Les organisateurs de courses ne cessent de redoubler d’efforts pour se renouveler et innover, et ceux du Vars Mountain Trail (VMT) ne font pas exception. Pour l’édition 2021, qui a lieu ce week-end (24-25 juillet) dans la station de Vars dans les Hautes-Alpes, un nouveau format a fait son apparition : le KV-KL. Les meilleurs coureurs devaient parcourir à deux reprises la terrible montée de Chabrières, piste célèbre pour les records de vitesse à ski qui ont été établis — le record du monde de 254,958 km/h a été réalisé sur cette piste —, et ses 98 % au plus fort de la pente. Et c’est l’ambassadeur du VMT, Rémi Loubet, qui en grand spécialiste l’a emporté. La vétérante, mais toujours performante, Corinne Favre, 5e au général, a gagné chez les femmes.
Les deux champions ont même battu le record de la montée, Rémi Loubet avec un chrono de 17 min 32 s et Corine Favre en 21 min 14 s pour parcourir les 440 m de dénivelé positifs sur 1 km, avec une pente quasi verticale sur les derniers mètres.
Malheureusement, la météo est venue perturber la première édition de ce format de course. Les deux manches se sont transformées en une seule manche en départ groupé (mass-start). Après avoir essuyé deux ondées de grêle, les organisateurs « ont profité d’une fenêtre météo pour faire partir l’épreuve après avoir fait voté à main levée les 15 participants ».
Le kilomètre vertical (KV) était déjà présent lors de la première édition du Vars Mountain Trail en 2018 dans un format très classique avec une course en contre-la-montre de 3,7 km pour 920 m de dénivelé positif vers le sommet de la Mayt. En 2019, la course s’était, déjà, déroulée sur la piste de Chabrières, sur laquelle avait eu lieu l’épreuve de vitesse des Jeux olympiques d’Albertville en 1992.
« Réfléchir en termes de stratégie »
Distances+ s’était intéressé à cette nouvelle épreuve (dans son format prévu initialement, avant la modification en raison de la météo), qui va s’inscrire dans le paysage des courses dans l’avenir, quelques semaines avant le départ.
Avant cette année, « c’était un format départ en contre-la-montre, mais on perdait le format spectaculaire, avait expliqué Rémi Loubet avant l’événement. On ne peut pas faire partir tout le monde en mass-start sur cette piste parce que la fin est trop raide et trop étroite ».
Avec ce nouveau format repensé, des départs en ligne seront possibles. Dans un premier temps, les coureurs font une première fois la montée de Chabrières (1012 m, 440 m D+) en contre-la-montre, tel un kilomètre vertical classique. À l’issue de cette première montée, les 15 hommes et 5 femmes ayant réalisé le meilleur temps sont qualifiés pour la finale.
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Lors de celles-ci, les coureurs s’élancent tous en même temps avec la particularité d’avoir des éliminés tous les 100 m de D+. Ainsi, les cinq derniers hommes seront mis hors course au passage des 100 m D+, puis les trois derniers hommes et la dernière femme au passage des 200 m D+ et enfin les deux derniers hommes et la dernière femme lors du franchissement des 300 m D+. Seuls les cinq meilleurs hommes et les trois meilleures femmes peuvent se disputer la victoire au sommet de la piste de Chabrières.
L’organisation avait précisé qu’il n’y aurait que cinq femmes qualifiées pour la finale, car « très peu de femmes s’inscrivent sur ce style de course d’après les données de l’édition précédente. » En effet, elles n’étaient que trois au départ en 2018 et en 2019.
Ces deux efforts intenses sont répétés dans un laps de temps assez resserré puisque le début des qualifications a lieu à 9 h et le départ de la finale à 10 h 45.
Cette épreuve rebat les cartes dans une discipline où le plus fort du jour l’emporte le plus souvent. « Sur ce format, il faut réfléchir en termes de stratégie, indique Rémi Loubet, qui avait gagné le KV du Vars Mountain Trail en 2019. D’un côté, il faut garder le plus de force possible pour la finale, donc en qualification, il faut faire le bon temps pour réussir à se qualifier sans se cramer pour la suite. Et d’un autre côté, il y a de la stratégie pendant la course. Ça ne sert à rien d’être tout devant et de se donner bêtement, mais pour autant il ne faut pas être le dernier. Il faut calculer son coût pour faire le moins d’effort sans se faire éliminer. »
Un projet initial revu à la baisse
Le projet initial de cette nouvelle course s’annonçait encore plus spectaculaire pour les spectateurs et plus difficile dans la gestion de l’effort pour les coureurs. Il n’y avait, non pas deux, mais bien trois montées de la piste de Chabrières pour les meilleurs. Les 20 meilleurs temps, sans distinction de sexe, devaient être retenus pour les départs groupés.
Ensuite, les 10 premiers de la demi-finale devaient s’élancer une troisième fois sur la montée, avec toujours des éliminations tous les 100 m de dénivelé positif. En revanche, seulement trois participants auraient pu se battre pour la victoire jusqu’au sommet.
Cependant, les organisateurs ont dû revoir leurs ambitions à la baisse. « Le format de l’épreuve a été simplifié pour des raisons d’organisation logistique sur le terrain en raison de l’avancée de la construction du nouveau télésiège de Chabrières », a indiqué l’organisation du Vars Mountain Trail à Distances+.
« En 2019, il y a la télécabine de Chabrières qui a été remplacée par le télémix de Chabrières, complète Rémi Loubet. Cette année, ils vont faire la suite du télémix qui va monter en direction de la piste de KV-KL. Ce projet devait avoir lieu en 2022, mais ils le font cette année, car ils ont un problème sur un autre chantier. »
L’organisation a toutefois prévenu que le projet initial pourrait être remis au goût du jour en 2022, en fonction « des retours des participants » et « de la réussite » de l’édition de cette année.
« L’important, c’était de conserver l’esprit d’élimination pendant la montée, c’est ce côté joueur qui me botte, estime l’ambassadeur de la course. Après que ça se fasse sur deux ou trois montées, ça ne change pas grand-chose. »
Inspiré du ski alpinisme
Au-delà, de l’aspect novateur et du côté stratégique de la course, Rémi Loubert, qui vit à Vars, voit un intérêt pour les coureurs dans ce nouveau format. « Généralement, les coureurs viennent pour faire une course de 25 minutes et repartent, souligne-t-il. Là, les meilleurs vont faire la montée trois fois (Distances+ s’était entretenu avec Rémi Loubet avant que l’organisation ne modifie le format de l’épreuve, NDLR). C’est plus intéressant de venir faire une course où tu cumules le dénivelé tout au long de la journée plutôt que de traverser un bout de la France et ne faire que 450 m. »
Cette nouvelle épreuve doit aussi permettre aux spectateurs de pouvoir admirer à plusieurs reprises les athlètes, contrairement au format contre-la-montre où ils ne pouvaient voir passer qu’une seule fois chaque coureur.
L’ambassadeur du Vars Mountain Trail est persuadé que « les courses dans la course », dues aux éliminations, apportent un côté spectaculaire et garantissent une sacrée ambiance. De plus, le KV-KL donne un côté télégénique à la discipline. Il s’agit d’une volonté des organisateurs qui se sont pour cela inspirés du format sprint en ski alpinisme.
« Cette discipline du ski alpinisme est quelque chose qui a vocation à devenir une discipline olympique prochainement, juge Rémi Loubet qui pratique ce sport l’hiver populaire chez les montagnards (le Comité international olympique a annoncé le 20 juillet que cette discipline sera au programme des Jeux olympiques d’hiver 2026 à Milan, NDLR) . Le format sprint a été créé pour être beaucoup plus télévisuel et intéressant pour les spectateurs. On s’inspire de ce qu’on peut pour faire l’épreuve la plus intéressante possible, tant du point de vue de la stratégie que d’un point de vue sportif. »
Un point de convergence de plusieurs sports?
Le format de cette course devrait convenir aux spécialistes du KV et certains spécialistes de la course en montagne. Rémi Loubet estime que des spécialistes du ski alpinisme et de ski de fond pourraient tirer leur épingle du jeu puisqu’ils ont l’habitude « de pousser très fort sur les bâtons », d’évoluer « sur des montées sèches » et connaissent bien « les efforts courts ».
« On peut avoir un public varié et des stars de différentes disciplines qui s’affrontent sur une épreuve nouvelle », aime à croire le montagnard. D’autant que le parcours se prête au bon chrono selon lui. « Au début, on court, on a les jambes, on est bien et plus ça va, plus ça monte raide et plus ça se transforme, décrit-il. À 98 % de pente, on ne peut pas bondir, on ne court pas vraiment. On est plutôt en appui sur les bâtons à faire de grandes enjambées et à chercher les bons appuis. »
Après cette victoire, Rémi Loubet devrait s’élancer sur le Trail des Crêtes (42 km, 2897 m D+), autre course du Vars Mountain Trail qui a lieu dimanche. « Ça permet de prendre le temps d’apprécier les paysages. Le KV-KL, on a le nez dans la touffe d’herbe et dans la pierre qu’il y a devant nous donc on n’aura pas trop le temps d’admirer le paysage, mis à part à l’arrivée » plaisante-t-il.