Novice en course, une Québécoise de 62 ans accomplit le Marathon des Sables

Carole Contant
Carole Contant dans le désert du Sahara - Photo : Marathon des Sables

Imaginez courir un marathon. Maintenant, imaginez-vous courir un marathon par une chaleur étouffante de 38 degrés. Multipliez le tout par six et voilà, vous avez le Marathon des Sables (MDS), un ultramarathon par étapes en plein désert marocain, le tout en autosuffisance alimentaire. Dunes, djebels, dénivelés à couper le souffle, le MDS en a pour tous les goûts.

« Oublie toutes les raisons pour lesquelles cela ne fonctionnera pas et crois en la seule raison pour laquelle cela fonctionnera. »

C’est le mantra que se répète Carole Contant, une Montréalaise de 62 ans, trépignant à la ligne de départ du MDS, rongée par l’appréhension et l’incertitude. Autour d’elle, ça grouille d’athlètes, chacun se vantant d’un palmarès plus impressionnant que son voisin.

Le 8 avril dernier, un total de 1 108 coureurs se sont élancés sur le parcours de la 31e édition du MDS, dont 183 femmes. Seules neuf d’entre elles concouraient dans la catégorie d’âge de Carole (60-65 ans).

Un changement de vie complet

Il y a moins de deux ans, Carole décidait d’effectuer un changement drastique dans sa vie et de se remettre en forme. C’était après une longue période sans faire de sport. En effet, un grave accident de ski à l’âge de 39 ans lui avait laissé un genou affaibli par de nombreuses interventions chirurgicales. Carole n’était plus prédisposée à la course.

C’est avec patience et entrain qu’elle a redécouvert la passion pour le sport, d’abord avec l’aide d’une entraîneuse, qui l’a initiée à la musculation. Un an plus tard, constatant son excellente santé et son goût pour le dépassement personnel, elle se lançait l’incroyable défi de participer au MDS, sur un coup de tête!

La route de l’enfer

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Photo : Marathon des Sables

Carole se souvient avec un sourire en coin de la chanson jouée au départ de chaque étape, l’iconique Highway to Hell. Il s’agissait d’un clin d’œil ironique au diabolique parcours qui attendait les coureurs. En effet, le MDS s’étend sur 257 km de désert brûlant que les participants parcourent en six jours, dont une étape qui totalise 84 km d’une seule traite.

Carole se remémore avec humour les moments interminables et angoissants qui précédaient la course. Elle était entourée des 18 autres athlètes canadiens, dans l’immense étendue du Sahara. Ces 18 athlètes étaient expérimentés en course extrême. Pas elle.

Elle se demandait alors si elle avait vraiment sa place dans cette course. Elle n’a pas été la seule à se poser cette question. Dans son cheminement vers le MDS, elle a fait face au doute et à l’opinion divisée de son entourage.

Lors de ses examens médicaux, requis par l’organisation afin de s’inscrire à la course, Carole a été confrontée à l’incrédulité de son médecin de famille ainsi qu’à celle d’un cardiologue. Bien que sa santé soit impeccable, entreprendre un tel effort physique à 62 ans, sans antécédents sportifs, n’était pas recommandé, lui disait-on.

C’est pourtant avec un rapport médical et une électrocardiographie tout ce qu’il y avait de plus conforme que Carole est arrivée au Maroc, prête à se lancer dans l‘incroyable et unique expérience du MDSs.

Dans le sud pour s’entraîner au chaud

Avec seulement 12 mois devant elle pour se préparer, Carole a eu une préparation difficile et a fait face à plus d’un obstacle.

Comment bâtir une base d’endurance solide, apprendre à s’hydrater et à se nourrir pendant l’effort et, surtout, simuler des conditions de course en températures extrêmes en plein cœur de l’hiver québécois? Avec l’aide de son entraîneuse Elizabeth Vizi, Carole a augmenté ses séances de renforcement musculaire et de yoga, et s’est mise à courir régulièrement au sein d’un club.

Pour s’habituer à la chaleur et à courir dans le sable, elle s’est envolée pour un mois au Costa Rica. Devant des touristes et des résidents ahuris, elle courait quotidiennement sur la plage vêtue de manches longues, d’un pantalon et d’un sac à dos… rempli de livres!

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Photo : Marathon des Sables

Survivre : premier objectif

Pendant la course, Carole n’a connu qu’un seul moment de faiblesse, et il a été mental plutôt que physique. Au cours de la dernière étape, les participants devaient parcourir une grande ligne droite de 18 km. Les bivouacs et la station de ravitaillement étaient visibles à l’horizon, mais ne se rapprochaient jamais. Le mirage était tourmentant. Épuisée, en sérieux déficit de calories, Carole a trouvé l’étape interminable.

Malgré cet épisode plus laborieux, son mental est resté de fer tout au long de l’épreuve. « Chaque fois que je faisais quelque chose que je trouvais dur, je me disais “c’est faisable”. Je ne me disais jamais “c’est trop dur, je ne le ferai pas”. »

Quant à sa stratégie de course, Carole s’était engagée à écouter son corps et à poursuivre son parcours à son rythme. « J’étais trop préoccupée par ma survie pour avoir le temps de douter. Mon but, c’était juste de mettre un pied devant l’autre. De boire assez. De continuer de bouger. Je n’étais pas sûre de finir, mais je ne me suis jamais dit que je ne finirais pas. Quand j’ai fini la première étape, je me suis dit que ce n’était pas si pire! »

Des émotions pour toujours

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Photo : Marathon des Sables

Carole a aussi été inspirée par ses coéquipiers. À ses côtés courait un homme non-voyant et sa guide, un coureur amputé au-dessus des genoux et un homme de 69 ans qui s’attaquait à son 28e MDS.

Dans les moments de doute, quand la fatigue, la chaleur, les ampoules et la course semblaient insupportables, Carole puisait sa force dans l’incroyable camaraderie qui régnait pendant la course. Elle allait aussi chercher de l’énergie dans la fierté de s’être rendue aussi loin et dans l’enthousiasme des bénévoles et des médecins aux stations de ravitaillement.

Du haut de ses 62 ans, c’est avec émotion, humble et déterminée, que Carole a fini une course que même les grands de la course en sentier redoutent. C’est un parcours décrit comme étant parmi les plus difficiles au monde.

« Ce n’est pas l’âge, c’est la forme, dit Carole. D’une façon, je me disais que, oui, j’étais logiquement trop vieille pour faire ça. Mais je me sentais en forme. J’essayais de trouver une explication. Je me disais que je n’ai peut-être pas la forme de mon âge. »

La preuve, c’est que depuis la course, Carole a trouvé une certaine sérénité, une joie de vivre et une fierté qu’elle portera toujours avec elle. Elle est impatiente d’entreprendre de nouveaux défis afin de continuer à se surpasser.

Cette femme menue, élégante et dotée des manières d’une grande dame, discrète avec son apparence soignée, exulte une force de caractère et une sagesse étonnante. Elle est inspirante, cette Carole.

Un précieux rappel que, quelle que soit la grandeur du défi, nous sommes capables d’infiniment plus que ce que nous pensons.