Rachel Sklar – Photo : Arnaud Cailloux / UTWT
La coureuse ontarienne Rachel Sklar cherchait un objectif ambitieux. Elle l’a trouvé en consultant le calendrier de l’Ultra-Trail World Tour (UTWT). Elle a décidé de courir 12 courses dans 12 pays en 12 mois.
En ce début de semaine, Rachel était déjà à Umag, en Croatie, où elle prendra le départ ce week-end de son deuxième ultra de l’année, le 100 miles de l’Istria. Elle reconnaît qu’elle s’est lancée dans un projet fou.
« Oui, assez fou, avoue-t-elle, mais c’est de la belle folie et ça prend une folle spéciale pour le faire, a-t-elle commenté, rieuse. Je suis très enthousiaste. Ça va être une grosse année, mais un pas à la fois, c’est tout. » Précisons ici que Rachel n’a pas la prétention d’être une athlète élite. Elle recherche le dépassement de soi en voyageant plus que la performance pure.
La jeune femme de 30 ans, qui vit de l’écriture, s’entraîne sur la magnifique Bruce Trail, un sentier de 895 km qui traverse l’Ontario. Elle assure qu’il n’y a pas de meilleur endroit dans la province canadienne pour s’entraîner avec du dénivelé. C’est lors de l’une de ses longues sorties que l’envie de faire quelque chose de grand est née.
« Plein de projets me venaient en tête, mais aucun de suffisamment ambitieux. Puis je me suis mise à parcourir le site de l’Ultra Trail World Tour et toutes les courses me faisaient envie! »
Si elle a participé à plusieurs ultras, dont La Mision, un 160 km dans les montagnes d’Argentine, elle n’avait jamais participé à des courses de l’UTWT. Elle était intimidée au début par les barrières horaires, qu’elle trouvait un peu strictes. « J’ai l’habitude de prendre mon temps. Là, il allait falloir que j’accélère le rythme », précise-t-elle.
Mauvaise chute dès le début de l’aventure
L’UTWT a réalisé une capsule vidéo sur Rachel Sklar cet hiver. Mais alors qu’elle se faisait filmer à Toronto, la jeune femme est tombée en courant.
« Nous avons eu un hiver très glacé. J’ai glissé sur de la glace noire et, en tombant, je me suis blessée au genou », raconte-t-elle.
Rachel était incapable de se relever. Son médecin a diagnostiqué une inflammation importante. Elle a quitté le Canada en boitant pour se rendre à sa première course, la Transgrancanaria, aux îles Canaries (Espagne), fin février. Mais la douleur était pire encore à l’atterrissage.
« J’étais à l’agonie, mais je voulais au moins avoir le courage de la débuter, peu en importe l’issue. J’avançais vraiment lentement et, après 85 km, on m’a informée que je n’arriverais pas au prochain ravito à temps et que je ne pouvais pas continuer. Je me suis mise à pleurer, j’étais super émotive, je m’étais tellement donné du mal! Il restait 43 km. »
« C’était un coup très dur pour moi de ne pas avoir pu terminer cette première épreuve. Il y a des gens qui, lorsqu’ils ont vu la vidéo de l’UTWT, trouvaient ça cool de voir que ce n’est pas toujours des victoires, les courses. On voit souvent les coureurs gagner, sourire, heureux, mais il y a aussi des revers. C’est bien de le voir, de savoir que nous sommes tous humains. On me voit sangloter, et je crois que c’est important de comprendre que c’est correct si on ne réussit pas la première fois, il faut continuer à pousser, il faut se relever et affronter la suite. »
Après la course, Rachel était incapable de marcher. Une surcompensation sur sa jambe droite pour ménager son genou gauche a généralisé les douleurs. Elle assure qu’elle a maintenant bien récupéré et qu’elle est prête pour l’Istria 100. « Ça va être long, dit-elle. Il faut que je me sente bien ! »
Dépassement de soi
Rachel dit avoir beaucoup appris sur elle même lors de la course. « À la Transgrancanaria, je me suis rendu compte que je suis capable de supporter beaucoup de douleur, de ressentir de la force dans des circonstances difficiles. Ça ouvre des portes au niveau mental lorsqu’on voit de quoi on est capable alors que l’on croit qu’il ne nous reste rien à donner, mais qu’on pousse au-delà de ce seuil et que l’on continue. Lors de chaque épreuve, j’en ressors différente, plus résiliente. Mes blessures de combat sont des cicatrices méritoires parce qu’elles me permettent de me reconstruire, d’apprendre, de grandir. »
Rachel a adapté son entraînement pour y incorporer plus de musculation et de mobilité, consciente qu’avec un tel horaire de courses où il n’y a parfois pas plus de deux ou trois semaines entre les épreuves, il faut qu’elle se concentre plus sur la récupération que les entraînements. Elle mise aussi sur sa diète végane, convaincue que celle-ci lui permet une récupération plus rapide. Mais malgré tout, un tel programme ne permet bien sûr pas non plus de viser la performance. Aussi, cette nomade autoproclamée accorde beaucoup d’importance à l’aspect touristique de la chose.
« J’adore voyager, découvrir le monde à travers ses sentiers, dit-elle. Ça me permet d’en voir des parties que la majorité des gens ne verront jamais. J’aime la nature et m’y retrouver, j’adore que certaines de ces courses aient lieu sur des sites protégés de l’UNESCO. Les paysages sont phénoménaux. »
Sera-t-elle satisfaite alors d’avoir effectué 11 des 12 courses planifiées seulement, si tout se passe bien pour le reste de son projet?
Avant de se lancer sur l’Istria 100, c’est encore possible, estime-t-elle. Elle pourrait en effet terminer son projet avec la course qui devait le débuter, car ce DNF aux Canaries la dérange trop. La boucle serait bouclée et le compte y serait. Distances+ suivra son aventure de près.
Après l’Istria 100, Rachelle se rendra à Madère pour le MIUT puis en Australie en mai (UTA), en Autriche (Mozart 100) et en Italie (Lavaredo) en juin, en Suisse en juillet (Eiger). Elle prendra ensuite le départ de l’Harricana au Québec en septembre, avant une tournée en Asie et un ultra à Cape-Town en Afrique du Sud.