Le confinement obligatoire instauré en France pour endiguer le coronavirus ainsi que l’annulation ou le report de toutes les compétitions, a mis la saison de tous les athlètes européens sur pause. Comment ont-ils vécu cette période complètement inédite? Distances+ a posé la question à plusieurs des meilleurs traileurs français. Ces entrevues ont été réalisées en avril.
C’est au tour de Sébastien Spehler, le meilleur athlète français sur les courses en sentier qui se gagnent entre 5 h et 12 h (soit les trails de catégories M et L).
Depuis l’été 2008, le champion de l’équipe Salomon (cote ITRA 914) n’a pas fait moins bien qu’une deuxième place sur les 13 courses auxquelles il a participé, pour 10 victoires, notamment au Grand Trail des Templiers (79 km, 3660 m D+) – qu’il avait également remporté en 2017 – et au North Face Endurance Challenge de Californie (80 km). Parmi ses faits d’arme, on notera un triplé sur la 6000D (2014, 2015 et 2016) et un doublé à la Maxi-Race d’Annecy (2014 et 2017).
Distances+ : Comment vis-tu la période de confinement actuelle?
Sébastien Spehler : Je le vis plutôt bien dans l’ensemble. Même si évidemment c’est un peu long, surtout que je vis seul. Mais je profite de cette période pour refaire mon appartement. Je fais aussi des vidéos de renforcement musculaire trois fois par semaine, que je publie sur ma page Facebook. Niveau sport, je fais principalement du home-trainer pour m’entretenir. C’était dur au début, car cela bouleverse les habitudes et j’avais de super projets qui sont tombés à l’eau. Mais c’est comme ça, il y a pire dans la vie.
Le prolongement du confinement ne m’a pas « dérangé », car il me paraissait évident au vu de la situation. Aussi, le fait d’avoir plus ou moins une date de sortie (NDLR : le 11 mai) m’a plutôt motivé, même si c’était un rallongement de quatre semaines. Au moins, il y a un espoir de sortie. Le plus dur reste au niveau alimentaire, car je grignote plus que d’habitude, bien que je me dépense moins.
Parle-nous de l’impact que cela a eu sur ta motivation.
Ça a été dur au début. Je me préparais pour un long voyage aux États-Unis de trois mois. Je devais faire plusieurs courses là-bas et par la même occasion vivre une belle aventure humaine. Bref, la semaine avant l’annonce du confinement j’étais dans une grosse charge d’entraînement avec les objectifs en approche, presque 200 km la semaine. Maintenant, ça se résume à de l’entretien. Courir avec une attestation et dans un rayon de 1 km ne me donne pas trop envie. Je vais quand même faire deux footings par semaine, mais ce n’est en rien pour performer.
As-tu fait une croix sur ta saison? Sur quoi te concentres-tu désormais?
Je devais courir le 50 miles de Lake Sonoma au printemps et la Western States cet été. La suite était plus floue, ça aurait été en fonction de la Western.
Je reste quand même optimiste en pensant qu’il y aura encore des courses, même si je pense aussi à la saison blanche. Par contre, je ne fais plus de programme, la situation est tellement incertaine que je verrai le moment venu.
Quel enseignement tires-tu de ce que nous sommes en train de vivre?
Pour être honnête, pas forcément grand-chose. Beaucoup parlent de revenir à une vie plus simple. Pour ma part, hormis la restriction sportive, ma vie ne change pas beaucoup. Je me déplace plus ou moins qu’en vélo, je ne jette pas mes déchets au sol et je ne vais pas au « drive » de McDonald’s.
Je dirais juste qu’avec cette période je me rends compte davantage de la chance qu’on a de pouvoir courir dans les plus beaux endroits de France et d’ailleurs.
Quel message souhaites-tu faire passer à la communauté de traileurs et aux sportifs en règle générale en cette période difficile?
C’est difficile, je ne pense pas être en mesure de donner des conseils, mais je dirais quand même qu’il y a plus grave dans la vie. Et même si on râle que l’on ne peut pas courir comme on veut, il faut quand même avouer qu’on fait un des seuls sports dont la pratique est encore envisageable actuellement même si elle est réduite. Pas de foot, natation, salle de sport ou autre, alors on s’accroche encore un peu et ça va revenir.
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