Devant les participants, le mont Tremblant a l’air d’un géant. « On va vraiment monter jusqu’en haut… à la course? », se demandent certains, soudainement moins sûrs d’eux. Lyne Bessette, elle, affiche une confiance inébranlable.
L’ex-cycliste professionnelle est à l’avant du peloton et n’attend que le départ. En ce samedi gris de janvier, une cinquantaine de personnes participent comme elle à la toute première course de la première édition de la compétition SkimoEast.
Avec trois complices, Tim Johnson, Jeff Rivest et Richard Ferron, Lyne Bessette dirige l’organisation de l’événement. « Le skimo, c’est le sport d’hiver qui me colle le plus à la peau », dit-elle. « Quand je l’ai essayé, je suis tombé en amour tout de suite. Comme au ski de fond, tu travailles tout ton corps. Mais il n’y a pas de fartage à faire! »
Au jeu de la comparaison avec le ski de fond, il faudrait aussi ajouter le ski alpin, le trek et la course! « Skimo », une abréviation de « ski de montagne », est un sport en soi, qui nécessite son équipement particulier et sa technique.
« On monte la montagne en mode cardio, avec son cœur, et on profite de la descente en ski alpin », explique Lyne Bessette. Pour la montée, les skis sont munis d’une peau de phoque qui se clip à la spatule et qui assure une bonne adhérence à la neige. Pas besoin de monter en faisant des « V », les skis restent droits!
Pour certaines sections, il faut enlever ses skis, les accrocher sur son sac à dos et monter à pied. Au sommet, le coureur doit enlever les peaux et réajuster sa botte dans la talonnière pour dévaler la pente à toute vitesse et en toute sécurité. Sueur garantie.
Un sport qui arrive chez nous
Le skimo n’en est qu’à ses balbutiements au Québec. « On vient de commencer. C’est la première année qu’on a un circuit officiel », confirme Jeff Rivest, cofondateur de la série SkimoEast.
La discipline existe depuis les années 30 et 40 en Europe, explique-t-il. Les armées françaises, suisses et italiennes inspectaient leurs frontières alpines en ski, ce qui a éventuellement mené au développement de la discipline. Elle compte aujourd’hui des compétitions majeures, telles que la Patrouille des glaciers et la Mezzalama.
Pour l’instant, seule une poignée d’athlètes amateurs pratiquent ce sport dans la province. Les organisateurs de SkimoEast ont toutefois travaillé fort pour que de plus en plus de gens découvrent et partagent leur passion.
« L’étape numéro 1, c’était de rendre l’accessibilité à la montée en peau de phoque dans les centres de ski alpin », dit Jeff Rivest. Grâce à ses efforts, et à ceux de ses acolytes, plusieurs montagnes ouvrent leurs pentes aux amateurs de skimo pour la première fois en 2016. C’est le cas au Massif, au mont Tremblant, à Sutton et Owl’s Head, entre autres.
Organiser une série d’événements et offrir des démonstrations gratuites constituaient l’étape numéro 2, ajoute M. Rivest. Puis, « en s’associant avec des événements comme l’Ultra-Trail Harricana et Québec Méga Trail, qui comptent sur de grosses communautés, on espère attirer un bassin de coureurs, de gens de ski de fond et des coureurs nordiques ».
Le skimo semble d’ailleurs taillé sur mesure pour les amateurs de course en sentier, qui sont habitués aux dénivelés importants et à la course en pleine nature. Pas étonnant que des athlètes comme Killian Jornet et Emily Forsberg le pratiquent l’hiver.
Au mont Tremblant, les « single tracks » dans la neige folle, en plein bois, procuraient des sensations à couper le souffle. Le dénivelé de 500m D+ en a aussi épuisé plus d’un.
Pendant ce temps, dans l’Ouest canadien…
Au Canada, on peut compter sur les doigts de deux mains le nombre d’athlètes qui s’adonnent à ce sport de façon compétitive. La Fédération canadienne de compétitions de ski-alpinisme (SMCC) concentre ses activités exclusivement dans l’Ouest et compte sur le bénévolat de ses membres pour survivre.
« Nous aimerions que la population en général comprenne ce qu’est ce sport », indique David Dornian, président du SMCC. « Nous voulons développer des compétitions partout au pays », ajoute-t-il.
Mais cette volonté se traduira par des partenariats et des encouragements, faute d’argent. La fédération souhaite en premier lieu développer l’équipe nationale afin qu’elle puisse performer au championnat mondial.
Que réserve l’avenir?
Il faudra quelques années avant de voir des hordes de sportifs installer leurs peaux de phoque sur leurs skis et grimper les pistes à toute vitesse.
« Présentement, on est en mode découverte. On veut que les gens de tout niveau viennent essayer le skimo parce que c’est vraiment le fun », confie Lyne Bessette quelques minutes avant le départ de la course.
Surtout que l’équipement spécifique n’est pas à la portée de toutes les bourses. « Par contre, une fois que tu l’as, ça ne te coûte presque plus rien », indique Jeff Rivest.
En attendant, la meilleure façon de découvrir le skimo reste encore de participer à l’un des événements de SkimoEast cet hiver. Les courses du Massif, de Stoneham, d’Orford et du mont Sainte-Anne peuvent aussi être courues à pied ou en raquette.