Lutte pour la victoire entre Thibaut Baronian et Marc Lauenstein lors de l’OCC 2017, sous la pluie – Photo: UTMB
AOÛT 2017 – En août 2010, la directrice de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, Catherine Poletti, a pris une décision difficile qui fait partie de ses pires souvenirs. Elle a annulé la course UTMB en raison des conditions météo et des risques pesant sur la sécurité des coureurs. Cette année, toute la semaine, la dégradation du temps a préoccupé les participants de l’ultra le plus emblématique au monde.
« Si le parcours est modifié à cause de la météo, je serai obligé de revenir courir l’UTMB », nous a par exemple confié le Québécois Éric Deshaies, ancien triathlète et champion du monde de double Ironman. Pour lui, comme pour la plupart des coureurs qui prennent le départ de l’UTMB ce soir à 18 h à Chamonix, l’évolution du ciel en milieu de semaine a été une source de stress tenace. Pas parce qu’ils craignent de courir sous la pluie, dans le vent ou dans le froid, mais parce qu’ils ne veulent pas que les organisateurs, très à cheval sur les conditions de sécurité de leur événement, décident de modifier le tracé officiel du « Sommet mondial du trail ».
Dès jeudi soir, les prévisions laissaient toutefois comprendre qu’il n’y avait pas lieu de s’alarmer et qu’il allait simplement falloir accepter, après plusieurs jours de canicule, de courir à des températures proches du point de congélation la nuit et au petit matin. Rien de dramatique pour des ultra-marathoniens en sentier.
Gérer l’incertitude
En marge de la conférence de presse de la 15e édition de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, Catherine Poletti a pris quelques minutes pour répondre aux questions de Distances+ sur la gestion de la météo.
« La météo en elle-même ne prend pas de place en dehors des jours précédents la course, dit-elle. Ce qui prend du temps tout au long de l’année, c’est de s’assurer que l’on a des plans A, B ou C, ou des alternatives en cas de pépin pour que la course ait quand même lieu », dit-elle.
Les organisateurs s’efforcent, grâce aux gens qui connaissent la montagne par coeur, de concevoir des itinéraires alternatifs qui respectent la distance (171 km), le dénivelé (10 000 m) et le temps de course (moins de 21 heures pour les meilleurs).
« C’est un travail qui n’est pas uniquement géographique, précise la directrice de l’UTMB. C’est aussi un travail de gestion humaine. Lorsqu’on modifie au dernier moment un parcours, nous devons nous assurer que le transfert de la logistique est faisable, que les structures dont nous avons besoin durant la course soient adaptées et que les bénévoles se réorganisent. On ne se limite pas à faire un dessin sur une carte. »
Ceci étant, l’UTMB a une équipe chargée de sillonner les tracés régulièrement pour surveiller les cours d’eau, les éventuels éboulements ou explosion de laves torrentielles (mélanges d’eau, de sables, de roches, d’arbres, de graviers qui chutent à très grande vitesse à la suite, par exemple, d’un orage violent en montagne).
Pour Catherine, ce qui compte c’est de « toujours respecter les coureurs ». Et quand elle dit ça, elle semble peser ses mots. Elle se souvient des réactions des participants de l’édition 2010, sous le poids de la déception. Sa décision avait été fortement contestée. « On avait attendu le dernier moment possible, on surveillait le moindre changement avec notre prévisionniste, mais non, je ne pouvais pas les laisser partir. »
Cette année là, la course avait finalement eu partiellement lieu le lendemain (88 km).
« J’ai détesté ce moment, confie-t-elle. J’ai craint d’avoir pris une décision conservatrice. Puis, le week-end s’est terminé et j’ai aimé ma décision. J’avais eu raison. Les conditions étaient abominables. Les coureurs étaient en danger. »
Cette année, le scénario ne sera pas aussi dramatique. L’organisation a confirmé le départ. Le parcours a été retardé de 30 minutes pour laisser passer la tempête et deux alternatives jugées mineures ont été annoncées au passage des Pyramides, au niveau du Col des Calcaires – ce petit détour a été jugé dangereux -, et de Tête aux Vents – la montée sera directe vers Flégère avant la descente vers Chamonix. La course a ainsi été réduite de 3 km, passant 168 km et de 200 m de dénivelé, passant à 9800 m. L’organisation estime par contre que le parcours sera du coup un peu plus technique. Toutes les grosses difficultés ont été maintenues, même s’il y aura de la neige au-dessus de 2000 m.
D’un petit sourire avant une belle lueur dans les yeux, Catherine Poletti a reconnu à la fin de notre entretien que les conditions météo de cette année allaient apporter un peu de piquant à la lutte des élites pour la victoire.
L’an passé, c’est plutôt la chaleur qui avait créé des soucis. Il y avait notamment eu un nombre important d’abandon sur les sentiers, même parmi l’élite.