Sur la Transgrancanaria 2017 – Photo: Ian Corless
Cinq coureurs canadiens seront au départ, ce vendredi soir, du prestigieux 125 km de la Transgrancanaria (7500 m de dénivelé positif), la troisième étape de l’Ultra-Trail World Tour qui se déroule dans le décor enchanteur des îles Canaries, en Espagne. Distances+ s’est entretenu avec quatre d’entre eux, les Québécois Jonathan Pellerin et Yannick Dailleau et les Ontariennes Stephanie Case et Claire Heslop.
Les participants s’élanceront à 23 h, heure de Las Palmas (18 h à Montréal) et traverseront l’île de Gran Canaria du nord au sud. Si tout va bien, car les organisateurs ont annoncé jeudi soir que les conditions météorologiques allaient sérieusement se dégrader au cours des prochaines heures.
Jonathan Pellerin
« Les paysages sont à couper le souffle, s’enthousiasme Jonathan Pellerin. Le dénivelé me donne le vertige! » En planifiant cet ultra, l’ingénieur montréalais de 31 ans estimait « que le climat serait parfait pour [ses] vacances hivernales ».
Jonathan s’est mis à courir lors d’un voyage en Californie il y a deux ans, pour « découvrir les lieux ». « À mon retour de vacances, un ami triathlète m’a lancé que, maintenant que je courrais, on pourrait faire le 125 km Harricana, raconte-t-il. J’ai embarqué dans la « folie » et, comme je ne prends rien à la légère, je me suis préparé pour le défi. » Il l’a terminé en septembre dernier, et comme il a « adoré », il y retournera cette année.
Son objectif sur cette Transgrancanaria est de terminer sous les 27 heures, « dans le meilleur des mondes » (la barrière horaire a été fixée à 30 h). Jonathan Pellerin craint toutefois « le terrain rocheux après trois mois d’entraînement sur la neige et le dénivelé positif de 6000 m sur les 80 premiers kilomètres. »
Yannick Dailleau
« La Transgrancanaria avait marqué mon imaginaire après avoir vu des images de la course », a souligné Yannick Dailleau, 36 ans. L’arpenteur de profession s’est inscrit « un peu sur un coup de tête après avoir suivi l’UTMB 2017 (notamment grâce à Distances+). J’avais envie de me retrouver dans ces énormes courses européennes, un peu comme ce que j’avais vécu à la CCC en 2016. »
Le coureur en sentier montréalais, qui « aimerait être le Marco Olmo québécois, et continuer à faire quelques ultras même dans la soixantaine avancée », a découvert le trail après avoir gagné un dossard en 2012 pour une course à étapes au Pérou, la Jungle Ultra, en participant à un concours sur le web. « Je m’étais dit que je ne pouvais passer à côté, se souvient-il. Après avoir complété les six étapes, lentement mais sûrement, j’ai eu la piqûre. À mon retour, je me suis tout de suite inscrit à l’un des rares ultras qu’il y avait à l’époque au Québec, le 58 km de l’Ultimate XC. Et depuis, j’ai fait au moins un ultra chaque année. Bear Mountain à quatre reprises, Ultimate XC trois fois, Fuego y Agua au Nicaragua (le 100 km), la CCC et quelques autres… »
Passionné, il dit avoir pensé à la Transgrancanaria tous les jours depuis qu’il s’est inscrit. Il a vraisemblablement lu et regardé tout ce qu’il pouvait pour se préparer mentalement. « Je retiens qu’il y a quand même plusieurs segments de route, que certaines sections sont très rocailleuses, que les écarts de température sont très importants entre le jour et la nuit et que certains ont qualifié cette course de brutale, note-t-il. Ma seule crainte est d’être confronté à l’abandon, si jamais je me retrouve soit avec des problèmes d’estomac ou une blessure ou quoique ce soit qui est hors de mon contrôle et qui m’empêcherait de continuer. Je ne pensais pas à ça avant, mais après l’avoir vécu une fois (sur l’Ultra-Trail du Mont-Albert l’an dernier), c’est différent. »
Le « seul objectif » de Yannick Dailleau sera « de terminer le plus rapidement possible à l’intérieur de [ses capacités]. De toute façon, à chaque fois que je me suis mis en tête un objectif de temps, surtout pour mes courses de plus de 80 km, j’ai toujours fini bien après. »
Yannick envisage lui aussi d’être au départ de l’Ultra-Trail Harricana du Canada en septembre prochain.
Stephanie Case
La délégation canadienne comptera dans ses rangs une coureuse élite d’expérience, Stephanie Case, qui a terminé deuxième du Tor des Géants en 2016, et à la quatrième place l’automne dernier. D’ailleurs, 2017 a été une année exceptionnelle puisqu’elle a failli mourir dans un accident en montagne en début d’année, ce qui ne l’a pas empêchée de terminer cinquième de l’Ultra-Trail de l’île de Madère et 7e du Eiger Ultra-Trail, entre autres performances.
L’athlète de 36 ans, avocate spécialisée dans les droits de l’homme auprès des Nations unies, a tenu tout particulièrement à retenter sa chance sur la « très technique » Transgrancanaria qu’elle avait été contrainte d’abandonner sur blessure en 2015. « Je voulais revenir sur l’île pour échapper à la neige de Chamonix – où elle vit en ce moment -, profiter des sentiers et lancer tôt ma saison de courses. »
« Je ne suis peut-être pas aussi rapide que d’autres, mais je suis têtue, prévient cette femme de caractère habituée à travailler en zone de conflits dans le monde. Normalement, plus la course est longue et difficile, mieux c’est, simplement parce que je suis capable de supporter beaucoup de souffrances. Cependant, j’ai pris une très longue pause au cours de l’hiver après six grands ultras de montagne, donc j’arrive avec un manque d’entraînement. Mon objectif est vraiment de m’amuser. »
Reste que Stephanie a du mal à être raisonnable une fois la compétition lancée. « Je crains de me pousser trop loin et de me blesser, dit-elle. Même si je sais que j’utilise cette course pour l’entraînement, il est parfois difficile de me retenir. On verra bien ce qu’il se passe… »
Et de l’entraînement, Stephanie Case en aura besoin, puisqu’elle participera en avril à la célèbre Barclay à Wartburg dans le Tennessee, puis en mai aux Championnats du monde de trail en Espagne avec l’équipe du Canada. Ce seront des occasions pour Distances+ de dresser le portrait de cette femme exceptionnelle.
Claire Heslop
Nous suivrons également cette fin de semaine la course de Claire Heslop, urgentologue et enseignante à l’Université de Toronto, qui est aussi familière de la Transgrancanaria. En 2016, elle avait terminé 38e de l’épreuve de 83 km, « l’ultra-trail le plus difficile [qu’elle] ait jamais accompli ». « J’avais très peu d’expérience sur un tel parcours technique, mais j’ai vraiment aimé sa difficulté et son intensité, et voir les talentueux coureurs espagnols aborder les descentes difficiles était très inspirant, raconte-t-elle. L’année dernière, je suis revenue sur le 125 km et j’ai eu une course totalement parfaite quand, soudainement, au 80e kilomètre, je suis tombée et je me suis blessée au genou. J’ai dû malheureusement me retirer de la course, mais j’aime tellement cette course que je devais revenir cette année et la terminer. »
« C’est une île unique, affirme-t-elle. Vous parcourez tous les écosystèmes, depuis le bord de mer, en passant par les étonnantes forêts boréales, suivies d’arides paysages désertiques
parsemés de cactus, jusqu’à une ligne d’arrivée pittoresque près de la plage. Je n’ai jamais vu d’endroit comme l’île de Gran Canaria.»
Tout comme Stephanie Case, Claire a un penchant pour les ultras qui n’en finissent pas. Et ce qu’elle aime par-dessus tout, précise-t-elle, c’est de courir de nuit (elle travaille souvent la nuit en tant que médecin). Elle est notamment allée, l’an dernier, au bout du Bigfoot 200 (300 km / 11 400 m D+) et de l’ultra-marathon Racing the Planet en Patagonie (252 km / 4800 m D+). Elle avait respectivement terminé neuvième et troisième. La jeune femme s’est aussi classée sixième du 125 km de l’Ultra-Trail Harricana du Canada.
Claire Heslop espère finir la Transgrancanaria dans le top 10 ou le top 15 du classement féminin. Après cette excursion en Espagne, on pourra la voir sur deux autres grosses courses de l’Ultra-Trail World Tour, l’Ultra-Trail de l’île de Madère au Portugal, puis l’Ultra-Trail Lavaredo en Italie. Mais son objectif principal de la saison sera l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (170 km / 10 000 m D+), à travers la France, l’Italie et la Suisse.
Patrick Hanna est le cinquième coureurs de la délégation canadienne à prendre le départ de la Transgrancanaria 2018. Jean Marasse et Mathieu Plamondon étaient inscrits au 125 km, mais ils ont finalement renoncé, selon le site de suivi de la course en direct.
Les favoris de l’édition 2018
Après le Hong Kong 100 en janvier et le Tarawera Marathon en Nouvelle-Zélande, il y a deux semaines, la Transgrancanaria sera le premier grand rendez-vous des élites mondiales. Le plateau 2018, chez les femmes comme chez les hommes est très relevé et promet une course passionnante.
Parmi les vainqueurs potentiels, il faudra entre autres surveiller l’Espagnol tenant du titre Pau Capell, l’Américain Tim Tollefson, deux fois troisième de l’UTMB et son compatriote Mario Mendoza, mais aussi les expérimentés français Aurélien Collet, Maxime Cazajous, Ugo Ferrari et Sébastien Chaigneau (double vainqueur en 2012 et 2013), l’Italien Daniel Jung ou encore le Russe Dmitry Mityaev.
La course est extrêmement prometteuse du côté des femmes, avec le retour de Caroline Chaverot, qui l’avait emporté en 2016 face à la championne en titre de l’Ultra-Trail World Tour, la Suissesse Andrea Huser. Derrière, l’Italienne Francesca Canepa, la Brésilienne Fernanda Maciel, victorieuse en 2012, et l’Allemande Denise Zimmermann pourraient compléter le top 5.
Distances+ suivra pour vous la Transgrancanaria 2018 sur son fil Twitter.