À l’occasion du week-end de la Volvic Volcanic Expérience (VVX), Distances+ s’est longuement entretenu avec Sangé Sherpa, l’athlète népalais vivant à Besançon. Un coureur hors-cadre qui accumule les kilomètres et les podiums tout autour de la planète. Depuis plusieurs années, il met aussi ses jambes infatigables, son cœur et sa notoriété au service de son pays natal.
Des jambes infatigables
En ultra-trail, il y a les coureurs raisonnés, raisonnables, ceux qui programment un ou deux objectifs maximum par saison. Et il y a les autres, les boulimiques, les instinctifs, qui enchaînent les dossards et les kilomètres en se jouant des recommandations. Sangé Sherpa fait clairement partie de cette deuxième catégorie. « J’aime enchaîner les courses, confie-t-il. Je ne vise pas une performance à chaque fois, mais je fais ça pour me faire plaisir, pour en profiter au maximum et durer le plus longtemps possible. »
Cette cadence un peu folle est aussi un moyen de faire sa « propre expérience » et de « tester [ses] capacités de récupération ». « Tu n’as pas la pression de rater une course que tu prépares depuis 6 mois », plaisante-t-il. Une saison « classique » de Sangé (sans les restrictions liées aux conditions sanitaires) commence en janvier par le Hong Kong 100 (103 km, 5300 m D+) et se termine en décembre par le Thaïland by UTMB (168 km, 8660 m D+). Le tout avec un programme entre ces deux courses sans réelle coupure.
Cette année, voyager reste un peu problématique dans certaines parties de la planète, mais Sangé a déjà couru le 100 miles Istria by UTMB (167 km, 6500 m D+) en Croatie début avril qu’il a bouclé en quatrième position. Début mai, il était invité d’honneur du Tchimbé Raid Ultra Trail de la Martinique (96 km, 4650 m D+). Cette fois-ci, la mécanique s’est un peu grippée et une erreur de balisage, suivie d’un bon coup de chaleur, ont eu raison du solide gaillard.
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Mais quinze jours plus tard, on le retrouvait au départ du 110 km de la Volvic Volcanic Experience (110 km, 3500 m D+) pour le week-end de l’Ascension. Les jambes étaient assez fraîches pour suivre le grand François d’Haene sur 70 km et franchir la ligne d’arrivée à une très belle deuxième place, 19 min derrière son ami. Un peu de vélo en récupération et il reprendra un programme impressionnant dans les prochaines semaines : le 102 km (3555 m D+) du Ténérife Bluetrail début juin, le 105 km (5500 m D+) de l’UTPMA le 18 juin et le 100 miles du Québec Méga Trail (6500 m D+) le 2 juillet. Plus d’un coureur serait déjà séché par cet enchaînement, mais pas Sangé. Cette compilation de course lui sert de préparation pour le tout nouveau monstrueux Crossing Switzerland Ultra Trail organisé par le Montreux Trail Festival fin juillet : 390 km (24 000 m D+) pour traverser la Suisse d’est en ouest.
En août, il sera (évidemment!) au départ de l’UTMB (170 km, 10 000 m D+), une course où il a abandonné trois fois, lors de ses trois dernières participations. La fin de saison est, elle, moins construite. « Cela dépendra des invitations que je recevrai et de mes envies au dernier moment », explique le coureur installé en France depuis 2007.
Course et solidarité
Dans cette énumération à la Prévert, la VVX pourrait être une course parmi d’autres, mais ce n’est vraiment pas le cas. Au-delà de la performance et de l’hédonisme, Sangé court aussi par solidarité envers ses pairs népalais. Avec Jean-Michel Chopin, l’organisateur de cet événement auvergnat, une forte amitié s’est liée bien au-delà de l’aspect sportif.
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Très ému par l’histoire et l’engagement humanitaire du coureur, la VVX soutient l’action de Sangé dans la reconstruction de l’école de son village. Cette année une famille de bénévoles volvicois a été tirée au sort et partira vivre une semaine en immersion au Népal accompagnée par Sangé lui-même et, à l’inverse, en 2023, la petite ville auvergnate accueillera une famille népalaise.
Comme avec les courses, Sangé cumule aussi les idées pour venir en aide à son pays. « Je n’ai jamais oublié mes racines et depuis plusieurs années j’essaie d’aider au développement de mon village natal », témoigne celui qui a été porteur et guide de montagne au Népal dans sa jeunesse.
Appel de fonds
Le Bisontin vit pour sa passion, mais pas de sa passion, loin de là… Certes, il se fait inviter sur les courses, mais ce n’est pas suffisant pour lui assurer un revenu au quotidien. Alors il a un boulot alimentaire dans un magasin et prend des congés sans solde. « C’est ma philosophie de vie : avancer, se faire plaisir et, depuis plusieurs années maintenant, mettre ma notoriété au service de mon village », précise Sangé.
Pour mener à bien ses projets humanitaires, le coureur fait appel à ses amis, aux entreprises locales autour de Besançon et à la communauté du trail. Ils ont été nombreux à soutenir son association Kanchenjunga (du nom de sa région natale) grâce à qui, en décembre 2020, il a pu partir dans son village natal construire en deux mois une belle école, recruter un enseignant, apporter du matériel.
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Aujourd’hui, l’école attire de plus en plus d’élèves, l’enseignant a été recruté pour trois ans et les fournitures scolaires ne manquent plus. L’ultra-traileur est devenu le héros local et il est sollicité par d’autres villages qui aimeraient aussi bénéficier un peu de la manne européenne. Alors Sangé continue de récolter des fonds en particulier grâce à son partenariat avec l’Humani Trail (50 km, 3800 m D+) qu’il a gagné trois fois et dont il est le parrain. Depuis 2013, cette épreuve est organisée dans les Alpes suisses au mois de septembre et les frais d’inscription servent à financer différents projets humanitaires au Népal.
Il aimerait encore aller plus loin dans sa démarche et les projets fourmillent dans sa tête pour à la fois aider son pays au niveau de l’éducation et de la santé, et pour développer un tourisme solidaire.
Si vous souhaitez soutenir l’association Kanchenjunga et commander un tee-shirt technique « Sherpa Run Solidarity », contactez directement Sangé Sherpa sur sa page Facebook.