Après Sierre-Zinal et avant la CCC, Anthony Boucard est rentré en courant chez lui en Haute-Savoie

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Anthony Boucard avec tout son matériel - Photo : Noa Barrau

À quelques jours de sa participation à la CCC (100 km, 6100 m D+), son premier ultra de 100 km avec du dénivelé (il a déjà couru le Grand raid de Camargue, un 99 km pour « seulement » 770 m D+), et au lendemain de Sierre-Zinal (31 km, 2100 m D+), Anthony Boucard a couru 193 km (11 558 m D+) pour rentrer chez lui depuis Zinal jusqu’à Thônes, en Haute-Savoie. Une fin de préparation un peu particulière à l’un de ses objectifs de la saison. Il l’a raconté à Distances+.

Anthony Boucard, originaire de Camargue et titulaire d’un master en comptabilité, brille depuis quelques années sur des courses de trail moyenne distance et ne cesse de progresser dans la discipline. Il est également en train d’intégrer la course en nature dans sa vie professionnelle puisqu’il est en formation pour devenir accompagnateur en moyenne montagne. Une fois diplômé, il pourra encadrer des randonnées et des trails.

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À 27 ans, Anthony est un athlète montant sur la scène française. Il avait notamment pris part aux Golden Trail Championships en 2020, où il a pu se confronter au très haut niveau. Depuis, il est entraîné par le champion norvégien vainqueur du circuit Golden Trail World Series 2018 et 2022, Stian Angermund. Cette collaboration lui a permis de décrocher de beaux résultats sur des trails en France en 2022 comme en témoigne sa deuxième place au Trail de Guerlédan (65 km, 2500 m D+), manche du Golden Trail National Series en France, sa victoire au Trail de l’Aigle (26 km, 1300 m D+), mais aussi en Suisse avec une troisième place significative au Trail Verbier Saint-Bernard (45 km, 4000 m D+), au sein d’un plateau de coureurs relevé. C’est le Chinois Jiasheng Shen, l’un des favoris de la CCC, qui a gagné l’épreuve.

Courir toutes les rues de Paris

Anthony avait déjà fait parler de lui en 2019 avec son défi de courir toutes les rues de Paris (intra-muros) en 20 jours. Son but était de « tourner cette page de quatre ans à Paris de manière cohérente avec [lui]-même », explique-t-il.

Ce projet insolite n’avait pas d’enjeu de performance, mais représentait tout de même un beau casse-tête pour couvrir un arrondissement par jour sans oublier certains petits passages et escaliers peu fréquentés. Au final, il a parcouru une belle moyenne de 70 kilomètres par jour pendant 20 jours.


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Ce projet lui a aussi permis de se familiariser avec les outils de cartographie et montres GPS afin de couvrir l’ensemble de la capitale, en repassant le moins de fois possible au même endroit.

Préparer la CCC

L’objectif principal de cette saison pour Anthony est la CCC dans le cadre de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. Pour finaliser sa préparation, il a fait le choix, comme d’autres coureurs de haut niveau tels que Mathieu Blanchard ou Anaïs Sabrié, de prendre part à la célèbre course des cinq 4000, Sierre-Zinal.

Mais tandis que beaucoup de coureurs se sont servis de Sierre-Zinal comme dernière sortie longue et rythmée, Anthony a décidé de poursuivre ses efforts pour rentrer chez lui à pied et en autonomie.

« Je cours presque tous les jours puis je rentre chez moi après ma sortie, raconte le Haut-Savoyard. Je reste en quelque sorte dans ma zone de confort malgré la difficulté de l’entraînement. C’est ma principale motivation pour le projet, dormir dehors, anticiper le manque d’eau et me ravitailler dans les petits villages que je traverse. »

Enchaîner Sierre-Zinal avec ce défi à si peu de jours de la CCC pourrait engendrer un surplus de fatigue. « C’est sûr qu’il y a un risque de ne pas arriver totalement frais, mais l’envie et la cohérence du projet étaient plus fortes », assure l’aventurier. Pour contrebalancer cet effort important, Anthony compte bien se reposer les quatre jours suivant son projet pour donner un peu de répit à son corps avant les 100 km de vendredi prochain.

Finale des Golden Trail World Series en vue

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Anthony Boucard au lendemain de Sierre-Zinal, avec Frédéric Tranchand à gauche et Elhousine Elazzaoui à droite – Photo : Noa Barrau

« C’est aussi une super préparation pour les courses par étapes de 4 ou 5 jours comme la finale des Golden Trails World Series », souligne celui qui espère rempiler sur cette épreuve haut de gamme de fin de saison. Elle se déroulera sur cinq jours à la manière des Golden Trails World Championships de 2020 aux Açores.

Il compte décrocher son ticket en remportant la série française des Golden Trail Series dont il est actuellement deuxième derrière Enzo Ratti. D’autres coureurs sont placés devant lui au classement comme Jonathan Albon en raison de leur participation au Marathon du Mont-Blanc, qui fait également partie du calendrier des Golden Trail World Series, mais ils ne concourent pas dans la série nationale.

Cette sorte de « off » a pour objectif de fignoler les derniers détails, notamment concernant le matériel. « Le sac que je porte durant le projet est assez lourd, ce qui permet d’appréhender la course avec tout le matériel obligatoire pour la CCC », explique le vainqueur de l’Aravis Trail en juin dernier.


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Anthony a décidé de tout porter sur lui durant sa traversée avec le matériel le plus léger possible. Une tante légère, un matelas gonflable, un duvet, de la nourriture, des flasques (dont une filtrante), une brosse à dents, une frontale et des bâtons carbone font partie de la panoplie qu’il a sur le dos dans son sac de trail. 

Si le poids et le contenu ne sont pas vraiment les mêmes, Anthony Boucard est habitué à courir avec un sac. Le traileur a pris part à plusieurs manches de Golden Trail World Series, non pas en tant que participants, mais en tant que cadreur sur le terrain. Une tâche qui nécessite de réussir à courir une caméra à la main avec un sac sur le dos pour emporter le matériel permettant la diffusion des images en direct. Outre l’équipement, ce travail est accessible à une poignée de traileurs aguerris car il faut être capable de suivre des coureurs comme Thibaut Baronian, Stian Angermund ou encore Kilian Jornet sur plusieurs kilomètres.

Mais qui dit sac lourd, dit vitesse de progression réduite sur les sentiers. Cette contrainte ne pose aucun problème à Anthony qui assume très bien ce mode de déplacement plus lent que durant ses entraînements habituels. « Je n’ai aucun but de performance pour ce projet, dit-il. Je veux juste montrer que l’on peut faire de belles choses sans chercher à toujours aller plus vite, en profitant des paysages que je traverse. Je me suis inspiré des coureurs qui vont sur des courses à vélo, courent, et repartent à vélo. J’ai voulu faire pareil sauf que c’est un long trajet donc le retour me suffit. »

Il a fait seul une grande partie du chemin, mais il a tout de même pu être accompagné par moment. Son ami Thomas Gourragne a par exemple relié Champex à Vallorcine à ses côtés.

Il a surtout été un soutien moral pour Anthony, car ce dernier a toujours porté son matériel le long de la traversée et mené l’allure lui-même pour se fier à ses sensations. Interrogé sur l’état de forme d’Anthony, Thomas a manifesté son étonnement. « C’est Anthony qui restait devant la plupart du temps, j’étais impressionné par son allure! Il relançait tout le temps sur les replats. C’était presque aussi dur pour moi. »

Anthony a également reçu la visite du photographe de son projet Noa Barrau, lors de la dernière nuit, où ils ont été frappés par un gros orage inattendu. Et c’est finalement avec sa compagne Virginie Rastel que le traileur a terminé les derniers kilomètres, pour rejoindre son domicile.

S’adapter à la météo

Si Sierre-Zinal s’est déroulé sous le soleil et la chaleur, il n’en a pas été de même pour les derniers jours de l’aventure d’Anthony. De violents orages étaient annoncés pour la quatrième journée et pouvaient rendre dangereux le bivouac de la nuit suivante. Mais c’est un aspect avec lequel un apprenti accompagnateur doit composer pour connaître les montagnes et ses risques.

Anthony a donc pris le départ de son projet le dimanche 14 août au matin de Zinal pour rallier le lac des Dix (barrage de la Grande Dixence, Valais), l’étape la plus ambitieuse sur le papier avec beaucoup de cailloux, 43 kilomètres et 4000 mètres de dénivelé positif.

Le jour suivant offrait peu de répit, mais la météo est restée clémente et chaude après les orages nocturnes qui ont eu raison du sommeil du traileur. 45 kilomètres et 3000 mètres de dénivelé positif plus tard, Anthony avait rallié Champex.

C’est au matin du troisième jour qu’Anthony a été confronté à un dilemme en raison des violents orages annoncés le lendemain. Fallait-il continuer ou arrêter ? La décision a alors été prise de ne pas s’arrêter à Vallorcine, contrairement à ce qui était prévu, pour rejoindre les hauteurs de Passy aux alentours du lac d’Anterne. 


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« Je ne voulais pas me retrouver sur les crêtes des Aravis à 14 h sous l’orage, se souvient l’intéressé. C’est réellement dangereux et tout peut arriver avec les cailloux glissants, les chutes de pierres et la foudre. » C’est pourquoi il a un peu improvisé et a décidé de partir tôt le matin. 

Au lieu de prendre un itinéraire plus engagé prévu pour le lendemain par le passage de la Grande Forclaz, le traileur a préféré passer par le col d’Aravis, où il pouvait potentiellement s’abriter en cas d’orage. La chance a finalement souri à l’audacieux, puisqu’il a terminé son projet le jour même, évitant l’orage, qui s’est finalement manifesté plus tardivement que prévu, sur le col.

Anthony retient surtout de ce périple la résilience nécessaire face aux éléments et l’aventure qu’il a vécu au cœur de la montagne. « J’étais prêt à arrêter à Sallanches s’il le fallait, assure-t-il à Distances+. Ce n’était pas grave si je ne terminais pas la traversée, la sécurité avant tout. »