Hugo Deck : « J’ai toutes les clés pour performer »

Interview avant le 90 km du Mont-Blanc 2023

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Hugo Deck lors de l'édition 2023 du MIUT - Photo : Ffefferminzmich

MISE À JOUR – Hugo Deck est monté sur le podium du 90 km du Marathon du Mont-Blanc ce vendredi 23 juin. Il a parcouru les 92 km et 6330 m D+ en 10 h 47. Il termine 12 min derrière Germain Grangier et 10 min derrière Louison Coiffet.


À 23 ans, Hugo Deck fait partie de la nouvelle génération de traileurs de haut niveau qui se lancent de bonne heure, le cœur léger et un gros appétit dans les longues distances, à l’instar d’autres jeunes champions français comme Théo Le Boudec (22 ans), Mathieu Delpeuch (26 ans) ou le nouveau champion du monde de trail long Benjamin Roubiol (23 ans). Hugo avait été remarqué lors du Trail du Ventoux 2020 grâce à sa 6e place surprise derrière des cadors. C’est également cette année-là qu’il s’est distingué, aux côtés de Marie Goncalves, lors du Trail Elite Factory, organisé par l’équipe Asics pour dénicher de jeunes talents. Le Varois vit aujourd’hui de sa pratique au sein de la performante équipe Adidas aux côtés d’athlètes de classe internationale comme la Néo-Zélandaise Ruth Croft, le Suédois Petter Engdahl, le Britannique Tom Evans, l’Américaine Abby Hall et l’Espagnol Pablo Villa. Son début de carrière a été marqué par de belles réussites – comme ses deux victoires main dans la main avec Benoit Girondel sur le Swiss Canyon Trail en 2021 et 2022, sa 5e place à la CCC derrière les poids-lourds Thibaut Garrivier, Scott Hawker, Thibaut Baronian et Andreas Reiterer, ou encore sa victoire sur la première édition du 100 miles du Nice Côte d’Azur by UTMB. Il a aussi été teinté par quatre abandons sur ultra. Le dernier en date, à l’Ultra-Trail de l’île de Madère (MIUT), reste encore pour lui un mystère. Il ne comprend toujours pas pourquoi il a baissé les bras. Hugo Deck aura l’opportunité de se reprendre ce week-end sur le rugueux 90 km du Mont-Blanc (92 km, 6330 m D+) avant d’aller jouer dans la cour des grands sur 100 miles, fin août à Chamonix, pour affronter l’UTMB (171 km 10 000 m D+).

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Hugo Deck a remporté le Trail de la Sainte Baume 2023 – Photo : Cyrille Quintard

Né à Strasbourg, le jeune coureur préfère dire qu’il est originaire du sud de la France. Il est aujourd’hui installé à Genève, en Suisse. C’est autour de son village, la Roquebrussanne, dans le Var, qu’il a découvert le trail, à travers des chemins escarpés et caillouteux qui font la réputation de cette région. Avant la course en sentier, Hugo Deck a pratiqué le basket pendant 10 ans dans plusieurs clubs de niveau régional. Influencé par un grand frère qui pratiquait le triathlon, il a découvert la course de trail en 2016. Il a accroché son premier dossard l’année suivante à la Young Race Marathon, la course dédiée aux juniors sur le Marathon du Mont-Blanc (14 km, 960 m D+). Il a terminé 20e. Il a renouvelé l’expérience en 2018, terminant 5e. Puis il s’est aligné sur la YCC, la course de l’UTMB dédiée aux jeunes et s’est offert cette fois la troisième marche du podium. Ainsi a débuté la carrière de cet athlète au tempérament « un peu fou-fou ».

Avec un Index UTMB de 878, Hugo Deck fait partie des 20 meilleurs traileurs français. Il est talentueux et présente des qualités pour les longues distances. Mais le jeune homme n’a pas réussi à sortir victorieux des grands objectifs qu’il s’était fixés ces deux dernières années. Il a abandonné à mi-course sur le MIUT 2021 (115 km, 7100 D+) alors qu’il courait aux côtés de l’italien Daniel Jung, futur vainqueur cette année-là de la Diagonale des Fous (main dans la main avec Ludovic Pommeret). En 2022, c’est sur la TDS qu’il s’est cassé les dents après avoir mené la course durant toute la nuit (victoire de l’expérimenté Ludovic Pommeret qui, à 47 ans, était resté en embuscade jusqu’aux deux tiers de la course avant de mettre un coup d’accélérateur). 

En 2023, Hugo a de nouveau abandonné sur le MIUT alors qu’il était dans le top 3 de la course, expliquant, à chaud, ne pas avoir « d’explication à cette perte d’énergie d’un seul coup ». Il s’est battu pendant « trois heures sans qu’elle veuille revenir ».

Malgré cette nouvelle déconvenue, il aborde le reste de sa saison avec sérénité et une approche raisonnée sur ses grands objectifs de la saison, tous les deux dans le décor du Mont-Blanc. Initialement prévu sur le format ultra du Trail des Maures, dont il est le parrain fin mai, il a fait le choix de plutôt prendre le départ du format marathon, considérant que c’était plus prudent. Il a gagné la course.

Distances+ s’est entretenu avec ce jeune coureur passionné et généreux dans l’effort — il s’entraînait plus de 1000 heures par an ces dernières saisons — à quelques jours du 90 km du Mont-Blanc. Entrevue!

DISTANCES+ : Malgré ton jeune âge, tu as très vite annoncé ton ambition de performer sur les longues distances. Pour quelle(s) raison(s) ?

HUGO DECK : J’ai découvert l’ultra en regardant à l’époque les vidéos de l’Ultra-Trail World Tour qui passaient sur la chaîne L’Équipe (des résumés des épreuves au calendrier de ce circuit remplacé aujourd’hui par l’UTMB World Series, NDLR). De suite, ça m’a fait rêver. J’ai été inspiré, non pas par Zegama ou Sierre-Zinal, mais plutôt par l’UTMB, le MIUT, la Hardrock et la Diagonale des Fous. J’ai commencé le trail pour faire de la longue distance, même si je n’en ai pas fait de suite. J’ai d’abord fait trois saisons sur du court avant d’aller progressivement vers le maratrail quand j’ai eu l’âge (la distance est généralement non autorisée pour la catégorie junior, NDLR) avant de faire mon premier ultra sur l’Ultra-Trail Côte d’Azur Mercantour en 2020.

Comment s’est passée cette première expérience ?

Je me suis inscrit seulement 10 jours avant la course. Je préparais la Skyrhune qui a été annulée au dernier moment (en raison de la pandémie), et je me suis dit que c’était l’occasion de me confronter à ce que je voulais faire pour voir si j’allais vraiment aimer la longue distance. J’ai abandonné, mais j’avais déjà envie de recommencer. 

As-tu été confronté à des critiques vis-à-vis de ton choix précoce pour ce format qu’on dit éreintant et pas forcément idéal pour les jeunes athlètes ?

Pas directement, mais j’ai entendu beaucoup de paroles dans mon dos, notamment en raison de mes abandons. Je ne l’ai pas mal vécu, ça m’est passé au-dessus. 

Tu viens du basket, un sport collectif bien différent du trail. Qu’est-ce que tu en gardes dans le cadre de ta pratique du trail, évidemment plus individuelle ?

Il y a surtout des choses que je suis content d’avoir quitté du basket. Déjà, de partager un ballon dans une équipe de 5 où tout le monde veut briller ramène cela à un sport individuel. Ce que j’aime dans le trail, c’est que chacun fait sa course et si tu fais une mauvaise course, ce n’est jamais de la faute de quelqu’un d’autre, cela ne dépend que de toi. 

Mais le basket m’a aidé dans ma gestion de la pression. Nous en avions beaucoup dans ce sport, ce que je ne ressens pas du tout dans le trail. Je n’ai jamais eu quelqu’un sur la CCC qui m’a crié dessus en me disant de me bouger sur les sentiers. D’ailleurs, ce serait très mal vu un entraîneur qui crie, alors que c’est habituel dans les sports collectifs. 

À quel moment t’es-tu rendu compte que tu pouvais performer en trail ? 

Dès ma 3e place sur la YCC après seulement un an de course à pied, derrière Anthony Felber et Matis Bondurand. Je considère ma sixième place sur le Trail du Ventoux comme ma première course référence. J’avais couru derrière Marc Lauenstein avec Nicolas Martin, Ludovic Pommeret et Thomas Cardin. Mais ma cinquième place sur la CCC reste pour moi ma plus belle performance. 

Et qu’en est-il de ton premier 100 miles au Nice Côte d’Azur by UTMB en 2022 ? 

C’est aussi quelque chose. Mais j’étais favori sur la course, donc je n’ai pas créé la surprise, même si finir un 100 miles pour les gens de mon âge peut être surprenant. Cela m’a surtout rassuré, car ce n’est pas pareil qu’un 100 km. Sur un 100 miles, les derniers kilomètres ne sont pas beaux à voir, même pour les premiers. J’en ai tiré des enseignements. Celui d’accepter d’être un randonneur dans les 30 derniers kilomètres. C’est à ce moment-là où j’ai créé l’écart sur cette course alors que dans ma tête, j’avais l’impression de ne plus avancer. C’est important de s’en souvenir mentalement. Il y a beaucoup de paramètres à mettre en œuvre sur 100 miles et c’est ce qui m’intéresse. J’ai envie d’être le plus complet possible, avec le format 100 miles comme objectif principal. C’est pour ça que j’ai choisi d’aller dès cette année sur l’UTMB, pour emmagasiner rapidement de l’expérience. 

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Hugo Deck a couru avec la tête de course longtemps sur l’édition 2023 du MIUT avant d’abandonner pour la deuxième fois sur cette épreuve – Photo : Ffefferminzmich

Des abandons ont jalonné ta jeune carrière. Ta dernière course sur ultra au MIUT s’est par exemple soldée par un arrêt. Quel regard portes-tu là-dessus ?

Pour tous mes DNF, j’avais jusqu’ici une bonne excuse. Le MIUT 2022 était l’ultra de trop, puisque j’en avais fait quatre dans la même année juste avant. Pour la TDS, j’ai grandi de 3 cm et j’ai pris une demi-pointure en quelques mois, ce qui m’a fait perdre tous mes ongles à cause de chaussures trop petites. C’était fou, mais je ne le comprenais pas à ce moment-là. Je venais de changer d’équipementier et je n’ai pas fait le rapprochement. Le MIUT de cette année (2023) est en revanche mon premier abandon mental où je n’ai pas trouvé d’explication et où je ne pense pas avoir fait d’erreur. Je ne me sentais juste pas en forme les jours précédents. J’ai entamé un travail avec un préparateur mental après cette course. 

Le mental, c’est ce qui te fait défaut aujourd’hui ?

Oui, même si j’ai eu du mal à l’accepter. À la base, je ne suis pas quelqu’un qui va chez le kiné ou l’ostéopathe régulièrement, je suis pour l’entraînement brut et je ne crois pas trop à ça. C’est mon entraîneur qui m’a poussé à prendre un préparateur mental et j’ai pris du temps pour finalement l’accepter. J’ai aussi réduit mon volume d’entraînement. Les années d’avant, j’étais à plus de 1000 heures de sport, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. J’avais déjà un entraîneur, mais je faisais un peu les choses à ma sauce. 

De qui es-tu entouré aujourd’hui ?

Mon entraîneur est Thomas Pigois, mon préparateur mental Maxime Reysz et mon père gère mes assistances. J’ai aussi un avocat.

C’est important de le préciser que tu as un avocat ? 

Je pense, car avec la professionnalisation du trail et les contrats de plus en plus nombreux, il faut faire attention. 

Comment vis-tu actuellement ?

Le trail est mon activité principale et j’en vis correctement avec mon sponsor. J’ai d’autres projets en tête. Je vais reprendre mes études en STAPS à distance parce que je n’ai aucun diplôme. Il y a plein de choses que j’aimerais faire dans le milieu du trail, mais je dois d’abord assurer mon image avant. 

Comment abordes-tu le 90 km du Mont-Blanc dans quelques jours et l’UTMB fin août ? On dit de toi que tu n’es pas quelqu’un de stressé.

Je suis un stressé de l’entraînement, j’y pense tous les jours. Mais pas forcément en compétition. En général le jour de la course je suis serein. Je projette ma saison de manière assez humble, avec l’ambition de faire mes meilleurs temps en me battant mentalement. Je connais une bonne partie du parcours du 90 km du Mont-Blanc, dont j’ai fait la reconnaissance avec mon ami Petter Engdahl.  

Comment vois-tu l’avenir, et quels sont tes axes de progression ?

Je pense que j’ai toutes les clés pour performer. Ce qu’il me manque, c’est de tout aligner le jour J : la forme physique, le mental, la nutrition, le matériel et arriver à être plus automatique. Pour le moment, il n’y a pas une course où ma nutrition a été bonne. Soit je n’arrive pas à mâcher, soit c’est trop sucré. J’adore manger en dehors de la course, mais manger en courant n’est pas un plaisir. Mon objectif est de prendre du plaisir et de performer sur de belles épreuves comme l’UTMB. 


*Le départ du 90 km du Mont-Blanc sera donné vendredi 23 juin 2023 à 4 h du matin.

**Le record du parcours actuel est détenu par le Français Martin Kern (2021) en 10 h 23 chez les hommes et par Caroline Chaverot (2016) en 11 h 40 chez les femmes.

***La liste des vainqueur·e·s de renom depuis son lancement en 2013 jusqu’à sa dernière édition en 2021 (le 90 du Mont-Blanc a été annulé en 2022 en raison d’une tempête) en dit long sur le niveau de la course : Caroline Chaverot (2 victoires), Emelie Forsberg, Mimmi Kotka (2 victoires), Katie Schide et Hillary Gerardi (nouvellement détentrice du record de l’ascension du Mont-Blanc en aller-retour), mais aussi François d’Haene, Luis Alberto Hernando, Alex Nichols, Diego Pazos, Xavier Thévenard (2 victoires), Sylvain Court et Martin Kern.


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