Transgrancanaria : au royaume de Pau Capell et Magda Laczak

Troisième étape de l’Ultra-Trail World Tour

PAU CAPELL
Troisième victoire d'affilée pour Pau Capell à la Transgrancanaria - Photo : Nicolas Fréret

DISTANCES+ À LA TRANSGRANCANARIA – Pau Capell reste le roi de Gran Canaria. À l’image de son départ canon sur la plage de Las Palmas, vendredi soir, l’ultra-traileur espagnol a survolé la vingtième édition de la Transgrancanaria (128 km et 7500 m), et signé un triplé cinglant. Derrière, surclassés, ses prestigieux adversaires n’ont eu d’autres options que de lutter pour une place de dauphin. Parmi eux, s’il n’était pas venu sur cette île des Canaries pour l’emporter, Jean-François Cauchon a démontré qu’il pouvait rivaliser face aux élites européennes sur leurs terres. C’est bon signe pour la suite.

Le coureur de Québec a en effet signé une belle 14e place après 15 h et 42 min d’efforts, pile trois heures après la victoire de Pau Capell. Il a parfaitement maîtrisé sa course, suivant son plan de match et sans se laisser distraire par sa réserve d’eau percée, jusqu’à l’arrivée de crampes qui lui ont poignardé le ventre dans les descentes et l’ont sérieusement ralenti dans les 15 derniers kilomètres.

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Ses compatriotes David Jeker et Frédérick Viens sont également venus à bout de cette traversée technique et en pleine chaleur du nord au sud de Grande Canarie, à travers plusieurs écosystème, tantôt verdoyants, tantôt désertiques. Nous y reviendrons dans un prochain article.

Duel excitant entre Pau Capell et Hayden Hawks

La poignée de main entre Hayden Hawks et Pau Capell juste avant le départ de la Transgrancanaria 2019 - Photo : Nicolas Fréret
La poignée de main entre Hayden Hawks et Pau Capell juste avant le départ de la Transgrancanaria 2019 – Photo : Nicolas Fréret

Les huit premières heures de la Transgrancanaria se déroulent au clair de lune. Les deux grands favoris, Pau Capell, champion de l’Ultra-Trail World Tour 2018, et l’Américain Hayden Hawks, troisième au classement mondial de l’ITRA, ont filé ensemble sur le sable chaud, laissant une impression de vitesse exubérante, snobant les premières zones de ravitaillement à tour de rôle, forçant chaque fois celui qui envisageait de s’arrêter quelques instants à se résigner à poursuivre son chemin sous peine de perdre le contact.

Mais au milieu de la nuit, à Presa Perez, après une cinquantaine de kilomètres avalés, le Catalan a pointé son nez esseulé. Le gars de l’Utah a suivi avec déjà cinq minutes de retard, se plaignant en arrivant au ravito de perdre aussi un peu de sa lucidité. « Il faut que je me réveille », s’insurgeait-il en changeant de souliers. Errant un court moment dans la salle de ravitaillement, il n’avait plus l’âme d’un guerrier. Mais il est reparti, clopin-clopant, visiblement sonné, ou un peu endormi.

Duel finalement décevant

La Polonaise Magda Laczak lors de son passage à Roque Nublo - Photo : Transgrancanaria
La Polonaise Magda Laczak lors de son passage à Roque Nublo – Photo : Transgrancanaria

Hayden n’a plus revu Pau. Plus costaud, le double champion en titre a su garder le rythme, grimpant à bonne allure jusqu’au Roque Nublo, ce bloc rocheux dressé tel un menhir situé à l’un des points culminants de l’île, à plus de 1800 m d’altitude, avant d’aborder une longue descente rocailleuse et technique. Il est passé avec 40 minutes d’avance sur son adversaire.

Au ravitaillement suivant, l’Espagnol s’est autorisé un long arrêt de deux minutes chrono au milieu d’une forêt de grand pins, prenant le temps de se restaurer et de boire beaucoup, avant de plonger assurément, souriant, vers la victoire.

Titubant, l’Américain a ensuite débarqué en déroute, les yeux exorbités, comme abasourdi par son sort. À ce moment-là, il se plaint. Ça ne va pas. Il n’a plus envie d’y retourner. Son assistance tente de le convaincre de ne pas abandonner, alors il écoute, sans y croire, et repart, quasiment à reculons. Dépassé par deux autres espagnols, Pablo Villa et Cristofer Clemente, Hayden Hawks a mis fin à son calvaire au point de contrôle suivant, après avoir tout de même parcouru 101 km et 6500 m de D+.

C’est un problème d’hydratation qui aurait fait exploser Hayden Hawks

La détresse d'Hayden Hawks - Photo : Nicolas Fréret
La détresse d’Hayden Hawks – Photo : Nicolas Fréret

Il a expliqué quelques heures plus tard qu’il avait mal jaugé son niveau de sel dans le corps et qu’il avait ainsi « saboté » sa course, exhortant les coureurs à faire attention aux conséquences d’une mauvaise hydratation ou d’un déséquilibre physiologique durant un ultra. Il en a profité pour affirmer qu’il était en pleine forme avant la course et qu’il n’avait rien envisagé d’autre que la victoire, comme il l’avait confié à Distances+.

« Les gens me disent tout le temps : «Vous, les Américains, vous partez trop vite, c’est pour ça que vous explosez.» Alors, oui, nous courons vite, mais on ne court pas trop rapidement, on reste dans une certaine zone de confort, a écrit Hayden Hawks sur sa page Facebook. Et si je pars le plus vite possible, c’est que je pense pouvoir tenir ce rythme toute la course. Je l’ai pratiqué mille fois. Je me suis entraîné des heures et des heures à cette vitesse. […] C’est une course, et je ne veux pas prendre la troisième ou la deuxième place, je veux gagner! »

Hawks assure d’ailleurs qu’il était très à l’aise lorsqu’il courait avec Pau Capell. Ce serait principalement ce problème de gestion de sa nutrition qui l’a fait craquer. « Je suis en train d’apprendre, mais je pense que j’ai trouvé la racine de mon problème », a-t-il souligné.

Troisième victoire d’affilée pour Pau Capell

Pau Capell, triple vainqueur de la Transgrancanaria - Photo : Nicolas Fréret
Pau Capell, triple vainqueur de la Transgrancanaria – Photo : Nicolas Fréret

Pau Capell a passé la ligne d’arrivée en vainqueur dans le même temps que l’an dernier, 12 h 42, avec 50 minutes d’avance sur Pablo Villa et une heure sur le Grancanarien Cristofer Clemente. Le Français Julien Chorier a terminé 4e en 14 h 17 min.

Le maître de la Transgrancanaria, qui a couru les 128 km à un peu plus de 10 km/h de moyenne, avait un « sentiment d’accomplissement » quelques heures après sa victoire. Il s’est dit vidé, mais déjà prêt à se « concentrer sur (sa) prochaine course », la Patagonia Run, une épreuve de 160 km et 9000 m de dénivelé en Argentine, mi-avril.

Doublé pour Magdalena Laczak

Magda Laczak, double tenante du titre de la Transgrancanaria - Photo : Transgrancanaria
Magda Laczak, double tenante du titre de la Transgrancanaria – Photo : Transgrancanaria

La championne polonaise Magda Laczak, victorieuse de la Transgrancanaria l’an dernier, avait fort à faire pour renouveler son exploit, face notamment à la redoutable Chinoise Miao Yao, partie seule en tête de la course. Mais la jeune femme est apparemment tombée dans une longue partie descendante et a été contrainte à l’abandon après 75 kilomètres.

La lutte a longtemps été serrée entre la championne en titre, l’Américaine Kaytlyn Gerbin et la Brésilienne Fernanda Maciel, mais l’expérience a payé et Magdalena Laczak a remporté la course pour la deuxième fois consécutive, avec 12 minutes d’avance sur Gerbin et 40 minutes sur Maciel.

À noter que la Transgrancanaria, au même titre que l’UTMB, fait désormais partie de la catégorie Bonus Series de l’Ultra-Trail World Tour. Elle apporte donc 1300 points aux vainqueurs, contre 1000 points pour les Series (MIUT, Lavaredo, Marathon des Sables…), 700 points pour les Pro (Istria 100, Eiger, TDS…) et 400 points aux Challenger (Ultra-Trail Harricana du Canada, Patagonia Run, Mozart 100…). Magdalena Laczak et Pau Capell sont donc, après les trois premières étapes de l’UTWT, à savoir le Hong Kong 100, le Tarawera Marathon en Nouvelle-Zélande et la Transgrancanaria aux Canaries, les deux nouveaux leaders au classement général annuel.

L’exploit de Luca Papi

Luca Papi a remporté la Trans 360 avant de prendre le départ de la Transgrancanaria - Photo : Transgrancanaria
Luca Papi a remporté la Trans 360 avant de prendre le départ de la Transgrancanaria – Photo : Transgrancanaria

Cela restera un événement historique, le coureur franco-italien Luca Papi a réalisé l’exploit d’enchaîner deux courses lors de cette édition 2019 de la Transgrancanaria. Il a d’abord fait le tour de l’île de Gran Canaria et passé le premier la ligne d’arrivée de la Trans 360, à temps pour se rendre au départ du 128 km, qui traverse l’île espagnole du nord au sud. Et il est allé au bout, parcourant, en arrondissant, 400 km et plus de 20 km de D+ en moins de 78 h. Il a confié à Distances+ qu’il songeait déjà à enchaîner la Trans 360, le Maraton (42 km, 1000 m D+) et la Transgrancanaria l’année prochaine. Affaire à suivre!