Le confinement obligatoire instauré en France pour endiguer le coronavirus ainsi que l’annulation ou le report de toutes les compétitions, a mis la saison de tous les athlètes européens sur pause. Comment ont-ils vécu cette période complètement inédite? Distances+ a posé la question à plusieurs des meilleurs traileurs français. Ces entrevues ont été réalisées en avril.
C’est au tour de Thibaut Baronian, le meilleur athlète de trail français sur la distance marathon, de nous raconter son confinement.
Thibaut Baronian (cote ITRA 890) est un grand compétiteur qui aime jouer avec les meilleurs coureurs dans les sentiers et tenter de gagner la partie. L’an dernier, il s’est illustré en montant sur le podium de la mythique Zegama (42 km, 2900 m D+), en Espagne, derrière l’imbattable Kilian Jornet et à moins d’une minute du Polonais Bartlomiej Przedwojewski.
Toujours bien classé à l’arrivée, le coureur de Besançon a terminé à une prestigieuse quatrième place du classement général de la Golden Trail Series 2019.
Depuis 10 ans, l’athlète de l’équipe Salomon affiche une remarquable constance et enchaîne les performances internationales : double vainqueur du 21 km de la Skyrhune au Pays-Basque, victoire au Marathon de la Transgrancanaria 2016, 2e et 3e de l’OCC ou encore 2e de la Mascareignes.
Thibaut Baronian a également remporté, chez lui, le 28 km du Trail des Forts de Besançon à deux reprises (2013 et 2019)
Distances+ : Comment vis-tu la période de confinement actuelle?
Thibaut Baronian : J’ai vécu la période globalement bien, même si d’être enfermé dans mon appartement devenait un peu longuet. Mais je ne vais pas me plaindre, j’ai la forme, mes proches se portent bien et le quartier dans lequel je vis à Besançon est calme et plutôt pratique. Je suis en manque de nature, c’est certain, mais ça devrait bientôt se terminer (NDLR : Thibaut a depuis retrouvé « avec bonheur » les sentiers autour de Besançon et les séances de bosses au cours desquelles il a pu tester sa vitesse).
Psychologiquement, ce n’est parfois pas simple d’être seul en permanence sans réel contact social.
Parle-nous de l’impact que cela a eu sur ta motivation.
La motivation a fait un peu des vagues. J’ai eu quelques baisses de motivation au début du confinement, au bout de 15 jours – trois semaines, mais j’ai réussi à me mettre quelques défis et courses virtuelles (sur l’application Zwift) pour garder le punch et me stimuler.
Maintenant, nous voyons le bout du tunnel, donc le plus dur est passé.
As-tu fait une croix sur ta saison? Sur quoi te concentres-tu désormais?
Je devais être sur la Golden Trail World Series (Zegama, Marathon du Mont-Blanc, Sierre Zinal, Pikes Peak et Skyrhune), mais tout est bouleversé et nous n’avons pas encore la visibilité suffisante pour connaître le calendrier exact. Donc, mettre une croix totale, évidemment non, puisqu’en septembre, octobre et novembre, ça devrait courir. En revanche, je vais devoir décaler mes projets (humanitaires) perso, à savoir mes traversées du Cap-Vert, à 2021.
Quel enseignement tires-tu de ce que nous sommes en train de vivre?
J’ai lu et regardé beaucoup de vidéos sur l’état de notre planète, sur les systèmes politiques et financiers, sur « l’effondrement ». C’est un temps qui m’aura permis de (re)découvrir beaucoup d’intellectuels et de les écouter (Aurélien Barrau, Pablo Servigne, Juan Branco, Fred Vargas, la chaîne Thinkerview…) En résumé, j’en étais déjà persuadé, mais ça me confirme que nous n’allons pas dans le bon sens, avec notamment cette surconsommation des différentes ressources. J’ai envie d’avoir des actes francs et concrets aujourd’hui qui vont véritablement dans le sens de la préservation de la vie, humaine, animale et végétale. J’ai, par exemple, changé de fournisseurs d’énergie (100 % énergie renouvelable). J’ai aussi une alimentation presque végétarienne depuis le début du confinement.
Quel message souhaites-tu faire passer à la communauté de traileurs et aux sportifs en règle générale en cette période difficile?
J’espère que toutes les personnes confinées prendront conscience que la vie sur cette planète est en réel sursis et que nous avons chacun un rôle à jouer dans cette lutte pour la préservation de notre espèce.
Côté plus sportif, n’en faites pas trop. Pas plus que d’habitude. Je reçois beaucoup de messages concernant des petits bobos liés à l’augmentation de la charge mécanique durant cette période, dus à un temps libre plus important pour faire du sport.
Et, évidemment, pour ceux qui ne sont pas des adeptes de la cuisine, profitez-en pour mettre la cuisine dans votre routine, avec des produits bruts et de saison.
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