Mise à jour / 3 juillet 2022 – Depuis la publication de ce portrait de Sylvain Cachard, qui n’a pas été actualisé mais qui est plus que jamais d’actualité, l’athlète grenoblois a remporté pour la troisième fois de suite le titre champion de France de course en montagne mi mai et il est devenu champion d’Europe aux Canaries le 3 juillet. Son prochain objectif en équipe de France est désormais le championnat du monde en Thaïlande en novembre 2022.
Avec deux victoires et deux records en deux courses, Sylvain Cachard a annoncé la couleur pour cette saison 2022. Malgré une préparation hivernale modifiée en raison d’une blessure au pied, le jeune coureur de 23 ans a pulvérisé les records du Malpassant (23 km, 1160 m D+) au Trail Nivolet Revard, en améliorant de près de 13 minutes la marque de Johann Baujard, et de la SkyRace des Matheysins (25 km, 1980 m D+) avec 9 minutes d’avance sur l’ancien record établit par Frédéric Tranchand. Le double champion de France de course en montagne tentera le triplé ce dimanche 12 juin à Arrens-Marsous, dans les Hautes-Pyrénées. Mais il vise beaucoup plus haut. Il est revenu pour Distances+ sur ses grands objectifs de la saison et la suite de sa carrière lors de son stage de préparation à Font-Romeu, aux côtés notamment de son nouvel entraîneur et ami Nicolas Martin.
La première partie de saison de Sylvain Cachard est complètement tournée vers le championnat d’Europe de course en montagne qui aura lieu du 1er au 3 juillet à El Paso aux îles Canaries, en Espagne. Avant ça, il faudra décrocher sa sélection en terminant dans les trois premiers du championnat de France. Il est d’ailleurs resté dans les Pyrénées pour s’y acclimater et s’y préparer au mieux.
Il sera le grand favoris à sa propre succession tant il semble intouchable en ce moment. Ce statut dérange Sylvain. Il n’est toujours pas à l’aise avec cette idée, mais il dit apprendre à gérer les attentes qu’il peut y avoir autour de lui. « Être favori ou ne pas l’être, le problème vient du regard des autres, expose-t-il. Quand les gens me disent que je vais gagner ou que je suis le favori, j’essaye de me dire que ce n’est pas pour me mettre la pression, que c’est gentil et qu’on croit en moi. »
Remporter une médaille internationale en course en montagne, c’est l’objectif numéro 1 aujourd’hui de Sylvain Cachard. Il a déjà goûté à deux médailles de bronze en équipe (une mondiale en 2016 et une européenne en 2017) dans la catégorie junior et il espère maintenant décrocher une breloque chez les grands. Il se souvient parfaitement des émotions qui lui avaient procuré ces récompenses collectives. « Quand on attend le dernier gars de l’équipe et qu’on se rend compte qu’au niveau des points ça peut passer ou que ça va être serré, il y a un moment de suspense qui est ouf », s’enthousiasme-t-il encore cinq ans après.
S’il parvient à monter sur le podium cette année, il serait le premier Français à remporter une médaille individuelle à l’échelle internationale depuis son ami Julien Rancon en 2006. Selon Nicolas Martin, qui s’apparente à un grand frère pour Sylvain, « il a manqué avant tout des championnats du monde et d’Europe » ces dernières années pour que son nouveau protégé atteigne cet objectif.
Si le double champion de France en titre de course en montagne est à son meilleur niveau, Nicolas Martin estime « qu’il n’y a pas plus de trois ou quatre gars qui sont capables de le battre en Europe ». Parmi ces rares coureurs, il faudra garder un oeil sur la sélection italienne qui a remporté 13 des 21 dernières médailles distribuées ces sept dernières années. Le vice-champion du monde de trail de 2016 est de toute façon persuadé que la médaille continentale est seulement une question de temps pour Sylvain Cachard.
Le souci du détail
Pour mettre toutes les chances de son côté, Sylvain s’est encore un peu plus investi dans une démarche de haut-niveau. Il a effectué un stage de deux semaines à La Réunion au mois d’avril pour s’acclimater à la chaleur. Ce paramètre climatique lui a parfois joué de mauvais tours. « J’ai fini à la limite de m’évanouir à chaque séance, mais il faut guérir le mal par le mal », ironise le principal intéressé. Après les championnats de France, il devrait de nouveau choisir une destination plutôt chaude pour réaliser un deuxième cycle d’acclimatation.
À voir le niveau de performance affiché sur ses deux premières courses, on en oublierait presque que le coureur de l’EA Grenoblois 38 a été embêté tout l’hiver par une inflammation du sésamoïde (un petit os situé dans le pied, NDLR). Une douleur qu’il a fini par soigner avec une infiltration quelques jours avant de s’envoler pour l’île de La Réunion.
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« Je savais que l’infiltration pouvait résoudre le problème assez rapidement, mais ce n’est pas mon éthique de base, explique Sylvain Cachard. J’ai préféré faire une croix sur toute la saison hivernale. » Ainsi, il n’a pas fait de gros volume de course ni de cross-country. Mais faire une croix sur la saison hivernale en compétition ne veut pas dire couper l’entraînement ou le sport pour autant. Il a multiplié les sorties à ski de fond, en ski de randonnée, en VTT et quelques sorties de course à pied. « Juste du sport plaisir », ponctue-t-il.
Soucieux de faire les choses comme il faut, des doutes l’ont envahi au moment de se tourner vers l’infiltration. « Je ne prends même pas un doliprane donc j’ai pas mal échangé avec Pierre Sallet du programme Quartz pour voir ce que c’était et si je restais dans les règles », raconte-t-il. Le spécialiste de la lutte anti-dopage l’a rassuré sur le contenu de ce soin et lui a affirmé que d’autres coureurs y avaient recours. Depuis ce traitement, il n’a ressenti aucune douleur si ce n’est « des douleurs musculaires et physiologiques que l’on connaît habituellement à l’entraînement. » Des douleurs qui lui plaisent.
Le podium sur les Golden Trail World Series
Sa deuxième partie de saison devrait être dédiée au circuit des Golden Trail World Series (GTWS). Il n’a pas couru la première manche, Zegama-Aizkorri (42 km, 2736 m D+) le 29 mai et il ne s’alignera pas sur la deuxième, le Marathon du Mont-Blanc (42 km, 2540 m D+) le 26 juin, mais il devrait participer aux quatre autres étapes : Stranda Fjord Trail Race (25 km, 1700 m D+) en Norvège, Sierre-Zinal (31 km, 2200 m D+) en Suisse et Pikes Peak (21 km, 2382 m D+) et Flagstaff Sky Peaks (26 km, 1266 m D+) aux États-Unis. De son propre aveu, le format maratrail des deux premières courses du circuit ne sont pas à son avantage. Il affectionne davantage les efforts autour de l’heure de course avec une capacité à être très ultra-performant jusqu’à deux heures.
Son nouvel entraîneur juge que le niveau affiché l’année dernière par Sylvain Cachard sur les GTWS, pour sa première participation, était seulement « son fond de commerce ». Bien loin de son niveau de fin 2020 ou de ce début de saison. Le Français avait pourtant terminé deux fois 6e, la première à l’Olla de Nuria (21 km, 1720 m D+), où il était en « léger surentraînement » d’après le coureur expérimenté, et la deuxième à la Skyrhune (20 km, 1630 m D+).
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« Il faudra voir après les championnats d’Europe comment il les aura digérés, mais il peut jouer le podium, pronostique Nicolas Martin. Sylvain n’est pas le meilleur dans un secteur en particulier, mais c’est un coureur extrêmement complet. Il sait tout faire à un excellent niveau. »
L’altitude reste tout de même un point faible chez le jeune coureur. Une donnée importante notamment pour les manches américaines de la GTWS puisque le sommet le plus haut culmine à 4300 m. Toujours dans une démarche de haut-niveau, Sylvain a profité de son passage à Font-Romeu pour faire quelques séances en chambre d’hypoxie.
L’émotion le transcende ou le tue
La grande finale de sa saison n’est en revanche pas encore déterminée entre celle des Golden Trail World Series à Madère et les championnats du monde à Chiang Mai, en Thaïlande. Les deux événements se tiendront à seulement dix jours d’intervalle. « C’est encore dans longtemps et je ne me suis pas encore posé la question, mais si j’ai un choix de riche à faire entre les deux, mon cœur balancerait plus pour les championnats du monde », confie le double champion de France de course à montagne à Distances+.
Car c’est aussi comme ça que fonctionne Sylvain, sans tout planifier, à l’émotion, en écoutant ses envies et en se faisant plaisir. « Mon leitmotiv, c’est de m’entraîner sérieusement sans me prendre au sérieux », abonde-t-il. Sa sensibilité, sur le plan émotionnel, est à la fois l’une de ses plus grandes forces et l’une de ses plus grandes faiblesses. « Quand il est très bien émotionnellement, il est très fort et cette sensibilité est un atout, analyse Nicolas Martin. L’objectif est d’être capable d’être bon quand dans sa vie personnelle ça va un peu moins bien. »
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Mais son nouvel entraîneur, qui se considère davantage comme un « accompagnateur », se questionne à ce sujet. « Est-ce que gagner en régularité est pertinent si on perd cette perf hors-norme qu’il est capable de faire quand il est bien? Ça se discute, confie-t-il à Distances+. Je suis également Mathieu Delpeuch qui est beaucoup plus stable émotionnellement et beaucoup plus régulier, mais qui n’a peut-être pas cette capacité à sortir des courses stratosphériques comme peut le faire Sylvain », poursuit-il. Cette faculté à se transcender dans les bons jours peut s’avérer un réel avantage, surtout dans sa quête de médaille qui demande de savoir répondre présent le jour J.
À quand un ultra?
Si on regarde plus loin, l’étudiant de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) sait qu’un jour il se lancera dans l’ultra-trail. Il a d’ailleurs été initié au monde de la course en nature en accompagnant et en faisant l’assistance à ses parents sur des ultra-trails. Mais chaque chose en son temps.
« Il y a aussi plein de courses qui me font rêver entre les deux, comme des Sierre-Zinal (31 km 2190 m D+), des Marathon du Mont-Blanc (42 km, 2540 m D+), des Zegama (42 km, 2736 m D+), même sur le format 50 miles : des Transvulcania 75 km, 4735 m D+), des Templiers (80 km, 3680 m D+), des Lake Sonoma 50 (80 km, 3200 m D+). Il y a vraiment plein de choses à faire avant de s’aligner sur un UTMB ou une Diag (Diagonale des Fous, NDLR) », ajoute-t-il. À l’heure actuelle, Sylvain estime que l’on pourrait l’imaginer prendre le départ d’un ultra avec suffisamment d’expérience pour jouer la gagne vers ses 30 ans. Pas avant, car il manque notamment de maturité musculaire. Un point faible que Nicolas Martin a déjà identifié et que le spécialiste des efforts courts doit améliorer dès à présent pour performer sur des formats Golden Trail Wolrd Series et maratrail.
Où sera Sylvain Cachard dans quelques années et quels seront ses objectifs? Difficile de savoir tellement lui-même ne sait pas vraiment. « J’ai toujours entendu Juju Rancon me dire “cette année, c’est ma dernière année, après promis je raccroche”, illustre-t-il. Au final, il revient tout le temps et il est encore monstrueusement fort alors qu’il est dans sa 42e année. » À noter qu’en plus d’être toujours performant, Julien Rancon est aussi polyvalent puisqu’il court aussi bien des 3000 m en salle, des cross, des épreuves de course en montagne ou encore un Festival des Templiers (80 km, 3680 m D+).
Un joli clin d’œil de Sylvain Cachard à celui qu’il pourrait rejoindre au panthéon des Français médaillés au championnat d’Europe de course en montagne en cas de podium à El Paso. Ils ne sont que quatre à avoir réalisé cette performance.