La traversée de l’enfer de Jean-François Bégin en Australie

Photo : Gabriel Pielke

L’athlète Jean-François Bégin est rentré il y a quelques semaines d’Australie, où il a complété une course de 522 km en autonomie complète. Il en a bavé pour passer au travers de ce qu’il décrit comme l’épreuve la plus difficile de toute sa vie.

« Pour moi, ç’a été la course la plus dure mentalement et de loin, dit-il, catégorique. J’ai dû aller dans des endroits dans ma tête où je ne pensais même pas que je pouvais aller. C’est presque du masochisme. »

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Pourtant, Jean-François Bégin n’en est pas à sa première course d’envergure. Il a commencé, il y a 18 mois, une série de cinq courses dans le désert pour financer une bonne cause.

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Photo : Gabriel Pielke

Une course hors norme

Même la traversée du désert de Gobi en Chine (250 km) ne l’avait pas préparé à ce défi. « Tu ne peux pas t’imaginer comment c’est long tant que tu n’as pas mis les pieds dedans. Mais ce que j’ai trouvé le plus difficile, c’est l’agression mentale dont tu es victime », dit-il.

The Track, c’est une course en neuf étapes en plein centre du continent australien, pas très loin de la ville d’Alice Springs. « C’est un challenge d’organiser un ultra comme ça dans l’outback — 11 bénévoles pour 25 coureurs — sur des terres aborigènes et des terres privées. Je comprends pourquoi la course est aux deux ans », dit-il.

Comme c’est une course en autonomie complète, seules les tentes et l’eau sont fournies. « On était autonome même pour le feu. Le soir, après 64 km dans les jambes, chercher de la brindille, ce n’est pas ce qu’il y a de plus amusant », raconte Jean-François.

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Photo : Gabriel Pielke

Un début difficile

Les deux premières journées sont en montagne et cumulent la quasi-totalité du dénivelé de l’épreuve, soit 1700 mètres. « C’était beaucoup plus technique que je ce à quoi je m’attendais. Il fallait être toujours attentif à où mettre les pieds. Il y avait des roches plates, rondes, inclinées et de la strate, explique l’aventurier. Les montées et les descentes étaient périlleuses. J’ai chuté comme la plupart des coureurs. »

La chaleur n’a cependant pas été un problème. « C’était extrêmement sec, entre 28 et 35 degrés le jour, ce qui était relativement ‘’confortable‘’ par rapport aux autres courses que j’ai faites », dit-il.

Puis, les roches des premières étapes ont fait place au sable. « Du sable de toutes les consistances : tapé, en croûte et plus mou que je n’en avais jamais vu. Les coureurs qui avaient fait le Marathon des sables trouvaient que c’était bien pire en Australie », se souvient-il.

Une invasion de mouches

Le centre de l’Australie est infesté par la mouche domestique, une espèce qui a été introduite sur le continent. « Tu ne peux pas t’imaginer comment il y a ! Elles se nourrissent de la sueur, du sel et du sucre de nos boissons électrolytes. Sur mon sac à dos, il y en avait des centaines », dit-il.

Les mouches étaient une épreuve en soi. « On avait des filets, mais courir avec ça, par 30 degrés, c’est chaud et ça devient encombrant pour boire, explique-t-il. C’est un stress permanent d’avoir des mouches qui bourdonnent dans tes oreilles et qui veulent entrer par tous les orifices de ta figure. »

Au seuil de l’abandon

Jean-François a frappé le mur à la septième étape. « Cette journée-là, je me suis levé et je me suis dit, ça va être une mauvaise journée. Ça ne me tentait pas du tout. »

Il devait compléter l’épreuve de 64 km en moins de 10 heures. « Au milieu de la course, j’ai regardé mon pace et je me suis dit : je ne ferai pas le cut-off. J’avais déjà accepté que ma course allait s’arrêter là », dit-il.

C’était sans compter sa conjointe, qui agissait comme bénévole. « Son travail, c’était de fermer la course et le dernier participant, c’était moi », raconte-t-il. Elle a débarqué du camion et elle m’a dit : tu as deux choix, tu embarques dans le camion ou tu me suis puis, on finit. On a fait les 34 derniers kilomètres ensemble et on est arrivé quelques secondes après le cut-off, mais on m’a laissé continuer. »

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Photo : Gabriel Pielke

La traversée du désert

La dernière étape est la plus longue, une distance de 137 km. « C’est une course dans une course. Le jeu entre ‘’je pousse’’ et ‘’je pousse avec parcimonie parce que je veux m’en garder pour la fin‘’, mentalement, ça devient épuisant, car tu es toujours à cheval entre deux intentions », explique-t-il.

Certains concurrents ont déclaré forfait à la toute fin. « Un coureur français, qui n’est pas un premier venu – il a terminé 40e à Badwater – a abandonné au kilomètre 405 en disant : je ne suis plus capable d’avancer, le corps veut, mais la tête ne veut plus. »

Une fin heureuse

Après une dernière section de 80 km, de nuit, sur l’asphalte, c’est une dixième place qui l’attendait. « Quand je suis parti de Québec, je me disais : ‘’si je termine dans le top 10, ce sera cool’’. Sur place, on a passé deux jours ensemble avant la course et presque tout le monde avait fait l’UTMB, le Tor des Géants, name it ! raconte-t-il. Je me suis alors dit : le top 10, c’est peut-être ambitieux. Mais j’ai réussi et je suis super content. »

Il explique ainsi sa performance. « Mon plan alimentaire a super bien fonctionné. Ce n’était pas très varié, mais avec l’expérience, ce qui passait le mieux, c’était des nouilles ramen. J’avais à peu près 2300 calories par jour. J’ai dû perdre huit ou neuf livres au total. »

Un repos bien mérité

Jean-François a une seule autre course au programme en 2017, soit le 125 km de l’Ultra-Trail Harricana. Son seul objectif est d’aller chercher cinq points pour le tirage de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc en 2018.

Pour 2018, la Barkley Marathon demeure toujours une éventualité. « Je suis en train de regarder le processus d’‘’introduction‘’ dans la Barkley. Ça avance lentement, mais ça avance », dit-il.

Pour le reste, c’est le repos du guerrier. « J’ai eu 15 mois de courses et d’entraînement intense. Je vais en profiter pour courir pour le plaisir, des sorties de 5 ou 10 km, et prendre du temps pour la famille », conclut-il.

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