Alexis Sévennec : « aujourd’hui, j’avoue que le sport est au second plan »

Alexis Sévennec lors de Sierre-Zinal 2019
L'athlète de l'équipe Scott lors de Sierre-Zinal en 2019 - Photo : Golden Trail Series
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est D_LeConfinementRaconteParLesTraileursElites-_728x90_v1.jpg.


Écrit avec la collaboration de Yohan Malliard

Le confinement obligatoire instauré en France pour endiguer le coronavirus ainsi que l’annulation ou le report de toutes les compétitions, a mis la saison de tous les athlètes européens sur pause. Comment ont-ils vécu cette période complètement inédite? Distances+ a posé la question à plusieurs des meilleurs traileurs français. Ces entrevues ont été réalisées en avril.

C’est au tour d’Alexis Sévennec, récent vainqueur de la Mascareignes (66 km, 3550 m D+) au Grand Raid de La Réunion, de nous raconter son confinement.

Alexis Sévennec au Marathon du Mont-Blanc
Alexis Sévennec lors du Marathon du Mont-Blanc 2019 – Photo : Golden Trail Series

Le Haut-Savoyard de l’équipe Scott est l’une des grosses cotes ITRA (896) parmi les athlètes élites français. Il est 5e au général derrière François D’Haene, Sébastien Spehler, Xavier Thévenard et Nicolas Martin, mais 2e au classement des trails de la catégorie M, les ultras qui se gagnent entre 5 et 8 heures de course.

S’il ne compte « que » quatre victoires sur 29 courses recensées par l’ITRA, il collectionne en revanche de belles places d’honneur, sans doute parce qu’il s’aligne sur des trails où le plateau est extrêmement relevé et la concurrence rude, comme les courses du circuit Golden Trail Series (Marathon du Mont-Blanc, Zegama, Sierre-Zinal, Ring of Steall, Dolomites Skyrace…)

Alexis s’est notamment illustré sur le Trofeo Kima 2018 (50 km 3605 m D+) en Italie où il a terminé 2e place à moins de trois minutes de Kilian Jornet, 4e du Ring of Steall Skyrace, une nouvelle fois derrière l’Espagnol mais aussi le Norvégien Stian Angermund, ou encore 7e sur Zégama- Aizkorri (40 km, 2900 m D+) 2017.

L’athlète de 33 ans, ancien champion du monde militaire de ski alpinisme, fait partie de l’équipe de France de la discipline, avec laquelle il brille depuis plusieurs années, notamment en relais où il a remporté trois médailles d’argent lors des championnats du monde (2013, 2015 et 2019).

facebook distances+

Distances+ : Comment vis-tu la période de confinement actuelle?

Alexis Sévennec : Je m’attendais un peu au confinement. Cet hiver, je devais courir des courses par équipe en ski alpinisme avec un Italien. Quand j’ai vu ce qu’il se passait en Italie, je me suis dit qu’on ne pourrait pas passer à travers. Dans un deuxième temps, quand les stations de ski ont commencé à fermer, je me suis dit que financièrement parlant ça allait être compliqué (NDLR : il est moniteur de ski).

J’ai trouvé ça dommage de finir la saison de cette façon, mais, sur le coup, je me suis dit que le point positif, c’était que j’avais un domaine skiable privé, un peu comme en début de saison hivernale. Et là, cela a été un ascenseur émotionnel. Les arrêtés préfectoraux sont tombés au fur et à mesure, donc on s’est retrouvés à avoir des activités très limitées, avec l’obligation de ne pas dépasser 100 m de dénivelé, 1 km et une heure par jour autour de la maison.

Je ne suis pas un grand adepte des séances de home trainer ni de renforcement musculaire, alors je tourne à seulement 3-4 heures de sport d’« entretien » par semaine. Mais je bricole beaucoup à côté. Je prends le temps de faire tout ce que je mets d’habitude de côté, donc ça a du bon, mais ça commence à être long! 

Parle-nous de l’impact que le confinement a eu sur ta motivation.

La saison hivernale a été un peu bizarre pour moi. Au début, j’ai loupé des compétitions, car on attendait un heureux événement, donc ce n’était pas trop gênant et j’avais beaucoup d’objectifs pour la deuxième partie de saison. Mais, derrière, ç’a été moins drôle de louper des compétitions, car elles étaient annulées à cause du coronavirus.

Alors, pour le moment, on va dire que je fais une coupure plus conséquente que d’habitude, mais quand je vois le mois et demi que l’on a passé, je me dis que j’aurais pu faire de jolies sorties.

Aujourd’hui, j’avoue que le sport est au second plan. J’ai des projets professionnels qui sont en statu quo et je ne sais pas de quoi demain sera fait. Et quand on travaille avec le tourisme, on peut se dire que ça va être compliqué. Il faut espérer que les Français jouent le jeu.

D’un point de vue sportif, c’est compliqué de rester « branché » sans avoir d’objectifs. Je parle surtout d’un point de vue performance. Surtout quand je vois que les dates des reprises s’annoncent de plus en plus tard et que pour le moment personne ne sait rien et tout le monde espère.

Le sport fait partie intégrante de ma vie, mais on verra bien la motivation quand on reprendra plus ou moins un cours normal des choses. Et quand tu cours beaucoup à l’étranger, c’est plus difficile de se projeter, car les frontières sont fermées et on ne se sait pas comment ça va se passer.

Alexis Sévennec à la Dolomyths Run 2019
Le Haut-Savoyard a pris la 14e place de la Dolomyths Run 2019 – Photo : Golden Trail Series

As-tu fait une croix sur ta saison? Sur quoi te concentres-tu désormais?

Je m’étais lancé dans le circuit de skyrunning, car les dates correspondaient bien à mon calendrier professionnel. Mais les courses sont déjà presque toutes annulées, donc ça a forcément un impact sur la saison et la préparation.

Dans d’autres pays, les coureurs peuvent s’entraîner normalement. Il faudra aux Français un laps de temps supplémentaire avant de redevenir compétitif. Ma saison sera grandement impactée.

Suivant les frontières et les différentes courses qui auront lieu, on pourra peut-être avoir des surprises concernant la densité d’élites au départ de certaines courses locales.

Quel enseignement tires-tu de ce que nous sommes en train de vivre?

Il faut apprendre de ce que l’on est en train de vivre. Pour certains, c’est bien sûr plus compliqué que d’autres, suivant où ils habitent, leur environnement, mais d’un point de vue général, c’est aussi se rendre compte que la mondialisation, ça n’a pas que du bon. Quand on voit que les médicaments et les masques sont fabriqués à l’étranger, alors que nous sommes tout à fait capables d’en faire en France. Mais le business est trop important.

À plus petite échelle, consommons local. Quand tu vois que les marchés sont fermés donc les petits producteurs en subissent directement les conséquences alors que les grandes enseignes restent ouvertes et te proposent des produits venus de l’autre bout de l’Europe, il y a quand même quelque chose qui ne va pas.

Le seul point positif direct de ce Covid-19, c’est la planète qui en bénéficie. À nous de réfléchir pour l’après-coronavirus.

Quel message souhaites-tu faire passer à la communauté de traileurs et aux sportifs en règle générale en cette période difficile?

Ne vous affolez pas si vous n’avez pas pu faire vos séances! Adaptez-vous à la situation, prenez le temps de faire des choses que vous ne faites pas d’habitude. Travaillez vos points faibles si possible.

À lire aussi :