DISTANCES+ AU GRP – C’est la première fois en douze éditions que les organisateurs du Grand Raid des Pyrénées invitaient des Québécois à venir courir dans ces splendides montagnes du sud de la France, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils n’ont pas été déçus. Caroline Côté a dominé de bout en bout le Tour des cirques (120 km, 7000 m D+) tandis qu’Annie-Claude Vaillancourt a terminé septième de la course historique du GRP, le Tour des lacs (80 km, 5000 m D+).
L’une comme l’autre avait fait preuve d’humilité avant le départ, ne s’imaginant pas forcément être aussi à l’aise que sur les sentiers de la Belle Province. Pourtant, elles se sont toutes deux adaptées et illustrées sur ce défi montagnard en altitude, où il fallait avoir les ressources physiques et mentales pour enchaîner sans répit d’impressionnants dénivelés ascendants et descendant des heures durant. Le tout dans le décor enchanteur des Hautes-Pyrénées, où la difficulté du parcours, cassant, demandant, rarement roulant, rivalise avec la splendeur de tout alentour, de l’aigle majestueux planant dans le ciel uniformément bleu, aux vaches, chevaux et moutons à foison laissés en liberté dans les pâturages verdoyants gorgés d’eau des torrents.
Victoire dans le calme pour Caroline Côté
Caroline Côté, qui s’était distinguée l’automne dernier et cet hiver sur des ultras au Guatemala, en Martinique et en Guadeloupe, découvrait les Pyrénées alors qu’elle trimbalait sa caméra à la même époque l’an dernier du côté des Alpes et de l’UTMB. Venue en reconnaissance quelques jours avant l’événement, elle a ressenti un petit vertige tout là-haut, réalisant qu’elle allait devoir sortir de sa zone de confort. Elle l’a même avoué, sur le coup, elle a pris peur.
« Je regardais les sommets et je me disais : « Il faut que je traverse tout ça? Mais comment je vais faire? » Surtout face à des athlètes qui ont l’expérience de cette montagne, frontière naturelle entre la France et l’Espagne. « Ça m’a pris un peu de courage, le matin de la course, pour aller sur la ligne d’arrivée, se remémore-t-elle. Puis je me suis dit : «OK, maintenant tu laisses tout ça derrière toi, tu t’es assez entraînée, ça va le faire!» Finalement, juste en étant calme pendant toute la course, sans m’occuper de ma position, j’ai réussi à être première. »
Elle a d’ailleurs pris la tête dès le départ et n’a jamais vu sa poursuivante, qui est pourtant toujours restée assez proche derrière. Heureuse à son arrivée, elle a rapidement ressenti le besoin de dormir. « Ça n’allait pas, je me sentais démolie, explique-t-elle. Au niveau de mes muscles, c’était terrible, j’avais tout donné. »
Caroline pense que l’équipe qui était là pour l’aider aux ravitaillements a joué un rôle fondamental dans sa victoire. « N’avoir eu personne avec moi sur une course comme ça, c’est sûr que je n’aurais pas pu gagner », croit celle qui a mis un peu moins de 25 heures pour 120 km et 7000 m de dénivelé. Elle s’est classée 18e au général et a passé la ligne d’arrivée avec 30 minutes d’avance sur la deuxième femme, la Française Emeline Oudet, qui avait terminé à la deuxième place l’an dernier du 80 km.
L’aventurière et cinéaste va maintenant prendre, dans quelques jours, la direction de la cordillère des Andes, en Amérique du Sud, pour aller grimper un immense glacier en Patagonie en repérage pour une expédition future. À son retour, elle changera totalement d’environnement et d’hémisphère pour se rendre au Grand Raid de La Réunion, mais seulement à titre de professionnelle de l’image, pas comme ultra-traileuse.
Le coup de foudre d’Annie-Claude Vaillancourt pour les ravitos cochons
Annie-Claude Vaillancourt a semblé pour sa part sur un petit nuage durant tout l’événement. Heureuse d’être là, en pleine forme après une semaine à crapahuter dans la nature avec ses enfants, sereine face à l’imposante masse montagneuse, elle a baladé sa zénitude, son sourire et son « bagou », comme on dit en France, dans les sentiers pyrénéens. Elle a pris le départ de son 80 km dans l’inconnu, mais dit avoir pris du plaisir presque tout du long.
Presque, car à partir du 55e kilomètre, le soleil – omniprésent et imposant durant l’événement – tapait fort, son corps semblait se concentrer sur la digestion de la soupe chaude avec des pâtes qu’elle venait d’avaler au ravito, et elle devait affronter une grosse montée, alors qu’elle avait déjà 4000 m de D+ dans les jambes. « Ça a été une période vraiment difficile, raconte-t-elle. Mais je m’en suis sorti en parlant avec Alexandre, un Français que je doublais en montée et qui me rattrapait en descente. On a commencé à discuter et ça m’a fait du bien. Souvent à deux, ça devient plus facile. » Ils ont décidé de finir ensemble et ont dévalé la dernière longue descente vers Vieille-Aure à toute vitesse. À tel point que l’athlète de Mascouche est arrivée avec plus de 15 minutes d’avance sur l’estimation du système de suivi en direct de la course.
Il aura fallu 15 h et 14 min à Annie-Claude Vaillancourt pour parcourir les 80 km et 5000 m de dénivelé du Tour des lacs, qu’elle a trouvé splendides. La première femme avait bouclé l’épreuve 2 h 21 avant elle. Il faut dire que Maud Combarieu est l’une des meilleures traileuses dans le monde sur les courses de montagnes. Elle avait d’ailleurs déjà remporté le 80 km du GRP en 2013, de même que la Mascareignes et le Trail de Bourbon au Grand Raid de la Réunion.
Ce qu’Annie-Claude a particulièrement apprécié, outre le fait de se sentir très libre en dépit des nombreux participants dans les montagnes, ce sont les ravitos, à la française, avec du saucisson, des fromages et du pain à foison… « Je ne comprends pas pourquoi on n’a pas ça au Québec dans les ravitos, s’est-elle exclamée en riant. J’aurais vraiment envie de m’habituer à ça! »
Elle a tellement aimé son expérience qu’elle a choisi de rester dans les Pyrénées quelques jours avant de reprendre ce mardi l’avion vers Montréal. « C’est magnifique partout, s’enthousiasme-t-elle. Tu regardes partout, il y a des montagnes! »
Les conditions météo exceptionnelles, le plein soleil et des températures au-dessus de 30 degrés en journée, ont favorisé l’engouement et le coup de coeur pour cet événement, qui souffre parfois malheureusement de la proximité avec l’UTMB au calendrier.
Annie-Claude estime ceci dit que, pour les Québécois, le GRP est vraiment une excellente alternative au « Sommet mondial du trail » de Chamonix. « Parce que c’est plus convivial, plus accessible (pas besoin de se qualifier ou de passer par une loterie) et que c’est aussi très beau, argumente-t-elle. Je pense aussi que les sentiers des Pyrénées sont plus techniques que dans les Alpes et les Québécois aiment les sentiers plus techniques. »
Le calvaire de Jean-Pierre Gagnon
Distances+ a également pris des nouvelles de Jean-Pierre Gagnon, le seul coureur québécois engagé sur l’épreuve de 220 km et 13 000 m de dénivelé. Le mécanicien a malheureusement été contraint à l’abandon après 144 km.
« Ç’a été difficile, les montées sont juste pas possibles, a-t-il constaté. J’ai même eu peur pour ma sécurité à un moment donné. Quand j’étais au sommet des montagnes, seul, et qu’il n’y avait pas de bénévoles, j’avais de la difficulté à respirer. C’est peut-être de la panique, je ne sais pas trop, mais ce n’était pas agréable du tout », confie-t-il, illustrant la rudesse d’une épreuve d’ultra-endurance en haute montagne. « Ça m’attriste vraiment beaucoup, mais je ne pouvais donner plus, ni mentalement ni physiquement. Du D+, c’est plus dur que des kilomètres. »
Dans la foulée de son abandon, il pensait ne plus jamais refaire de course de trail, mais il semblait avoir changé d’idée dès le lendemain. « Je vais reprendre, mais plus sagement, et faire quelques 50-80 km pour être à l’aise avec ces distances avant d’augmenter, dit-il. Je veux modifier mes entraînements aussi. J’en ai manqué définitivement dans les montées. »
Jean-Pierre envisage déjà d’être au départ du 80 km de Bromont Ultra. « Si je suis rétabli, parce que j’ai des bobos à guérir », précise-t-il.
Son ami de Chamonix, Éric, rencontré à la TransMartinique l’année dernière et avec qui il courait l’Ultra Tour, est lui parvenu à se rendre au bout. « Apparemment, la fin du parcours était assez difficile merci », a souligné Jean-Pierre, comme pour ne pas regretter sa décision de couper court au calvaire qu’il venait de vivre.
Ravis d’avoir accueilli des Québécois, les organisateurs du GRP espèrent bien qu’ils seront encore plus nombreux à venir découvrir « ce superbe coin des Hautes-Pyrénées, ainsi que sa culture et sa gastronomie l’année prochaine ».