L’espoir breton Théo Le Boudec espère marquer les esprits

Avant l’Istria 100 by UTMB

Théo le Boudec
Théo le Boudec, 22 ans, vainqueur de l’Endurance Trail 2022 - Photo : Baptiste Balay

MISE À JOUR – Du haut de ses 22 ans, le Breton Théo Le Boudec a remporté ce samedi 15 avril 2023 l’épreuve BLUE de 100 km de l’Istria 100 à travers la péninsule d’Istrie en Croatie au bord de la mer Adriatique. Il a parcouru les 112 km et 4100 m D+ en seulement 9 h 55, surclassant les six athlètes qui avaient un meilleur index UTMB que lui au départ.

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Avec déjà deux victoires au Festival des Templiers à son palmarès à seulement 22 ans, Théo Le Boudec fait partie des grands espoirs de la Bretagne pour briller sur la scène du trail français. Il a encore impressionné en ce début d’année 2023, chez lui dans les Côtes-d’Armor, lors du Trail du Glazig, une étape vers son premier gros objectif de la saison, l’Istria 100, ce week-end en Croatie (15 avril). Il s’alignera sur le parcours bleu, le 112 km et 4100 m D+, une épreuve où il pourra se mesurer à plusieurs ultra-traileurs de calibre international. Il figure au 11e rang des favoris sur la base de l’Index UTMB (797).

Le jeune athlète reste sur trois victoires d’affilée. Il a gagné le 46 km (2100 m D+) du Fest’Trail Causses & Rougier, en Aveyron, en septembre dernier, puis sa première épreuve de plus de 100 km un mois après, l’Endurance Trail des Templiers (107 km, 5000 m D+) et s’est imposé avec autorité sur le 59 km (1200 m D+) du Trail du Glazig en février.

Théo Le Boudec avait attiré l’attention sur lui dès 2021 avec sa victoire surprise sur l’Intégrale des Causses (67 km, 3000 m D+), la course inaugurale du Festival des Templiers, alors qu’il débarquait sur trail long. Il avait juste remporté, un mois auparavant, le Trail des légendes de Brocéliance en Bretagne, un 52 km pour 1300 m de dénivelé et une course de 55 km au Portugal début juin, à la TransPeneda-Gerês. Il n’avait alors que 20 ans et ça restera sa première victoire à l’internationale, même si le niveau de la course était peu élevé (sous les 800 points de performance ITRA).

En moins de deux ans, le jeune homme a progressé à vitesse grand V et a multiplié les performances athlétiques et les places d’honneur, comme sa 4e place à la Traversée Nord de L’Échappée Belle (84 km, 6150 m D+) dans le massif de Belledonne l’été dernier.

Dans la foulée de sa première victoire de la saison au Trail du Glazig, l’une des courses majeures en Bretagne et l’un des sept événements du challenge Ouest Trail Tour, Distances+ s’est entretenu avec Théo Le Boudec.

Théo le Boudec
Théo le Boudec, vainqueur de l’Endurance Trail 2022 en 11 h 06 – Photo : Baptiste Balay

Distances + : Comment as-tu vécu ta belle victoire sur le Glazig, que tu avais cochée en début de saison?

Théo Le Boudec : Je dirais que je suis heureux! Le Glazig est pour moi l’une des plus belles courses en Bretagne. Pouvoir commencer l’année par une victoire, sur une distance qui n’est pas forcément à mon avantage, je trouve ça encourageant. 

Quelle place avait pour toi cet événement dans ton calendrier de courses 2023?

Débuter l’année par un format mi-long m’a permis de revoir mes bases de vitesse et de savoir où j’en étais physiquement afin de lancer ma saison. C’était aussi pour moi l’occasion de me tester sur un parcours roulant. Me prouver que j’ai aussi les capacités de pouvoir courir « vite ». J’avais cette envie de voir ce que j’avais dans le moteur en imprimant un rythme rapide jusqu’au 50e kilomètre et d’observer comment mon corps pouvait réagir à cette intensité.

Tu as débarqué il y a peu dans l’univers du trail. En dehors des premières lignes de ton palmarès, que faut-il savoir sur toi?

Je suis un Breton pur beurre. Je suis très attaché à ma région et à mon GR34 (le célèbre chemin des douaniers qui longe les côtes de la Bretagne intégralement). J’ai découvert le trail en 2019 et j’ai de suite adoré cette osmose entre le côté liberté et l’aspect découverte. J’ai toujours été un grand rêveur et le terrain de jeu que nous offre ce sport était pour moi un véritable cadeau. J’ai pendant de longues années été un garçon timide, réservé et ce sport m’a aidé à trouver confiance en moi. C’est aujourd’hui mon moyen de m’exprimer et de prouver que je suis capable de faire de belles choses. Je suis plutôt attiré, pour le moment, par les longues distances allant jusqu’à 110 km. J’ai aussi la chance d’avoir intégré le team Altra Élite depuis quelques mois.

Quel est ton bagage sportif et comment t’es-tu décidé à te mettre à la course à pied ?

Ça a débuté un peu par hasard. Pendant le confinement j’ai voulu apporter mon soutien au personnel soignant qui était sur le pont. J’ai donc monté une cagnotte en m’engageant à courir 1 km sur tapis pour chaque euro reversé. La cagnotte a atteint 850 euros. Mais finalement, j’ai été encore un peu plus loin en courant 1000 km, sans préparation. J’ai aimé cet effort et je me suis dit qu’il y avait sans doute quelque chose à faire. Je me suis donné les moyens de travailler les bases de la course à pied afin d’arriver au plus vite sur des formats longue distance.

Malgré ton jeune âge, tu as donc de suite choisi des formats longs. Pourquoi?

J’ai toujours aimé être en extérieur. Je passais mes fins de journée après les cours sur les sentiers à crapahuter sur le GR34 ou en pleine campagne. Plus je courais, mieux je me sentais. J’ai donc naturellement travaillé mes capacités d’endurance. Même si je pense avoir un profil polyvalent, j’ai de suite été animé et fasciné par les formats longue distance. Cela dit, je continue à intégrer des formats courts à mes saisons pour garder du rythme et ne pas devenir un diesel. 

En commençant très tôt sur les longues distances, tu n’as pas peur de te brûler les ailes ou de te lasser?

Pour le moment, je m’épanouis sur ce type d’efforts, mais j’ai conscience que je reste un jeune coureur. J’ai encore beaucoup à apprendre. C’est aussi cette quête d’apprentissage qui me donne envie de poursuivre. Pour moi l’ultra, c’est l’école de la vie. De la préparation à la course, on passe par différentes phases. Qu’elles soient physiques ou mentales, on en ressort toujours grandi. Cela dit, je sais aussi que cette discipline est usante. La recette pour durer est selon moi de savoir s’écouter, de bien s’entourer et de ne pas se prendre la tête. Pour le moment, je prends ce qu’il y a à prendre, en essayant de le faire le plus intelligemment possible.

C’est aussi une tendance que l’on observe, notamment en ultra-trail avec un rajeunissement du peloton alors qu’avant c’était une discipline que l’on associait plutôt aux coureurs plus âgés. Comment expliques-tu ce phénomène?

Le trail et l’ultra-trail sont des disciplines qui se démocratisent à une vitesse folle. La notoriété de plus en plus grande des principaux événements ou encore la création d’écoles de trail génèrent forcément des envies, des vocations. Tout cela aide à son développement. Donc naturellement les jeunes générations sont de plus en plus présentes, et le seront sans doute encore plus dans le futur.

Ton évolution apparaît assez fulgurante, quel est ton regard là-dessus, comment l’expliques-tu?

Je reste plutôt lucide face à ça. Comme je l’ai dit, j’ai encore beaucoup à apprendre et à prouver, donc je ne me prends pas la tête. Le plus important est de réussir à rester soi-même et de s’appuyer sur son entourage pour garder les pieds sur terre.

Tu as gagné l’Endurance Trail des Templiers en octobre dernier après avoir remporté le format de 66 km, l’Intégrale des Causses, l’année d’avant face à des spécialistes du terrain ou de la montagne. Or, les Bretons ne sont pas forcément adeptes de dénivelé. Comment avais-tu préparé ces courses ?

En 2022, j’étais étudiant en tourisme et management des loisirs sportifs de pleine nature à Millau, et je suis de suite tombé amoureux de cette région, notamment des Causses. C’était pour moi aussi une opportunité énorme de m’entraîner en parallèle. J’ai donc passé pas mal de journées à découvrir l’immensité de ce terrain de jeu. J’avais aussi cette habitude de grimper sur les hauteurs de la pouncho afin de profiter des premières ou dernières lueurs. Je m’y sentais vraiment bien.

Pouvoir vivre à Millau m’a donc beaucoup aidé à appréhender le terrain, à m’y familiariser et à découvrir les différents parcours des Templiers. On peut même dire que, maintenant, je m’y sens comme chez moi, et je connais le coin comme ma poche.

Et sinon, ce n’est pas une légende, le Breton sait s’adapter, quelle que soit la situation!

T’attendais-tu à monter sur la plus haute marche du podium l’automne dernier sur l’Endurance Trail?

J’abordais cette course avec beaucoup de sérénité, car la préparation avait été très bonne et je connaissais les moindres recoins du parcours. Après, en ultra, il peut se passer beaucoup de choses, je ne suis pas du genre à estimer le résultat en amont. Je préfère me laisser porter par l’événement, puis arrive ce qui doit arriver. Mais forcément, au fond de moi, j’espérais marquer les esprits.

Comment vis-tu ce début de notoriété?

Dans un premier temps, ça m’a fait peur. Après la course, quand j’ai allumé mon téléphone, je ne m’attendais pas à autant de sollicitations pour être honnête. Surtout que je voulais juste profiter de cette victoire, mais aussi de la suite du week-end. J’ai donc fait le choix de couper les réseaux sociaux pendant deux jours pour digérer. Une fois redescendu de mon petit nuage, j’ai commencé à traiter mes messages avec un peu plus de sérénité. Romuald Brun, l’ancien team manager de l’équipe Altra m’a énormément aidé dans la gestion de cette situation qui était nouvelle pour moi. De ma victoire sur l’Intégrale jusqu’à l’Endurance Trail, je lui dois beaucoup.

Maintenant, je prends ça naturellement, ça fait partie du jeu. Et puis j’aime échanger et partager autour de ma pratique.

Es-tu suivi par un entraîneur?

Depuis maintenant un an, je suis coaché par Christophe Malardé (entraîneur historique de François d’Haene entre autres, NDLR). Il m’a vraiment fait passer un cap. Sa vision de la discipline ainsi que son expérience en tant qu’athlète m’apportent énormément au quotidien. Si j’arrive à être régulier toute l’année, c’est en grande partie grâce à lui. Il a réussi à me canaliser et à adapter un programme en lien avec mon profil. On a vraiment une relation saine. C’est cette communication qui aide à bien préparer les objectifs.

As-tu mis d’autres choses en place, au-delà de l’entraînement purement physique ?

Depuis ma victoire sur l’Endurance Trail, j’ai commencé à m’intéresser à tout ce qui touche à la nutrition. Que ce soit durant la course, mais surtout durant la préparation. J’essaye d’optimiser chaque petit détail qui pourrait me permettre de me rendre meilleur. Quand on commence à penser ultra endurance rien n’est à prendre à la légère pour pouvoir performer (Théo a intégré la nouvelle équipe pro junior constituée par Näak, dans lequel on retrouve plusieurs grands espoirs du trail français comme Antoine Charvolin, Hugo Deck, Alanis Duc, Antoine Thiriat et Louis Travaillot).

Comment vois-tu l’avenir du trail?

J’espère que ce sport va continuer de grandir tout en gardant ses valeurs nobles. C’est-à-dire se développer tout en conservant le respect de l’environnement. 

As-tu des modèles d’inspiration?

Mon inspiration première, c’est Kilian Jornet. Pour moi, cet athlète représente la simplicité et l’humilité. Il est complet. Du 10 km à l’ultra en passant par le kilomètre vertical (KV), c’est un athlète polyvalent. Aussi, son implication pour la cause environnementale prouve que les athlètes ont eux aussi le pouvoir de lancer des alertes.

Sinon, je m’inspire aussi beaucoup du champion cycliste belge Remco Evenepoel. Sa fougue et sa jeunesse prouvent que tout est possible, quel que soit notre âge (Théo a 23 ans, NDLR). Tout est question de maturité.

Quels sont tes rêves et tes objectifs à court et moyen termes au-delà de l’Istria 100?

À court terme, mon objectif 2023 sera la TDS cet été et un retour à Millau sur le Grand Trail des Templiers en octobre.

Sur du plus long terme, j’espère pouvoir un jour participer aux mythes de notre sport. Je pense naturellement à la Diagonale des fous et à l’UTMB.

Hors compétition, j’ai dans un petit coin de ma tête l’envie de tenter le record d’un GR. Et naturellement celui du GR34, à la maison (record détenu depuis juin 2021 par le Breton Jérémy Desdouet en 27 jours 11 h et 35 min).


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