Karim El Hayani bat le record du monde du semi-marathon couru pieds nus sur la neige

karim el hayani
Karim El Hayani a battu le record du semi-marathon pieds nus sur la neige à Lac-Beauport, au Québec - Photo : courtoisie

C’est une performance insolite que le coureur espagnol Karim El Hayani, 27 ans, a réalisée ce mercredi 3 mars 2021 près de Québec : il a amélioré le record du monde du semi-marathon (21,0975 km) pieds nus sur la neige, dans des conditions qui n’étaient pourtant pas idéales.

Il lui aura fallu 1 h 36 min et une poignée de secondes (en attente de confirmation de la trace GPS), soit une quinzaine de tours d’une boucle de 1300 m autour du lac Beauport, pour pulvériser l’ancien record officiel. Ce dernier avait été établi il y a 14 ans (2007) par le Néerlandais Wim Hof, surnommé « l’homme de glace » en 2 h 6 min 34 s. La performance établie par Karim El Hayani est pour le moment officieuse puisqu’elle doit être homologuée par le Guinness World Records, ce qui pourrait prendre plusieurs semaines.

On est en contact!

On n'envoie pas de spam :)

On est en contact!

On n'envoie pas de spam :)

Quelques heures après avoir passé l’arche d’arrivée installée pour l’occasion, Karim a confié à Distances+, encore euphorique, « avoir ressenti une émotion incroyable » en terminant son incroyable défi. Une joie qu’il a pu partager avec toute l’équipe de la Clinique du Coureur — dont il est l’un des ambassadeurs —, qui l’a accompagné dans sa tentative de record.

Des conditions difficiles 

karim el hayani
Karim El Hayani – Photo : courtoisie

Pourtant, avant qu’il ne s’élance, « les conditions n’étaient pas idéales », assure Isabelle Dumais, la directrice générale de la Clinique du Coureur. Il faisait très beau, mais il n’y avait pas juste de la belle neige au sol comme espéré.

« C’est vrai que ce n’est pas ce à quoi on s’attendait, raconte Karim El Hayani. On avait repéré le parcours avec Blaise Dubois (le fondateur de la Clinique du Coureur, NDLR) et il était vraiment en bon état, mais les trois derniers jours il y a eu un choc thermique avec des températures à -27° et -33° et des redoux avec de la pluie. » Ces changements climatiques brusques ont eu pour effet de créer des petits pics de glaces sur le parcours et de l’obliger à courir directement sur la glace à deux endroits de la boucle, la neige étant impraticable. « Ça a tout changé parce que je ne pouvais pas courir à l’allure que je voulais, lâche le coureur avec une pointe de frustration. J’ai dû apprendre 20 minutes avant le départ à courir sur une piste de patin à glace » glisse-t-il en riant.

La course s’est déroulée dans une température de -10°, mais malgré ce froid hivernal, Karim a retiré son chandail dans les derniers kilomètres pour courir torse nu.

Il a confié avoir pris le départ avec deux ampoules aux pieds qui s’étaient formées lors de sa dernière sortie, six jours avant la course. Il avait en effet couru pendant deux heures et demie les pieds dans la neige pour voir comment ils réagiraient au contact prolongé avec la surface froide. Ces deux petites ampoules ont généré une petite appréhension avant la course qui s’est rapidement dissipée une fois le départ donné.

Malgré tout, l’ambassadeur de la Clinique du Coureur, chantre du minimalisme de l’équipement de course à pied, a réussi son exploit sans connaître de réelles mésaventures. « Dès le premier tour, on sentait que ça allait très bien », raconte Isabelle Dumais. « Avec la forme qu’il a actuellement, je pense qu’il a maximisé sa course », a estimé pour sa part Blaise Dubois, qui suit des sportifs de haut niveau depuis de nombreuses années et qui a filmé et suivi le champion en patins à glace durant sa tentative.

Une question d’adaptation

karim el hayani
Karim El Hayani s’entraîne à courir pieds nus sur la neige depuis qu’il vit au Québec – Photo : Oriol Batista Viñas / LCDC

Courir pieds nus sur de longues distances n’est pas donné à tout le monde, mais courir pieds nus dans la neige l’est encore moins. On s’expose à « des risques d’ampoules, d’engelures, de coupures, etc. », avertit Blaise Dubois. Néanmoins, le célèbre physiothérapeute québécois nuance en soulignant que « tout est une question d’adaptation. Moi, je ne tiens pas une minute pieds nus dans la neige, mais Karim est habitué. Il a déjà couru le 50 km du Trail de la Clinique du Coureur en terminant avec les pieds en très bon état, alors que le parcours est plutôt abrasif. »

Karim El Hayani est en effet coutumier de la pratique du sport pieds nus depuis son enfance. Que ce soit quand il jouait au foot avec ses amis ou lorsqu’il a débuté la course à pied, le Madrilène ne s’embarrassait pas de chaussures. « J’ai essayé de porter des souliers, mais je ne me sentais pas bien, je n’avais pas la bonne technique et j’ai eu quelques problèmes physiques aux genoux et au dos à cause de ça, explique-t-il. En courant pieds nus, tu utilises vraiment la technique naturelle, qui est beaucoup plus relax, et tu évites beaucoup de problèmes physiques. Et puis la sensation est incroyable! » 

Pour Blaise Dubois, ce coureur suscite de la curiosité. « Il nous intrigue et nous questionne sur des croyances très populaires, comme le fait qu’il faut avoir de l’amorti sur ces chaussures et toujours plus de technologies et d’innovations. »

Mais cette fois, le défi a tout de même légèrement abîmé les pieds du champion, selon Blaise Dubois qui a constaté « quelques ampoules et un peu de sang sur certains orteils », même si Karim assure que tout va bien.

Une équipe pour homologuer le record

Karim El Hayani
Karim El Hayani – Photo : courtoisie

L’idée de battre ce record du monde lui est venue un jour en tombant, par hasard, sur le record de Win Hof. Karim admire « sa façon de vivre et sa façon de voir les choses ». Dès lors, il se sent capable, avec un peu d’entraînement, de battre ce record, et largement. Avec des conditions optimales, Karim estimait pouvoir courir entre 1 h 25 et 1 h 30. « En plus, avec la pandémie, il n’y a pas de course, donc il faut chercher des défis, des objectifs parce que moi être sur le canapé tout l’après-midi ce n’est pas mon genre », ajoute-t-il. 

Durant la préparation de son défi, l’Espagnol, qui vit aujourd’hui à Bromont, a pu se reposer sur une grande partie des membres de la Clinique du Coureur. En plus de l’aider à préparer la course en amont, toute l’équipe était présente le jour J pour gérer son ravitaillement, l’encourager et filmer la totalité de la course, condition sine qua non pour espérer voir son record homologué par le Guinness World Records.

Ce soutien a beaucoup aidé l’athlète dans sa quête, mais lui a aussi rajouté de la pression. « Quand tu vois beaucoup de gens qui s’investissent, tu te sens vraiment redevable. Je suis aussi content pour eux d’avoir battu ce record parce qu’ils ont fait un gros travail, a commenté Karim. Pour une première fois, on ne peut pas en demander plus. Avoir tout le monde qui criait mon nom et m’encourageait, ça m’a beaucoup motivé. » Ces acclamations lui ont permis de tenir dans les derniers kilomètres alors que le moral commençait à flancher et que les jambes ne répondaient plus comme il le souhaitait.

Mais un autre coup de pression était venu de la Norvège, un mois avant la tentative de l’hispano-québécois. Le 26 janvier, Jonas Felde Sevaldrud a mis en ligne une vidéo sur YouTube dans laquelle on peut le voir battre le record de Wim Hof, plaçant la marque à 1 h 44 min 58 s En ce début mars 2021, le temps n’a encore pas été officialisé comme le record du monde par le Guinness World Records.

Pour la suite de la saison, Karim El Hayani souhaite maintenir sa forme afin d’être performant sur un défi diamétralement opposé : le Marathon des Sables (250 km, 2445 m D+), qui aura lieu du 1 au 11 octobre, s’il est maintenu.

Karim El Hayani est originaire du Maroc. Il a grandi à Madrid où il s’est épanoui en athlétisme (il a notamment gagné la Coupe d’Espagne de course en montagne en 2013) avant d’aller vivre et courir aux États-Unis (il a entre autres remporté l’ultra-trail Javelina Jundred 100 km en 2015 et le 50 km de la Coldwater Rumble en 2017). Il s’est installé par la suite au Québec (Montréal, Québec, Baie-Saint-Paul et enfin Bromont) qu’il ne semble pas prêt de quitter.



 

 

À lire aussi :