Comme à son habitude, Mathieu Blanchard était parti fort et en tête de l’Ultra-trail de la grande route des baleiniers, au coeur de l’archipel des Açores, au Portugal, mais il a dû renoncer à la victoire à mi-chemin, dans l’ascension d’un volcan qu’il a été contraint de grimper sur une seule jambe.
Son mental a été mis à rude épreuve pour aller jusqu’au bout de cette course de 125 km et 5000 m de dénivelé au milieu de l’océan Atlantique.
Le coureur a fait mieux que passer la ligne d’arrivée blessé. Il a terminé troisième (14 h 05) sur les 47 « finishers » qui ont traversé la superbe île de Faial, fin mai, entre volcans et petits ports de pêche.
La première mésaventure de Mathieu s’est déroulée lors d’une visite touristique juste après son arrivée aux Açores. « Je suis monté dans une petite barque en bois qui servait autrefois à la pêche à la baleine, mais c’était marée basse et je me suis tordu le genou gauche en glissant sur des algues vertes. Je ne m’en suis pas trop préoccupé, mais le lendemain c’était déjà un peu gonflé », a-t-il raconté à Distances+.
S’il reconnaît qu’il n’aurait peut-être pas dû prendre le départ, il insiste sur le fait que cet ultra faisait partie de ses principaux objectifs de la saison et qu’il était prêt physiquement pour venir ici avec l’espoir de l’emporter.
Ne pas penser à la douleur
« Je suis parti vite, les premiers kilomètres, je tournais à 4 minutes du kilo, mais j’étais en contrôle, ça allait bien », raconte Mathieu. Sauf que, « pendant la course, mon genou n’a cessé de gonfler et la douleur d’empirer. Ça remontait jusque dans le bas de ma cuisse. Après 80 km, je ne pouvais plus le plier. »
En plus de la douleur, Mathieu s’est perdu une première fois, alors qu’il avait pris 20 minutes d’avance sur ses cinq poursuivants. Il a dû rebrousser chemin et les retrouver, alors qu’ils étaient eux aussi sortis du parcours.
Mathieu Blanchard est reparti à l’attaque et s’est de nouveau détaché, mais il a fait deux nouvelles erreurs nocturnes, en confondant les balises luminescentes. Il pense avoir couru 10 km en extra en tout.
Manque de chance, « plus la course avançait, plus c’était dur. À partir du 75e kilomètre, au début de l’ascension d’un volcan, je faisais tout sur une jambe. Sans les bâtons, je ne serais pas arrivé à monter, impossible! Et pour descendre, je m’appuyais dessus. »
Le gars qui l’a emporté, le Portugais Bruno Coelho, a dépassé Mathieu au pied du volcan et il ne l’a plus revu. Il a franchi la ligne avec une heure d’avance (13 h 04).
« Ça fait ch*** parce que j’ai organisé mon entraînement pour ça, pour atteindre mon pic de forme. C’est super frustrant de se sentir en forme et de ne pas pouvoir avancer », a commenté le blessé quelques jours après la course.
Apprendre à gérer la pression de l’objectif
« Quand tu es longtemps le leader d’une course, tu crois que tu vas l’emporter, dit-il. Après, moi, je ne fais pas ça que pour la course. Je suis là aussi pour visiter. Alors, je n’ai pas voulu abandonner, j’ai préféré essayer de profiter de l’île. La réflexion que j’ai à ce moment-là, c’est : est-ce que je me bats quand même où est-ce que je vais au bout, mais tranquille? J’ai finalement fait un peu des deux. »
Et puis, il y a l’expérience du champion qui entre en ligne de compte. « Une course comme le Tracé de Nord Basse-Terre, où j’ai connu une difficulté mentale extrême, ça aide. C’est du déjà vécu alors c’est plus facile de passer à travers. »
Mathieu dresse aussi un constat de ses différentes expériences : il est bien plus performant quand il ne se fixe pas d’objectif. « À Bear Mountain, j’étais détendu, je n’attendais rien et j’ai réussi une super course. Là, c’était quand même l’un de mes objectifs de la saison. »
À cause de son genou, qui lui fait toujours mal, Mathieu ne sait pas s’il prendra pas part comme prévu au 50 km du Trail de la Clinique du coureur en fin de semaine.