Xavier Perreault a terminé deuxième du 100 miles de Cruel Jewel et ses 10 000 m de dénivelé en Géorgie, mais ce n’est probablement pas sa performance qu’il retiendra. Le jeune athlète de 27 ans a en effet été traîné dans la boue à la suite d’un problème sur le parcours et d’un gros couac de communication.
Sa course a été contestée et il a reçu des messages haineux. Encore ébranlé par ce qu’il a vécu là-bas il y a un peu plus d’une semaine, il a raconté sa version des faits à Distances+.
Xavier dit s’être entraîné furieusement tout l’hiver pour parvenir à livrer l’une de ses plus belles performances à vie. Il avait jusque-là décroché, entre autres, une 5e place à l’Ultra-Trail du Mont-Albert l’année dernière et une 7e position au 160 km du Bromont Ultra l’année précédente. Non seulement il est arrivée deuxième du Cruel Jewel 100, mais il a réalisé le 8e meilleur temps depuis la première édition de la compétition en 2013.
S’égarer sur un ultra-trail, ce n’est pas exceptionnel. Il est fréquent d’entendre les coureurs raconter qu’ils ont manqué un sentier en raison d’une distraction ou d’un balisage déficient. C’est ce qui est arrivé à Xavier Perreault. Très rapidement.
Un départ difficile
Le parcours du Cruel Jewel 100 comporte une boucle qui doit être faite au début et en fin de course. Dans le top 5 dès le départ de la course, Xavier fait cette boucle deux fois plutôt qu’une.
« Je me suis rendu compte que je tournais en rond et qu’il y avait plein de coureurs qui m’avaient rattrapé. À ce moment-là, j’ai paniqué et je me suis mis à courir comme un fou, explique-t-il. La seule chose qui m’intéressait, c’était de sortir de là. »
Le meneur s’est également perdu dans cette boucle.
Heureusement pour Xavier Perreault, il est tombé sur le directeur de course, Josh Saint, dans la zone de ravitaillement. Il lui a expliqué la situation et montré sa montre prouvant qu’il venait de parcourir une distance équivalente à deux fois cette boucle.
« Josh me dit : “Pas de stress, tout est réglé, tu peux continuer. J’ai communiqué avec les gens du départ et plutôt que de refaire la boucle à la fin du parcours, tu grimperas jusqu’à la banderole jaune que j’ai fait installer” », se souvient-il.
Dubitatif, il tente de mettre toutes les chances de son côté : « Sachant qu’il y aurait d’autres coureurs qui me verront redescendre du mauvais sens, je prends une photo de la banderole en question et je la montre à Josh qui me répond en riant : “On te croit, pas besoin de la photo” », affirme Xavier Perreault.
Une victoire éphémère
S’il a franchi la ligne d’arrivée sans encombre et reçu les félicitations d’usage, certains commencent à douter et à remettre en question la performance du Québécois. « On me demande si j’ai toujours ma montre. J’explique qu’elle est morte en chemin. On me confirme à nouveau que tout est correct, mais que l’organisation aurait aimé pouvoir vérifier. Je suis hyper mal à l’aise, je m’excuse encore et je tente d’expliquer que tout a été convenu avec Josh. On me répond que mon temps semble anormal, mais que c’est correct », se remémore-t-il.
Des dispositions spéciales à l’intention d’un seul coureur, une montre qui flanche à mi-parcours, des problèmes de communication entre les officiels, des plaintes de coureurs qui se croient injustement écartés du podium, les conditions étaient réunies pour que naisse la controverse.
Contestation virale
De retour au Québec, après 18 heures de route, un ami l’avise qu’on parle de lui sur les réseaux sociaux. « J’ai reçu des dizaines de messages où je me fais traiter de tous les noms, de dégueulasse à celui de tricheur, déplore-t-il. On m’accuse de trahir l’esprit du trail et certains messages sont carrément des menaces. Personne ne connaît les faits, mais tout le monde pense que j’ai triché.»
L’organisation a contacté Xavier pour l’informer qu’il risquait d’être disqualifié parce qu’il n’a pas fait la même course que tout le monde. Mais ce n’est peut-être pas le plus important pour le jeune coureur, qui se sent victime d’une injustice. « Avec la controverse, mon nom est complètement sali, tout cela après m’être conformé aux directives du directeur de course à la suite d’un problème de balisage. »
Le temps qu’il a mis pour parcourir deux fois d’un coup la fameuse boucle est au cœur du litige. Il serait beaucoup trop rapide selon plusieurs contestataires. Xavier, lui, estime avoir effectivement couru cette portion de l’ultra à vive allure. « J’ai fait une belle course, dans les temps que je m’étais fixé. Mais tout s’est effondré à cause de quelques personnes sceptiques et je me suis senti complètement démoli. J’ai perdu ma réputation, ma course et ma fin de semaine », se désole le jeune menuisier de Terrebonne.
Rétablir les faits, mais…
Avec l’appui de son ami, le coureur Benoit Beaupré, qui a assisté à toute la scène, y compris la rencontre entre Xavier et Josh, Xavier Perreault a pris la peine d’écrire aux organisateurs de la Cruel Jewel 100. « Je n’ai jamais triché et je ne le ferai jamais. Je n’ai rien à y gagner, c’est comme se mentir à soi-même. Vous avez le droit de me disqualifier, mais vous brisez mon rêve », leur a-t-il exprimé.
Après enquête, l’organisation, Dumass Events, a publié un communiqué sur son site web qui valide les affirmations de Xavier Perreault. Mais si elle reconnaît ses torts concernant le balisage, et qu’elle confirme que Xavier ne sera pas disqualifié, elle souligne aussi que l’athlète québécois n’a pas fait le parcours dans l’ordre officiel et qu’elle lui retire donc sa place sur le podium.
Xavier a passé la ligne d’arrivée après 26 h 45 min 42 sec. Son temps officiel a été porté à 26 h 56 min 18 sec. « Ils m’ont ajouté une dizaine de minutes et quelques secondes juste pour être derrière le quatrième », qui se plaignait pour une seconde, a précisé Xavier.
Depuis, les messages d’injures ont cessé et certains coureurs lui ont même écrit pour lui présenter des excuses.
Encore amer, mais décidé à prouver que sa performance au Cruel Jewel n’est pas due au hasard ni à une manigance de sa part, il sera au départ du Lake Tahoe Rim Trail 100 au Nevada, le 21 juillet. Il espère réaliser une belle performance, mais par-dessus tout, retrouver foi en la communauté du trail.
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