Geneviève Asselin-Demers : « Tranquillement pas vite, je fais ma place dans le trail »

Victoire à Puerto Vallarta by UTMB (Mexique)

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Geneviève Asselin-Demers sur le parcours du 100 km du Puerto Vallarta by UTMB - Photo : Diego Winitzky

La Montréalaise Geneviève Asselin-Demers a dominé la saison d’ultra-trail 2023 au Québec et a conclu sa spectaculaire deuxième année de course en sentier par une première victoire internationale, à Puerto Vallarta by UTMB au Mexique. Distances+ a rencontré la nouvelle athlète vedette de la province. Une femme forte et franche qui ne fait pas les choses à moitié.

Son nom ne figurait pas dans le communiqué de presse d’avant-course de l’UTMB World Series. Il n’a pas été prononcé non plus lors de la présentation des athlètes, la veille du départ de l’épreuve de 95 km et 3300 m de dénivelé positif. Il n’était pas plus dans la liste des coureurs et coureuses ayant accès au sas élite, ce qui lui aurait permis de s’élancer des premières lignes. Pourtant, à l’arrivée de ce Puerto Vallarta by UTMB, c’est bien l’athlète de 35 ans, élancée et souriante, qui est arrivée largement en tête sur la promenade surchauffée de la ville balnéaire mexicaine. Première femme et 7e au scratch en 12 h 07 min. L’animateur a peiné à prononcer son nom au micro pour saluer sa performance, mais les faits sont là : Geneviève Asselin-Demers vient de remporter sa première course internationale.

Que cette course fut dure !

À Puerto Vallarta, il a beau faire nuit depuis quelques heures, la température ne baisse pas. Avec 30°C et un taux d’humidité extrême, on est loin des températures pré-hivernales du Québec, où la neige a déjà commencé à recouvrir les rues. Il faut dire que nous sommes ici sur la côte Pacifique et que la ligne d’arrivée borde une plage de sable fin. Ceci dit, le parcours de la course n’a pas grand-chose à voir avec cet environnement balnéaire. Geneviève revient de loin. De la jungle dense, chaotique, dégoulinante. Des descentes raides et piégeuses. Elle a d’ailleurs été visiblement meurtrie par son effort. Même son éternel sourire ne trompe plus : que cette course fut dure ! Mais c’était le tribut à payer pour remporter cette année le Puerto Vallarta by UTMB devant certaines athlètes de haut niveau, comme l’Américaine Gwen Rudy. Cette victoire éclatante pourrait être un tournant dans sa jeune carrière.

Car la Montréalaise a eu beau enchaîner les victoires cette année au Québec (110 km du Québec Mega Trail, 45 km de l’Ultra-Trail des Chic-Chocs, 125 km de l’Ultra-Trail Harricana du Canada (UTHC) et 50 km du Trail du Grand-Duc), elle ne pratique le trail activement que depuis l’année dernière. En revanche, elle avait fait ses preuves sur route avant cela. « Le sport, l’entraînement intensif, a toujours fait partie de ma vie », affirme-t-elle le lendemain de sa victoire, lors d’une entrevue, au calme, dans la piscine d’un hôtel cossu de la cité balnéaire mexicaine. « Tout ce que je fais, je ne le fais pas à moitié, raconte Geneviève, mais, jeune, je ne m’entraînais pas pour les bonnes raisons. Je voulais surtout sculpter mon corps. Et j’avais peur de grossir. J’ai mis longtemps avant d’accepter qu’il fallait le nourrir, ce corps, pour qu’il performe. J’ai même dû aller en thérapie pour ça. »

Voilà autre chose que l’on apprend rapidement au contact de Geneviève Asselin-Demers : c’est une personne entière et sincère qui se livre aisément.

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La Québécoise Geneviève Asselin-Demers – Photo : Diego Winitzky

« Aujourd’hui, m’entraîner pour ces courses, c’est ma passion, s’enthousiasme-t-elle. Je suis vraiment loin de la jeune fille que j’étais. » Le parcours sportif de cette ingénieure en structures est plutôt classique : « J’ai commencé à courir sur route pour suivre des collègues et j’ai assez rapidement gagné des petites courses au Québec. Mais je m’entraînais mal. C’est seulement quand j’ai commencé à bien m’entraîner que j’ai passé un cap. J’ai gagné le marathon de Montréal en 2015 (en 2 h 59 NDLR). »

Très vite, Geneviève Asselin-Demers s’est épanouie dans le trail

Son arrivée sur les sentiers est presque un concours de circonstances. L’idée était de partager une activité avec « le père de mes jumelles », se remémore-t-elle. Et puis, il n’en a pas été question lors de cette entrevue, mais Geneviève a eu de sérieux ennuis de santé en 2020, peu après la naissance de ses filles. Comme elle l’avait expliqué à Daniel Lequin pour sa chronique sur le site web de RDS, elle a subi une ablation partielle du côlon et des intestins. À la suite de ces opérations, courir sur route la conduisait rapidement en déshydratation, ce qui était moins le cas en trail, ce qui a participé à sa volonté d’aller jouer dans les sentiers.

Et très vite, elle s’y est épanouie. Elle a participé à son premier trail en 2022, le Trail du Coureur des Bois, un 34 km qu’elle a terminé en deuxième position. « À ce moment-là, je pensais que courir plus de 50 km était absurde (rires), mais j’ai rapidement changé d’avis. Je suis retournée à l’entraînement et j’ai décidé de passer le cap. Quatre mois plus tard, la voilà au départ de son premier ultra, l’UTHC 125 sur les chemins de la Traversée de Charlevoix. « J’ai rapidement compris que ma force était de bien connaître mon corps. J’arrivais à être constante en étant à l’écoute de mes sensations. » Pour un premier ultra-trail, elle n’a pas choisi la facilité. L’UTHC est une course technique où il faut beaucoup courir, ce qui laisse des traces. Elle a terminé sur le podium avec la sensation d’avoir « trouvé sa distance ». Cette performance a marqué les esprits. La machine était lancée.

Avant ses victoires de cette année, qui l’ont fait changer de statut, elle a eu les honneurs d’une première sélection en équipe nationale du Canada pour participer aux championnats du monde 2023, à Innsbruck en Autriche. « Je n’étais pas dans la première sélection (c’est la championne québécoise Sarah Bergeron-Larouche qui était initialement sélectionnée, mais, enceinte, cette dernière a décliné l’invitation, NDLR), donc j’ai fait le choix d’aller courir The Canyons Endurance Run by UTMB au printemps. J’ai appris dans l’avion vers la Californie que j’étais finalement sélectionnée pour la courte distance. J’ai beaucoup hésité parce que ce n’est pas ma spécialité du tout les trails courts, mais comment dire non à une sélection nationale ? Puis, finalement, j’ai été transférée sur la longue distance. » La question de sa participation ne s’est plus posée. « Je suis fière de représenter mon pays. Et même si la course autrichienne a été très dure et loin de ce que j’avais connu jusque-là (les mondiaux avaient un profil très alpin avec 6000 m de dénivelé positif sur 87 km. Elle s’était classée 53e, NDLR), ça a été une expérience incroyablement enrichissante. »

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Geneviève Asselin-Demers, championne du 125 km de l’UTHC 2023 – Photo : UTHC

Geneviève a tenu à le préciser, tout en récupérant dans l’eau chaude de la piscine : souffrir n’est pas ce qu’elle cherche quand elle court, faisant notamment référence à la métaphore bien connue de Courtney Dauwalter qui parle régulièrement de son envie « d’explorer sa pain cave » (cave de douleur, littéralement). « Elle fait partie du sport cette « pain cave » mais, pour moi, le but est d’y passer le moins de temps possible. »

Geneviève Asselin-Demers a conscience qu’elle sera maintenant attendue, et l’assume, avec humilité. « Tranquillement, pas vite, je fais ma place dans le trail, mais j’ai toujours ce sentiment de l’imposteur », confie-t-elle.

Une guerrière, dure au mal

En plus d’avoir dominé l’ultra-trail québécois cette année, l’athlète a terminé chacune de ses courses dans le top 10 au scratch, avec notamment une sixième place lors de son succès à l’Ultra-Trail Harricana pourtant très relevé chez les hommes. « Entre ma 3e place en 2022 et ma victoire cette année, j’ai amélioré mon temps de 1 h 13 ». Elle a parcouru la distance ponctuée de nombreux tronçons boueux en 17 h 20 min. « J’en suis fière de cette course, car en termes de sensations, elle s’est vraiment bien passée », se félicite-t-elle quelques semaines après sa performance.

Au Mexique, en ce début novembre 2023, ce fut une autre histoire. Geneviève montre son genou esquinté. Sa voix est cassée. Et que dire du récit de ses 30 derniers kilomètres ? Elle a été dans l’impossibilité de s’alimenter à partir du 64e km. « Je me sentais super bien avant cela, mais je suis tombée brutalement et cela a enrayé la machine. » Puis la championne québécoise s’est mise à saigner du nez abondamment. « J’étais bien en tête de course à ce moment-là, mais cela ne m’a pas empêché de beaucoup douter. Je me demandais « est-ce que j’étais en train de me faire du mal ? » J’avais des vomissements, des étourdissements, j’étais de moins en moins rapide et je commençais à faire des erreurs de gestion. La fin de course a été un calvaire ! »

Au bout de ce chemin croix marquée par une importante déshydratation, pourtant, c’est une première victoire internationale qui attendait Geneviève Asselin-Demers. « Je suis très fière, même si ma fin de course était désastreuse. C’est aussi ça, l’ultra, ça ne peut pas toujours bien se passer. » La jeune femme est une guerrière, une dure au mal. « Dans la vie en général, je sais ce que je veux, affirme-t-elle. Je n’ai pas peur de faire les efforts qu’il faut pour atteindre mes objectifs. »

Que la concurrence se le tienne pour dit. Geneviève Asselin-Demers a encore beaucoup de projet de courses en tête, et pourquoi pas un UTMB dès 2024 ?

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La Québécoise Geneviève Asselin-Demers, championne 2023 du Puerto Vallarta by UTMB – Photo : Diego Winitzky

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