Écrit avec la collaboration de Yohan Malliard
Le confinement obligatoire instauré en France pour endiguer le coronavirus ainsi que l’annulation ou le report de toutes les compétitions, a mis la saison de tous les athlètes européens sur pause. Comment ont-ils vécu cette période complètement inédite? Distances+ a posé la question à plusieurs des meilleurs traileurs français. Ces entrevues ont été réalisées en avril.
C’est au tour de Manu Meyssat, vieux briscard du trail qui a connu sa première sélection en équipe de France en 1999, de nous raconter son confinement.
Manu Meyssat, 40 ans, détient l’un des plus beaux palmarès de la course en montagne et du trail français. Durant sa carrière sportive, il a été sacré deux fois champion de France de course en montagne, une fois champion de France de trail court et une fois champion de France du kilomètre vertical.
L’an dernier, il a terminé 6e des championnats du monde de trail (44 km, 2120 m D+) à Miranda do Corvo, au Portugal. Sa performance a d’ailleurs contribué à le sacrer champion du monde par équipe aux côtés de Nicolas Martin, Ludovic Pommeret et Julien Rancon.
Le coureur de l’équipe Hoka a par ailleurs décroché deux victoires sur la SaintéLyon (73 km, 1930 m D)+, en 2016 et 2017 (il a terminé 2e en 2010 et 2019), une autre sur la Saintexpress 2015 (44 km, 950 m D+), deux victoires au Festival des Templiers, sur le Marathon des Causses (2012 et 2013), une victoire au 80 km de l’ÉcoTrail de Paris en 2018 ou encore sur le relais à deux de la redoutable 6000D (31,80 km, 2860 m D+) en 2019.
Le membre de l’Athletic Club Tassin, près de Lyon, est également un homme des labours, qui lui servent de préparation hivernale. Il a remporté cette année la demi-finale des Championnats de France de Cross Country de la région Auvergne-Rhônes-Alpes dans la catégorie master. Une performance qui lui a ouvert les portes de la grande finale avant que cette dernière ne soit annulée.
Distances+ : Comment vis-tu la période de confinement actuelle?
Manu Meyssat : C’est sûr que l’annonce a été un peu violente. On entendait à peine parler de la situation chinoise et en l’espace d’une semaine, le sujet est devenu la bête noire qui allait paralyser le pays et une grosse partie du globe. Le tout bien alimenté par un système médiatique à son apogée. Mes vacances au ski cette semaine-là se sont résumées à « déballe tes valises et refais tes valises! »
Pour autant, je vis très bien le confinement, j’ai le privilège d’habiter à la campagne, d’avoir une grande maison au milieu des prés sans voisins. Après, l’essentiel est surtout d’être en bonne santé, et j’ose espérer que cet épisode aura au moins un impact positif sur nos modes de vie futurs, car il ne faut pas nier notre impact sur ce qu’il arrive en ce moment.
Parle-nous de l’impact que le confinement a eu sur ta motivation.
C’est vrai que je suis un compétiteur dans l’âme et que j’affectionne la rivalité en compétition et le fait d’aller chercher mes limites, mais je suis juste sportif avant tout, et j’aime l’effort en général, que ce soit en courant ou sur un vélo. C’est un mode de vie.
En dépit du fait que je ne peux plus exercer mon activité professionnelle d’enseignant de la conduite, j’ai malgré tout divisé par deux mon volume d’entraînement depuis le début du confinement. C’est assez paradoxal, mais ma femme continue de travailler et nous n’avons pas la nounou, donc je m’occupe de mes deux filles de 11 mois et 5 ans, et ça, c’est aussi un job à temps plein. Du coup, je passe beaucoup de temps avec elles, et le jardinage et la cuisine font partie de mes activités principales.
Heureusement, il reste encore l’appel du home trainer, souvent vers 22 h quand tout ce petit monde est couché. Finalement, je ne vois pas le temps passer, je ne m’ennuie pas du tout, et surtout, je profite de ces moments en famille.
As-tu fait une croix sur ta saison? Sur quoi te concentres-tu désormais?
Pour les objectifs de la saison, c’est sûr, que l’affaire est mal engagée. À peine la saison de cross commençait à devenir intéressante à l’approche des « France » qu’il a fallu remballer ses ambitions.
Ensuite, je devais enchaîner avec l’Écotrail de Paris, puis quelques manches du Trail Tour National (TTN) de trail long, les championnats de France de trail et ceux de course en montagne. Bref, il n’y a plus d’objectifs à court terme, et j’évite de me projeter sur la fin de saison. On verra en temps voulu, ça évitera les frustrations. Pour l’instant, je maintiens juste une condition physique minimum. Ce qui me manque le plus, c’est surtout les grands espaces, et les sorties en vélo.
Quel enseignement tires-tu de ce que nous sommes en train de vivre?
Tout ceci renforce l’idée que notre civilisation moderne n’a pas su s’adapter dans son mode de fonctionnement et que cette pandémie est un avertissement. Je ne vais pas énumérer tout ce qu’il faudrait faire ou ne pas faire, mais la culture du toujours plus à ses limites.
J’essaye de manger sain et bio, de privilégier les circuits courts, de limiter les déchets et le gaspillage. Il faut bien reconnaître que le fait d’habiter à la campagne et de pouvoir faire son potager ou d’avoir des petits producteurs à deux pas de la porte est un atout.
Après, je suis loin d’être irréprochable, le sport de haut niveau m’amène à beaucoup me déplacer en compétition, alors même si j’évite de traverser la France tous les week-ends, certaines compétitions ou sélections internationales ne sont pas sans conséquence. Et encore, hormis pour les grands championnats, je cours rarement à l’étranger, car j’essaye de garder un bon équilibre familial, et s’absenter plusieurs jours est forcément une contrainte pour l’entourage. Étant invité sur de nombreuses courses, plus ou moins exotiques, je dois avouer qu’il serait plus difficile de résister à la tentation, mais je crois qu’on doit tous faire des efforts et reconsidérer notre pratique afin qu’elle soit la moins impactante possible.
Quel message souhaites-tu faire passer à la communauté de traileurs et aux sportifs en règle générale en cette période difficile?
On est tous dans le même bateau en ce moment, alors profitons de cet épisode pour se remettre en cause et de façon durable. Ce qui est certain, c’est qu’il faut mieux être en bonne santé, alors gardez la forme, et même s’il n’y a pas de dossard à épingler, il faut reconnaître, que c’est aussi sympa de changer ses occupations et d’avoir plus de week-ends libres.
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