables, certes, mais qui ont aussi leur emploi du temps et autres priorités en dehors de leur implication avec nous. Faire reposer une organisation sur un seul événement et un seul employé, ça reste fragile et précaire comme modèle organisationnel et il fallait trouver une façon de consolider le modèle d’affaires.
Nous avons maintenant une belle équipe capable de coordonner une série d’événements qui sont complémentaires les uns et les autres et qui forment un tout stable et cohérent. L’Ultra-Trail Harricana du Canada, qui est notre plus gros événement depuis les débuts, a atteint une vitesse de croisière phénoménale. Après avoir ajouté des distances variées (10 courses de 5 à 125 km sans compter les courses jeunesses, NDLR), peaufiné les parcours et les horaires, de même que bonifié l’organisation des sites et les services dans les dernières années, on a enfin une formule qui me semble gagnante et à pleine maturité. Nos autres événements, L’Échappée, le TransCharlevoix, le FestiTrail et Trails in Motion ont aussi des bases solides et un excellent potentiel de développement.
On a connu de très beaux succès sur tous nos événements en 2023, mais ça a demandé beaucoup beaucoup de travail ! J’oserais même dire des sacrifices personnels. Ma vision de l’organisme et de ses événements est arrivée à terme et je suis prête à laisser le flambeau à une nouvelle personne qui arrivera avec une énergie neuve et des compétences complémentaires aux miennes pour venir cimenter et consolider l’écosystème que nous avons bâti, et l’amener à son tour à un autre niveau.
À quelques heures de tourner la page, comment te sens-tu ? Quelles sont tes émotions ?
Vraiment sereine. Je suis confiante que notre « dream team » – je pense à Erika Potvin, Joanie St-Pierre et à Steve Horth, qui sont épaulés par un conseil d’administration vraiment solide – aura beaucoup de succès pour la suite. Ce sont des personnes extrêmement compétentes et passionnées et je suis contente de savoir que les événements sont entre de si bonnes mains.
Au fil des années, l’UTHC a grandi comme l’événement de trail le plus populaire à l’échelle du Canada selon le classement annuel Iskio.ca et, à la barre de ce navire de plus en plus gros, tu t’es imposée aux yeux des observateurs comme l’une des principales actrices du monde de la course en sentier au Québec. Avec un peu de recul, c’est quoi la « patte » Marline Côté ? Que penses-tu avoir apporté à notre sport et à notre communauté au Québec ?
D’abord, l’UTHC a toujours été le résultat d’un gros travail d’équipe, avec de nombreuses personnes impliquées à tous les niveaux. Nous avons eu la chance d’être vraiment très bien entourés, d’individus que je considère parmi les meilleurs dans leur champ d’expertise au Québec. Ces personnes ne sont pas que des exécutants, ils partagent leurs opinions, leurs idées et aident aux prises de décisions. Ils nous aident à lever la barre toujours plus haut. Ma « patte » ce serait donc peut-être celle-là, d’avoir mobilisé plusieurs partenaires, organisations, bénévoles et professionnels pour qui j’ai de l’admiration et en qui j’ai eu confiance en leur permettant de s’approprier l’événement afin qu’ils contribuent à son succès à leur façon. De manière générale, je pense qu’on a ensemble contribué à tirer beaucoup d’autres organisations vers le haut, en élevant les standards, en recherchant sans cesse l’amélioration, en se questionnant et en s’inspirant nous-mêmes des meilleures pratiques ailleurs dans le monde.
Que vas-tu faire à présent ? Quels sont tes projets ? Et as-tu l’intention de continuer à t’impliquer dans la communauté du trail ?
Pour l’instant, je vais prendre une pause des implications bénévoles ou professionnelles dans la communauté de trail. Je vais me concentrer à me remettre moi-même à la pratique plus régulière de cette discipline sportive qui m’a amenée là où je suis aujourd’hui. J’ai envie de retrouver le plaisir brut de courir, avec des amis, peut-être même dans des clubs de trail. J’ai besoin de me détacher de mon ordinateur et de mon téléphone et de retrouver de près la communauté de trail directement dans la bouette et les sentiers.
Puisque c’est le temps du bilan… Quelles sont les deux-trois plus grands moments que tu as vécus à la direction des Événements Harricana?
Oh… Bonne question ! Je dois y réfléchir…
C’est sûr que notre édition pandémique a été toute qu’une aventure (l’UTHC avait été le seul événement à voir le jour en 2020 au Québec, NDLR). Quand j’y repense, je trouve qu’on a été bien naïfs de continuer d’y croire jusqu’au bout. On a eu vraiment beaucoup de chance que l’événement se tienne en septembre 2020, mais ça a presque relevé du miracle, ça n’a aucun sens. Je me souviendrai toujours de ce moment, alors que je me tenais sur le balcon qui surplombe le site principal, que j’observais du haut des escaliers les dizaines de personnes éparpillées sur le site, tellement heureuses d’être là, sous le soleil, à attendre les autres coureurs arriver ou à se reposer avant de devoir quitter le site, et je sentais qu’on vivait quelque chose d’historique, de complètement décalé et surréaliste. Tous ces gens avaient gardé espoir, avaient continué de s’entraîner – ce qui était aussi une façon de prendre soin de leur santé mentale et physique –pendant des mois, malgré le contexte complètement déstabilisant, et nous avons réussi à faire une différence à notre façon dans la vie de plus de 900 athlètes et bénévoles cette année-là. Ça restera pour moi un grand moment.
Je pense aussi à la fin de l’édition 2022. L’équipe s’est réunie dans un chalet pas très loin du Mont Grand-Fonds. Nous venions de réaliser la plus belle édition de l’UTHC à ce jour, mais pas seulement pour les athlètes, pour l’équipe aussi. Pour la première fois, on avait vraiment senti que tout était vraiment sous contrôle. On avait réussi à gérer nos horaires et notre sommeil pour ne pas être trop épuisés de ces quatre jours intenses de l’événement. On a vraiment passé une belle soirée ce dimanche-là. Elle restera longtemps gravée dans ma mémoire, car c’est aussi un moment que nous avons partagé avec une personne de l’équipe logistique que nous aimions beaucoup et qui a malheureusement quitté ce monde aujourd’hui.
Quelles sont les trois meilleures anecdotes qui te viennent rapidement en tête ?
Il y en a beaucoup en fait. Vite comme ça, il y a la fois où j’ai oublié de mettre de l’essence dans la voiture avant de me rendre au départ du 125 km, la fois où Ludovic Collet était perdu dans le bois alors qu’il venait animer le départ de la course. Il était arrivé une minute avant, s’était emparé du micro et avait donné tout un show en quelques secondes. Il y a aussi la fois où le camion cube de l’équipe logistique s’était perdu dans la nuit et avait failli ne pas arriver à temps pour faire le montage du site du 65 km et du 80 km au parc des Hautes Gorges, ou encore la fois où la remorque pleine de stock pour le ravito La Marmotte est arrivée barrée à clé, sans la clé… Sans oublier la fois où on s’est embarrés en dehors du chalet du Mont Grand-Fonds le dimanche matin de l’événement. C’était quelque chose ça aussi !
Avant d’embrasser le métier d’organisatrice à plein temps, tu faisais partie des meilleures athlètes de trail au Québec – tu as d’ailleurs remporté entre autres la première édition du 80 km de l’UTHC. Est-ce qu’il faut s’attendre à revoir l’athlète Marline Côté sur les podiums à compter de 2024 ?
Vous allez revoir Marline Côté l’athlète sur les sentiers à compter de 2024, mais certainement pas sur les podiums ! Le niveau a bien monté dans les dernières années alors que, moi, j’en ai beaucoup perdu malheureusement. Si j’ai eu la chance de monter sur des podiums dans le passé, c’est bien parce que je partageais rarement des lignes de départ avec les quelques athlètes féminines de l’époque.
Après cette pause volontaire, Marline Côté, qui avait été l’une des premières collaboratrices de Distances+ avant de s’impliquer dans l’organisation de l’Ultra-Trail Harricana du Canada, pourrait reprendre ponctuellement la plume dans les semaines ou les mois à venir pour D+. À suivre sur les réseaux de Distances+.
Distances+ est média partenaire de l’Ultra-Trail Harricana du Canada.
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