La pandémie a chamboulé nos vies. Les athlètes ont dû s’adapter à l’annulation ou au report de la plupart des compétitions de trail dans le monde. Ils ont dû réviser leurs objectifs et adapter leur entraînement. En ce début d’année 2021, Distances+ a demandé à plusieurs coureurs inspirants de raconter comment ils vivent cette période inédite.
On poursuit cette série d’entrevues avec un joyeux traileur compulsif : David Bombardier.
David est un « athlète ordinaire » qui se définit, avec son large sourire accroché au visage, comme un gamin de plus de 40 ans qui joue dans le bois, souvent et longtemps, mais « un pas à la fois », le nom de son blogue et de sa page Facebook.
Acteur ultra sympa du trail québécois, l’ambassadeur du Défi Everest nous raconte avec enthousiasme qu’il a réussi à s’épanouir au cours des derniers mois et se jouer habilement de la pandémie.
Distances+ : Avec du recul, comment as-tu vécu ton année 2020?
David Bombardier : Ça m’a frappé en regardant mon fil Facebook le 31 décembre : la plupart des gens faisaient leur bilan annuel en disant que 2020 était définitivement une année à oublier. Pour ma part, j’ai vécu énormément de beaux moments malgré la pandémie. On dit souvent que la course en sentier est le reflet de la vie en général. Que, lors d’un ultra, il y aura assurément des bas. Qu’il faut alors savoir s’accrocher, focaliser sur le positif et continuer d’avancer coûte que coûte pour réussir à surmonter le creux de vague. C’est exactement ce qu’on a vécu depuis mars dernier et qu’on vit encore aujourd’hui.
Heureusement, j’ai toujours eu de la facilité à voir le verre à moitié plein, si bien que j’ai eu une superbe année 2020 malgré tout. J’ai profité des montagnes du Québec au maximum. Je me suis accompli comme jamais auparavant grâce à des défis personnels un peu fous, dont du fastpacking (NDLR : de la randonnée sportive, à rythme soutenu) sur plusieurs jours en Gaspésie et la quadruple traversée du parc national du Mont-Orford (100 km et 6000 m de D+) en autonomie et dans des conditions atroces.
En avril, j’ai profité de ma visibilité sur les médias sociaux pour mobiliser des centaines de coureurs de partout au Québec tout en amassant de l’argent pour les banques alimentaires grâce au Défi 4-4-48, une idée lancée à la dernière minute et qui a connu un succès inespéré. J’ai aussi repoussé un peu plus mes limites en réussissant à courir 160 km en 24 heures en mode « Backyard » (NDLR : parcourir une boucle de 6,6 km en moins d’une heure jusqu’à ce que ce ne soit plus possible) dans les rues de mon quartier, en plein mois de décembre, dans le cadre des 24 h Tremblant. Comme si ce n’était pas assez de courir sur l’asphalte — ce que je déteste —, j’ai enregistré un épisode du balado Pas sorti du bois entre chaque boucle (avec Yannick Vézina) et j’ai aussi eu droit à une tempête de neige en pleine nuit. Comme plan de m…, c’en était tout un!
Quels enseignements as-tu tirés de cette période insolite?
Avant mars 2020, je prenais énormément de choses pour acquises : courir entre amis, voyager, aller jouer dans les White Mountains du New Hampshire au moins une fois par mois, etc. Finalement, ce n’était pas des droits, mais bien des privilèges dont personne n’était vraiment conscient jusqu’à ce moment. Heureusement, la course est l’un des seuls sports qu’on a pu continuer de pratiquer malgré la pandémie. Ma capacité d’adaptation et mon positivisme m’ont très bien servi. J’ai su me réinventer et garder ma motivation dans le tapis malgré l’annulation de la quasi-totalité des courses en sentier. J’ai fait aller mon imagination pour concevoir des défis auxquels je n’aurais jamais pensé si les courses organisées avaient eu lieu comme prévu.
Qu’est-ce que la pandémie et ses conséquences ont eu comme impact sur ta vie de coureur? Quelle est ta vision d’avenir à court ou long terme?
Au cours de la dernière année, j’ai constaté que je n’ai plus besoin des courses organisées pour m’accomplir et pour vivre des aventures grandioses en montagne. Je peux désormais le faire par moi-même, en autonomie complète, et ça me nourrit encore plus. Revêtir un dossard et prendre le départ d’un ultra aux côtés des autres membres de cette magnifique communauté de coureurs en sentier, ça a un petit quelque chose de magique et ça me manque, mais ce n’est plus ce qui me motive à aller jouer dehors, jour après jour. Je vais sûrement continuer de participer à quelques courses organisées au cours des prochaines années, mais la pandémie m’a montré que je peux désormais être autonome dans ma quête de repousser mes propres limites.
Comment appréhendes-tu cette saison 2021? À quoi, au moment où l’on se parle, devrait-elle ressembler?
Quand j’ai commencé à courir en trail, il y a cinq ans, l’UTMB était pour moi l’objectif ultime. Je saurai bientôt si j’aurai la chance d’y participer cette année. Compte tenu de toute l’incertitude qui plane sur 2021, j’ai surtout en tête des défis personnels, y compris quelques projets « secrets ».
J’espère pouvoir refaire du fastpacking sur plusieurs jours en Gaspésie et j’aimerais parcourir les Sentiers de l’Estrie d’un bout à l’autre (135 km et 6000 m de D+, de Glen Sutton à Richmond).
Comme je suis ambassadeur du Défi Everest, je compte aussi tenter un Everesting (8848 mètres de D+ en une seule sortie). Et si les courses organisées peuvent avoir lieu, j’en ajouterai sûrement une ou deux à mon calendrier, question de pouvoir à nouveau socialiser.
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