L’édition 2019 de l’UTMB restera dans l’histoire du « Sommet mondial du trail » comme celle de la domination de bout en bout et sans partage de l’Espagnol Pau Capell. Le champion en titre de l’Ultra-Trail World Tour n’a jamais faibli sur le parcours de 170 km et 10 000 m de dénivelé autour du Mont-Blanc qu’il a avalé en solitaire en 20 h 19. « Il était intouchable », selon le triple vainqueur de l’épreuve, Xavier Thévenard, qui a terminé à la deuxième place.
C’est la meilleure ultra-traileuse au monde, l’Américaine Courtney Dauwalter qui s’est imposée sans surprise chez les femmes.
Distances+ revient pour vous sur ce qu’il faut retenir de cet événement exceptionnel.
1. L’incroyable envie de pipi après un départ en furie
17 h 55, vendredi soir, la musique de Vangelis, « Conquest of Paradise », retentit dans tout Chamonix. L’émotion est contenue, mais les poils se dressent sur les bras et le coeur bat fort. Aux premières lignes sur le fil de départ, des athlètes élites à la pelle. 18 h, le départ est donné dans une ambiance de folie. Un coureur est parti en trombe et pointe déjà en tête dans les premiers mètres, c’est Pau Capell, le vainqueur de la TDS en 2016, 6e de l’UTMB en 2017, 3e de la CCC en 2018. Il ne sera jamais dépassé.
Pau est parti à toute allure en direction de Saint-Gervais, comme s’il s’agissait d’une course de trail de vitesse. À ses côtés, le Chinois Min Qi et le Néo-Zélandais Scott Hawker attaquent le sentier comme des morts de faim, puis il se passe quelque chose de complètement surréaliste. Min Qi, puis Hawker décrochent. Tous les deux se sont arrêtés pour une incroyable pause pipi alors qu’ils n’avaient parcouru que trois ou quatre kilomètres. Apparemment décontenancé, Capell a coupé son rythme, mais n’a jamais été rattrapé pour autant.
2. Victoire sans partage de Pau Capell
L’Espagnol de 27 ans a réalisé un coup de maître en faisant la course en solo impérial. Seul sur toute la ligne, il n’a jamais faibli. Au contraire, il a grappillé du temps sur ses poursuivants à chaque point de contrôle. Il a expliqué à l’arrivée qu’il a eu un peu peur de ne pas être capable de tenir si longtemps tout seul, s’estimant chanceux de réaliser son rêve de gagner l’UTMB.
« Pau a fait une sacrée ˝perf˝, a commenté Xavier Thévenard, qui a déboulé à Chamonix une cinquantaine de minutes après le Catalan.
À noter que Pau Capell a enchaîné les compétitions de haut niveau cette année. L’UTMB était son 10e ultra en huit mois. Il en a remporté 8 sur 10, dont la Transgrancanaria aux Canaries et la Mozart 100 en Autriche.
3. La petite victoire de Xavier Thévenard
Comme à son habitude, Xavier Thévenard n’a pas suivi les fauves devant. Il a fait sa course sans partir trop vite. Il est passé en 32e position au premier pointage aux Houches, et en 25e position au second pointage, à Saint-Gervais. Il s’est astreint à suivre son plan de match et il était deuxième après 31 km de course aux Contamines. Dès lors, il a lui aussi fait sa course en solitaire, respectant ses prévisions à la lettre.
« J’avais prévu 21 h 10 de course et je termine en 21 h 07. Il n’y a pas grand-chose à dire, mis à part que Pau état intouchable », a dit Xavier, très satisfait de sa performance, même si elle ne se traduit pas par une quatrième victoire.
« C’était sympa de pouvoir courir cet UTMB sous le beau temps, a-t-il ajouté, lui qui a connu toutes les météos par le passé. On a eu le temps d’apprécier les montagnes. C’est là qu’on réalise qu’on a une sacrée chance d’être ici, et de pouvoir contempler cet univers. Il faut vraiment en prendre soin, changer nos habitudes, accepter moins de confort et vivre plus simplement, pour protéger cet environnement, et faire en sorte que les générations futures puissent aussi en profiter comme nous. »
4. L’échec récurrent des Américains
Chaque année, les coureurs américains prennent le départ à Chamonix avec le couteau entre les dents, dans l’objectif de devenir le premier athlète masculin des États-Unis à décrocher le Graal. Parmi les prétendants, Tim Tollefson, deux fois troisième de l’UTMB, et Zach Miller, vainqueur de la CCC en 2015, faisaient figure de favoris. Ils se sont d’ailleurs rapidement placés aux avant-postes. Mais comme l’an passé, ils ont tous les deux abandonné.
Le premier Américain, Jason Schlarb, termine 19e, juste devant sa compatriote Courtney Dauwalter, qui remporte son premier UTMB en 24 h 34.
5. La domination et le sourire éclatant de l’Américaine Courtney Dauwalter
Souvent trop forte pour ses adversaires, elle gagne tout depuis 2017. Le seul accroc à son palmarès est une deuxième place aux 100 km du Black Canyon Ultras l’an dernier. La championne américaine, 34 ans, victorieuse en 2018 de la Western States, avait pris le départ de la course californienne en juillet, mais avait dû abandonner sur blessure à la hanche. Elle s’est donc reposée cet été avait de venir s’épanouir dans les Alpes.
Il fallait la voir arriver aux ravitaillements de Saint-Gervais avec la Suédoise Mimmi Kotka. Les deux filles qui partageaient alors les sentiers, semblaient nager dans le bonheur, souriantes à émouvoir.
Mimmi, qui est très rapide, mais peu expérimentée sur les ultras de 170 km, n’est pas parvenue à suivre le rythme. Digne en dépit de sa contre-performance, elle est allée au bout, terminant 20e après 31 h 46 de course. Chapeau!
Pour revenir à Courtney Dauwalter, elle est restée plus de la moitié de la course en maîtrise derrière la Chinoise Miao Yao avant que cette dernière ne s’arrête au Grand col Ferret, en raison de problèmes de vision, selon ce qui a été expliqué. L’Américaine a ensuite géré son avance en remontant les hommes devant un à un. Elle était 100e aux Houches et 21e au classement général à Chamonix.
6. Un couple d’athlètes chinois ambitieux, mais en échec
Parmi les scénarios fantasmés avant le départ de cette 17e édition, il y avait celui de l’histoire d’amour au sommet de l’UTMB. Miao Yao et Min Qi, qui forment un couple dans la vie de tous les jours, avaient animé la CCC l’an dernier. Elle l’avait remportée. Il avait terminé deuxième. Ils sont venus pour s’illustrer encore cette année, à l’image d’une nation qui s’impose dans l’ultra-trail mondial. Mais la marche était trop grande.
Miao Yao a dominé la première partie de la course avant de craquer et d’abandonner.
Min Qi est partie à toute vitesse, demeurant dans le top 5 jusqu’à la mi-course à Courmayeur, avant de sombrer. Le champion termine 327e en 35 h 41, plus de 15 h après Pau Capell.
7. Le premier Québécois, Xavier Berruel, 115e de l’UTMB
Avec une cote ITRA de 663, Xavier Berruel était le coureur québécois le mieux classé des participants de l’UTMB. Et il fait honneur à son rang. Il a passé la ligne d’arrivée à la 115e place, 37e de sa catégorie (vétéran 1 homme) en 30 h 10.
« J’ai adoré l’expérience, s’est-il enthousiasmé. Les conditions météo étaient parfaites et j’ai pu voir ce majestueux Mont-Blanc sous tous ses angles. Ma préparation physique et ma planification de course m’ont permis de profiter de chaque minute du parcours en respectant mon plan de match, ce qui m’a permis de prendre un peu de temps aux ravitos avec ma conjointe Josée, « crew de feu », et des amis. L’UTMB m’a permis de faire des rencontres incroyables, autant avant que pendant la course, et je vais en rester nourri à jamais. Je suis très fier de ma performance. »
8. Dix Québécois ont passé la ligne d’arrivée de l’UTMB
Derrière Xavier Berruel, c’est l’expérimenté Stéphane Poulin qui s’est illustré (320e).
Il a vécu son UTMB comme « une superbe expérience, mais beaucoup plus difficile que je pensais, a-t-il commenté. Le manque de sommeil y est pour beaucoup. Je n’ai pas eu le temps de me reposer, mais l’expérience du Tor des géants m’a aidé. »
Simon Marcil (391e) était ravi que son nom soit tiré à la loterie et de fêter son 40e anniversaire, le 31 août, sur le parcours de l’UTMB. Malheureusement, il s’est blessé au pied il y a quelques semaines et n’a pas pu s’entraîner comme il l’aurait voulu.
« Je voulais finir juste en dessous de 30 heures pour qu’il me reste quelques minutes à mon anniversaire, a-t-il confié à Distances+. Mon plan était de partir assez vite pour ne pas rester pris avec plein de gens, de ralentir par la suite et de commencer à augmenter la cadence à partir de Courmayeur (km 81/170). Ça se passait bien jusqu’à Champex-Lac (km 127), mais la bandelette a commencé à me déranger donc j’ai été très conservateur dans les descentes par la suite puisque je voulais absolument finir. »
Simon, qui connaît bien Chamonix comme adepte du ski alpinisme, dit avoir vécu une « expérience inoubliable ».
Quand à Jonathan Pellerin, il a terminé 671e en 40 h 07. « J’ai trouvé les paysages et l’ambiance tout simplement exceptionnels. Les gens t’encouragent à toute heure du jour et de la nuit, dans toutes les langues, sur tout le parcours! Ça a été une belle leçon de persévérance. J’ai eu un problème de bandelette à partir de la descente des Pyramides calcaires. J’ai dû marcher toutes les autres descentes. Ce que je retiens, c’est la puissance des supporters. Ma blonde et ma mère m’ont accompagné dans tous les ravitos à partir de Courmayeur et, sans eux, je ne me serais jamais rendu au bout! »
Stéphane Perron (589e en 38 h 58), Steve Leblanc (602e en 39 h 06) Mathieu Plamondon (711e en 40 h 34), Michel Lessard (734e en 40 h 46), Michel Bernard (1115e en 43 h 46) ainsi que Jean-Bernard Douville et Karine Nadeau, qui finissent main dans la main après 45 h 07 de course, ont également eu le privilège de dompter la 17e édition de l’UTMB.