Le verdict vient de tomber : votre médecin vous a donné le diagnostic de l’arthrose, soit du genou, de la hanche, du gros orteil, du cou ou du dos. Il vous aura expliqué que vous devez continuer à bouger, en modifiant certaines activités, de surveiller votre poids et de bien manger. S’il est d’une autre école, il vous aura dit que vous devez arrêter de courir, car vous risquez « d’user plus vite »!
Ce n’est pas vrai. Il faut continuer à bouger et on peut continuer à courir. Mais parfois, la douleur ne vous lâchera pas. Quels sont les options et les traitements?
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Se réévaluer comme coureur
Avant toute chose, il faut revoir ses objectifs. L’arthrose ne se guérit pas, mais on peut la rendre silencieuse, ralentir sa progression, peut-être même aider un peu le cartilage à se réparer. Si tout a échoué, la chirurgie peut permettre de retrouver une qualité de vie.
Côté course, cela vaut la peine de faire évaluer sa technique par des gens compétents. Quand on a mal, on développe des attitudes compensatrices. Il s’en suit une cascade de modifications du patron de course : on place le pied et le genou différemment. Certains muscles cessent de jouer leur rôle, d’autres deviennent hyper actifs.
Il faut revoir le volume, envisager un peu plus d’entraînement croisé et travailler les stabilisateurs profonds et la proprioception. Plusieurs études ont démontré le rôle important que jouent les muscles quadriceps dans les symptômes de l’arthrose du genou. Les renforcir peut aider à contrôler les symptômes.
Les orthèses
Pour l’arthrose du genou, si l’usure est localisée du côté intérieur, certaines orthèses dynamiques (orthèses articulées dites « valgisantes » du genou), en forçant un peu votre genou vers l’extérieur, peuvent décharger la zone plus usée et soulager en partie les symptômes.
La médication
La médication comporte des effets secondaires et des risques loin d’être négligeables.
L’acétaminophène est peu efficace, mais peut diminuer les symptômes légers. Même s’il s’agit d’un médicament sans prescription, il existe des risques, surtout si l’on dépasse la dose maximale. Il ne s’agit pas de risques théoriques : le foie peut en souffrir.
Les anti-inflammatoires sont efficaces en général, mais les risques associés à leur prise sont importants, surtout s’ils sont utilisés régulièrement. Les saignements digestifs (on a vu des hémorragies digestives massives avec la simple prise d’Ibuprofen), l’effet sur perméabilité intestinale, les effets au niveau rénal et cardio-vasculaire (surtout pour les plus de 40 ans) peuvent être très sérieux.
Il existe des anti-inflammatoires naturels, mais malheureusement leur efficacité est moyenne.
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Les infiltrations
Si rien de tout cela n’a fonctionné, on peut considérer l’infiltration intra-articulaire. Théoriquement, toutes les articulations peuvent en bénéficier, même si certaines sont plus faciles d’accès et répondent mieux au traitement.
Le concept scientifique derrière l’infiltration repose sur la volonté de contrôler le phénomène inflammatoire localement. Les effets délétères de l’inflammation sur le cartilage ont été démontrés. Pouvoir contrôler cette inflammation peut avoir un effet protecteur et permet, minimalement, de contrôler les symptômes.
Il faut savoir que, peu importe le type d’infiltration, les risques associés sont :
- la douleur
- l’infection
- la durée de l’efficacité
On n’utilise donc pas l’infiltration à la légère et sans indications précises.
Les différents types d’infiltration
Il existe trois types d’infiltration utilisés seuls ou en combinaison.
Cortisone :
La plus utilisée est l’infiltration de cortisone, qui est efficace à court terme (1 à 3 mois en moyenne). C’est un anti-inflammatoire puissant. Comme première injection, non coûteuse, elle a sa place et peut parfois faire des « miracles ». Mais si vous êtes jeunes et que vous avez besoin d’infiltrations régulièrement, il faut se tourner vers les autres possibilités, malheureusement nettement plus coûteuses.
Si des histoires circulent à l’effet que la cortisone a davantage d’effets négatifs que positifs, c’est que les informations sont partielles. Tout dépend du type de cortisone, mais aussi de la technique et de l’expérience de l’injecteur.
Pour le genou en particulier, certaines études ont démontré que l’on peut observer à long terme, dans le cas d’infiltrations répétées, un amincissement du cartilage au plan radiologique. Toutefois, ceci ne s’est pas traduit par une aggravation des symptômes ni une chirurgie plus précoce. Ces changements ont été observés avec un type spécifique de corticoïde, mais pas avec d’autres.
Acide hyaluronique
Le second type d’injection est l’acide hyaluronique. Il en existe différents types qui diffèrent par leurs poids moléculaires et le fait qu’il soit ou pas d’origine aviaire.
La science démontre que l’efficacité dépend du poids moléculaire : plus il est élevé, plus il est efficace. Les effets secondaires, tels qu’une réaction inflammatoire transitoire, sont plus fréquents avec ceux d’origine aviaire.
Leur efficacité a été démontrée et pour des périodes plus longues (3 à 6 mois). Certaines études semblent démontrer qu’ils auraient un effet protecteur sur le cartilage (et donc pourraient ralentir la progression de l’arthrose).
Pour éviter l’effet inflammatoire on peut les donner en combinaison avec de la cortisone et avoir ainsi un effet immédiat temporaire couplé avec l’effet à long terme.
Plasma riche en plaquettes
Pour le genou essentiellement, il y a le plasma riche en plaquettes (PRP), utilisé seul ou combiné à l’acide hyaluronique. On prélève votre sang et on le centrifuge pour en extraire le PRP.
Les plus récentes études démontrent une réelle efficacité à long terme (6 mois à 1 an), mais il faut savoir que l’efficacité varie selon la concentration obtenue. Tous les PRP ne sont pas équivalents selon la technique de centrifugation utilisée, mais aussi la qualité du sang.
Certains types de PRP (on les appelle APS) auraient peut-être un effet régénérateur (il ne faut toutefois pas penser à retrouver un genou « neuf ») qui restent à démontrer, mais qui sont porteurs d’espoir.
Chez des jeunes (moins de 60-65 ans!) avec une arthrose non terminale, on favorisera les deux derniers types d’infiltration, sachant en particulier que l’on risque d’avoir à les répéter.
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Et si tout ça ne fonctionne pas?
Chirurgie
La chirurgie peut aider. Mais on déconseille de faire une arthroscopie, un « nettoyage » du cartilage ou un nettoyage des ménisques qui augmentent le risque de détérioration et accélère le chemin vers la une chirurgie majeure de reconstruction du genou. Malheureusement ce type de chirurgie est encore trop souvent proposé.
Réalignement
Si l’arthrose du genou est localisée d’un côté (intérieur ou extérieur) on peut dans certains cas faire des chirurgies de réalignement. On « casse » le tibia et on lui donner un léger angle afin que le poids du genou s’exerce du côté non usé.
Dans des cas bien sélectionnés, cela peut retarder ou même éviter une chirurgie de prothèse. Et avec le genou réaligné, on peut théoriquement continuer à courir quand tout est consolidé.
Chirurgie préventive
Pour la hanche, dans certains cas très précis, et chez les plus jeunes, on peut faire certaines chirurgies à but préventif, mais les bons candidats sont rares.
Pour les orteils
Pour l’arthrose du gros orteil, selon la gravité de l’arthrose, on peut soit procéder à l’exosectomie (on retire les excroissances osseuses pour regagner du mouvement) ou souder l’articulation. Surtout avec la première chirurgie, on peut continuer à courir.
Prothèses totales
Sinon, on propose de refaire le genou ou la hanche avec des prothèses totales de la hanche ou du genou. Il est important de savoir qu’il y a différents types de prothèses, dans certain cas des « demi-prothèses », d’autres dans des matériaux différents, certaines placées avec un ciment d’autre non. Dans tous les cas il s’agit d’une chirurgie majeure qui comporte des risques significatifs, mais qui donne la plupart du temps de bons résultats. On les réserve à de l’arthrose modérée à sévère qui ne répond pas aux autres traitements. Parfois, on fait cette chirurgie chez des très jeunes (30, 40 ou 50 ans), mais la plupart du temps chez des patients de plus de 65 ans.
Les prothèses ont une durée de vie limitée. Après 15 ans, certaines prothèses usent à leur tour et doivent être changées. Et surtout, malheureusement, on ne peut pas courir (comprendre courir régulièrement) avec une prothèse, car les risques de l’user prématurément sont significatifs. On peut marcher, faire du vélo (à très bon niveau), nager, mais la course est contre-indiquée.
Emmanuelle Dudon est chirurgienne orthopédiste spécialisée en chirurgie de la main et en médecine sportive. Elle partage son temps entre une pratique privée orientée vers l’orthopédie générale, la médecine sportive et la médecine régénératrice, le dépannage chirurgical en région en plus d’agir comme médecin expert dans plusieurs dossiers. Après quelques années à pratiquer la natation compétitive, elle s’est convertie à la course à pied et aux ultras en sentier.
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