Désormais, elle ne pourra plus se cacher. À 32 ans, l’Alsacienne Claire Bannwarth a remporté fin février 2021 la Trans 360° (240 km, 12 500 m D+) aux îles Canaries, avec 10 heures d’avance sur sa première poursuivante et 22 heures sur la troisième du podium féminin. L’anonymat lui plaisait bien, mais elle a changé de statut. Elle l’assume et le vit bien. Elle a d’ailleurs confié à Distances+ qu’elle voulait remporter le Tor des Géants (330 km, 24 000 m D+) en septembre prochain.
Claire Bannwarth était arrivée aux Canaries avec des ambitions, mais ne faisait pas particulièrement office de favorite. « Ça fait seulement quatre ans que je fais du trail et j’ai commencé à faire des trucs intéressants il y a deux ou trois ans », précise-t-elle. « J’aime bien arriver sur une course en étant totalement inconnue. Les gens me regardent, ne savent pas qui je suis et puis je grille tout le monde. Ça fait plaisir », raconte-t-elle, décontractée.
Elle a passé la ligne d’arrivée de l’ultra XXL de la Transgrancanaria après 63 h 42 min, première femme sur les trois finisseuses et 11e au classement général sur les 52 ultramarathoniens qui sont allés jusqu’au bout (70 participants au total). « J’avoue que je n’ai jamais été trop inquiétée, ce qui était plutôt bien étant donné que je n’ai pas arrêté de me paumer », plaisante Claire Bannwarth avant de raconter la joie et la fierté qu’elle a ressenties en franchissant ce fil d’arrivée à Maspalomas en première position.
Les conditions étaient un peu particulières en raison des restrictions liées à la pandémie et au fait qu’elle est arrivée en pleine nuit, vers 1 h du matin. « On ne peut pas vraiment dire que l’ambiance était là, mais ce n’est pas grave, les deux bénévoles ont suffi à me remonter le moral », se souvient en riant la vainqueure de l’épreuve.
Cette performance lui confère maintenant un nouveau statut sur les courses de très longues distances. Elle sera attendue sur le Tor des Géants et de nouveau sur la Trans 360° dans la foulée, du 17 au 21 novembre 2021, puisque les organisateurs de la Transgrancanaria ont annoncé que l’épreuve deviendrait un événement à part entière, avec une date exclusive. Il y aura donc exceptionnellement deux Trans 360° cette année (si le contexte sanitaire le permet).
Elle a attrapé le virus du trail à l’UT4M
Claire Bannwarth a vécu plusieurs années à Paris, où elle pratiquait déjà la course à pied à raison de 30 km par jour pour aller et revenir du travail. « Sur mes semaines, je faisais beaucoup de kilomètres, mais j’avais zéro dénivelé. Et puis je n’avais jamais couru de nuit, jamais fait de course de plus de 10 heures » détaille-t-elle. Autant d’éléments qu’il a fallu apprendre à gérer au moment de sa transition vers la course en sentier.
Cette transition de la route au trail s’est faite un peu par hasard, en 2017. « J’ai une copine qui habite à Grenoble, où se déroule l’UT4M (l’Ultra-Trail des 4 massifs, NDLR). Elle m’a dit : « tu es une ouf, toi qui cours beaucoup viens t’inscrire, ça va être cool », se souvient l’athlète de Huningue dans le Haut-Rhin. Ni une, ni deux, elle accepte de participer à l’épreuve par étapes, l’UT4M 160 Challenge (quatre étapes en quatre jours, NDLR) « sans avoir trop regardé à quoi ressemblait cette course ». Claire savait juste qu’il fallait courir 40 kilomètres chaque jour dans un massif différent.
« Le premier jour, je suis arrivée en touriste avec des chaussures de running. Dans le matériel obligatoire, il était marqué qu’il fallait un pantalon et je pensais qu’il fallait que je le mette sur moi, mais il a fait 30 degrés et j’étais en pantalon long et en chaussure de running » raconte l’ultra-traileuse.
Malgré des difficultés liées à la chaleur et dans les descentes, en raison de ses chaussures qui n’étaient pas adaptées au terrain, elle a pris beaucoup de plaisir. Le « virus » du trail venait de piquer la jeune femme.
Une montée en distance très rapide
Dès le départ du lendemain, elle s’est équipée d’une nouvelle paire de chaussures et a rangé son pantalon dans son sac. Elle a terminé cinquième femme de l’épreuve, ce qui témoignait déjà de bonnes aptitudes en la matière.
L’année suivante, en 2018, pour sa deuxième course, Claire est passée à deux doigts de réaliser le « casse du siècle ». Elle s’est alignée sur l’Écotrail de Paris (80 km, 1410 m D+) et a longtemps mené la course chez les femmes. À une dizaine de kilomètres de l’arrivée, un peu avant d’emprunter les quais de Seine pour la dernière ligne droite de 7 km, elle a vu revenir sur elle la championne Sylvaine Cussot. Quelques hectomètres plus tard, les deux femmes ont malheureusement fait une erreur de parcours. Après avoir retrouvé son chemin, Claire est montée sur la troisième place du podium. « J’étais partie super vite, se remémore-t-elle. Je pensais que j’allais exploser, mais en fait ça a tenu. C’est sûr qu’il y avait un peu de déception, mais un podium c’était déjà bien parce que je ne m’y attendais vraiment vraiment pas », assure-t-elle.
Les courses se sont ensuite enchaînées et la distance a augmenté en vue de la Diagonale des fous dès octobre 2018 (168 km, 9 800 m D+) : la Transvulcania (73 km, 4260 m D+), l’Ultra boucle de la Sarra (103 km, 5160 m D+) à Lyon, et le 160 Xtrem de l’UT4M (163 km, 10 710 m D+) lui ont permis de cumuler les kilomètres tout en travaillant le dénivelé, ce qui est plus délicat à Paris. Elle a terminé la course reine de l’île de La Réunion à la 47e place chez les femmes, mais cette épreuve particulièrement technique marque un tournant vers des distances plus importantes.
Claire continue en 2019 son apprentissage sur des ultras mythiques (Transgrancanaria, MIUT, Lavaredo, UTMB, Infernal Trail des Vosges, Endurance Trail des Templiers, Saintélyon…) et découvre les épreuves « Backyard », dont le but est de parcourir une boucle de 6,7 km en moins d’une heure jusqu’à épuisement. C’est un format qu’elle affectionne particulièrement.
Neuf ultras en 2020 malgré la pandémie
« Sur ma première Backyard, j’avais dépassé les 34 tours, donc les 200 km, et c’est ça qui m’a montré que je pouvais faire des courses de plus de 200 km et de plus de 30 heures », illustre-t-elle. Elle a donc continué de participer à ce type de course pour préparer son principal objectif de 2020 : l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (170 km, 10 000 m D+). « C’est toujours un très bon entraînement. Ça permet de régler l’alimentation, le sommeil et de se tester », explique Claire Bannwarth.
Malheureusement, comme bon nombre d’autres épreuves, le mythique événement des Alpes a été annulé, en raison de la pandémie. Elle s’est rabattue sur la Swiss Peaks, une des seules épreuves maintenues en cette période compliquée. Elle s’est alignée sur le 316 km (24 500 m D+). « J’allais faire la Swiss Peaks donc autant faire la grande distance, se justifie Claire. Ça m’a donné envie et ça m’a convaincu que j’étais faite pour les très longues distances. » Un choix payant puisqu’elle a terminé deuxième femme — à seulement une heure de la Suissesse Anita Lehmann — et 11e au général.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’année 2020 a été sportivement excellente pour celle qui a tout de même réussi à participer à neuf courses. Elle est montée cinq fois sur le podium (Ultra-Trail Tai Mo Shan, Infinity Trail Blackyard en Normandie, Ultra 01, Swiss Peaks et 100 Miles Sud de France).
Pas le physique d’une ultra-traileuse?
Claire Bannwarth n’avait pas forcément le gabarit optimal pour performer à ce point, mais elle prouve qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Elle dit elle-même avoir facilement cinq kilos de plus que l’archétype des coureuses d’ultra-trail, tout en assumant se préférer ainsi. « Ce n’est pas quelque chose qui me perturbe, dit-elle. J’ai déjà été très maigre avec un physique davantage taillé pour l’ultra-trail, mais au niveau de ma santé, ce n’était pas le bon poids », dit-elle. D’autant qu’elle est persuadée que « lorsqu’on fait du très long, on a aussi besoin d’avoir des réserves ». Avec la pandémie, elle concède s’être d’ailleurs un peu relâchée sur ce point, ce qui ne l’a pas empêché de performer sur la Trans 360°. Mais pour ces prochains objectifs, elle promet qu’elle sera un peu plus affûtée.
Plan de match 2021 de folie
Le programme de Claire Bannwarth est chargé pour cette année 2021. Si toutes les courses sont maintenues, elle prévoit notamment de s’aligner sur une Backyard à Zurich, en Suisse, au mois de mai, sur le Swiss Canyon Trail (115 km, 5400 m D+) en juin, sur le PT281+ Ultramarathon (280 km, 6300 m D+) au Portugal fin juillet avant d’enchaîner avec l’UTMB, le Tor des Géants et la Trans 360°.
Au milieu de ces courses, elle prévoit, le mois prochain, en avril, de réaliser un FKT (Fastest Known Time) dans le Jura (320 km et 13 000 m D+), près de chez elle. Ce défi doit lui permettre de maintenir une forme de compétition et de se préparer pour les autres, car elle anticipe qu’en France, il n’y aura pratiquement aucune course organisée d’ici le mois de mai.
Et puis elle se lancera en juin dans une tentative de record de France du six jours.
« Si ça se trouve, je vais me crasher parce que c’est une épreuve totalement différente de ce que je sais faire », s’amuse-t-elle en évoquant ce projet avec légèreté.
Pour préparer toutes ces compétitions, Claire a des journées bien remplies. En temps normal, elle se lève tôt le matin, vers 5 h 30 pour aller s’entraîner, puis se rend au travail, toujours en courant. Une fois sa journée terminée, elle rentre, encore en courant, et fait une séance de deux ou trois heures de gym et de renforcement. Actuellement, elle s’organise un peu différemment avec le télétravail.
Mais l’objectif ultime de Claire Bannwarth n’est pas l’un de ces ultras XXL, non, c’est de participer à la Big Dog’s Backyard Ultra au Tennessee, organisée par le fondateur de la Barkley, Lazarus Lake. Elle s’est donné cinq ans pour se préparer afin de pouvoir faire entre 50 et 55 tours. Son record en ce début d’année 2021 est de 41 tours.
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