Ce samedi 9 septembre, sur le site du Mont Grand-Fonds, dans la région de Charlevoix (Québec), Antoine Guillon, Cédric Chavet et Jean-Philippe Thibodeau ont remporté l’UTHC 125, course d’ouverture de la fin de semaine de la 12e édition de l’Ultra-Trail Harricana du Canada. Dans des conditions difficiles, une météo chaude et humide et des sentiers labourés par les pluies estivales, Geneviève Asselin-Demers a pris la victoire féminine avec une impressionnante 6e place au classement général sur ce 125 km, l’épreuve phare du week-end.
Des corps trempés qui enjambent des racines par 80 % d’humidité. En plein après-midi, dans la montée des Morios, au km 29, difficile de remarquer autre chose que ces coureurs qui semblent directement sortis de leur bain. Les visages sont fermés. Il faut dire que le chemin qu’ils empruntent vers le sommet du « Gros Mont », l’un des points hauts du tracé de 125 km et 4200 m D+, est tellement technique qu’il leur interdit toute distraction. Heureusement, le sommet des Morios arrive. La vue se dégage. La région de Charlevoix et ses immensités boisées s’étendent désormais à perte de vue.
L’inclinaison du sentier s’adoucit, les visages aussi. Les montagnes du Québec sont belles et une des grosses difficultés de la course est derrière. Et si les coureurs, en majorité québécois, n’ont jamais vraiment perdu de leur bonhomie dans cette montée ingrate, les voilà plus enthousiastes que jamais. Beaucoup se décomposeraient : il leur reste encore plus de 90 kilomètres de racines, de boue, de pierres à affronter dans cette immensité sauvage où seuls les moustiques semblent avoir élu domicile. Cela ne les effraye pas. Cette immersion est ce qu’ils sont venus chercher à l’Ultra Trail Harricana du Canada, une des courses les plus sauvages de la planète, au coeur de la forêt boréale.
La victoire d’un trio franco-québécois chez les hommes
Une petite heure plus tôt, d’autres coureurs étaient passés au sommet des Morios. Leurs foulées étaient plus amples, leurs visages plus déterminés. Mais ils étaient tout aussi trempés. Après trois heures d’efforts, la tête de course s’était déjà dessinée dans cette première « vraie » bosse de l’UTHC 125. Avec un duo français qui semblait bien déterminé à mener la danse. « Cédric Chavet et Aziz Yachou sont partis plus vite que moi. À 53 ans, je dois prendre des départs raisonnables (rires), mais j’ai fini par les rattraper et, avec Cédric, on ne s’est plus quittés », raconte le « métronome » Antoine Guillon, véritable ascète du trail running qui s’est rendu sur cet UTHC 125 avec son ami Cédric Chavet pour préparer le Grand Raid de la Réunion le mois prochain.
Le duo français, accompagné de leur challenger marocain Aziz Yachou, 2e du Marathon des sables 2023, est toujours en tête à mi-parcours à la base de vie du parc des Hautes Gorges (km 63). L’athlète marocain, arrivé le premier, semble pourtant un peu déboussolé. Il finira par abandonner, quelques heures plus tard. Les deux Français ne montrent, eux, aucun signe de fatigue. 12 minutes après, le premier Québécois fait son entrée dans le ravitaillement. Jean-Philippe Thibodeau, en perdition et à la limite de l’abandon quelques kilomètres plus tôt, a retrouvé de la vigueur et quitte son assistance, le visage sévère, visiblement déterminé. ll ne s’attend sûrement pas à ce moment-ci rattraper Antoine Guillon et Cédric Chavet dans quelques kilomètres.
« J’ai appris autant en quelques heures à courir avec Antoine et Cédric qu’en plusieurs mois à m’entraîner seul. »
Jean-Philippe Thibodeau
« Aziz a fini par décrocher et, avec Cédric, nous nous sommes perdus pendant une grosse dizaine de minutes », a raconté Antoine Guillon, souriant, sur la ligne d’arrivée. C’est ce fait de course qui a permis à Jean-Philippe Thibodeau de recoller à la tête de course. Avec l’abandon d’Aziz Yachou, les voilà désormais partis tous les trois dans la nuit québécoise. « J’ai appris autant en quelques heures à courir avec Antoine et Cédric qu’en plusieurs mois à m’entraîner seul. Alors lorsqu’on était toujours ensemble à quelques kilomètres de l’arrivée, finir à trois m’a paru évident », explique Jean-Philippe Thibodeau, triathlète « retraité », comme il aime à en plaisanter, et récent 43e des Mondiaux de trail à Innsbruck en Autriche.
« J’aime bien les « finish » à plusieurs, puis le thème de cette 12e édition était l’harmonie alors j’ai trouvé qu’une arrivée franco-québécoise avait du sens », a commenté Antoine Guillon. Pour la première fois de l’histoire de l’UTHC, trois hommes ont donc passé ensemble la ligne d’arrivée du 125 km, en 15 h 30. Et le verdict est tombé quelques minutes plus tard, de la voix du directeur de course Julien Harvey : « il y aura donc trois vainqueurs sur cette UTHC 2023 ! »
Geneviève Asselin-Demers, de la tête et des épaules
A l’instar d’Antoine Guillon, Geneviève Asselin-Demers avait elle-aussi fait le pari d’un départ prudent. « Je suis parti avec mon ami David Jeker, on s’est « pacés », et dans les parties techniques avant les Morios, j’ai produit mon effort. J’ai pris la tête ensuite », raconte l’ancienne vainqueure du Marathon de Montréal, aujourd’hui passionnée de course en sentier. Une tête de course qu’elle ne lâchera plus, ne faisant qu’accroître son avance sur ses poursuivantes (un peu moins d’une heure sur Mélina Dubois-Verret sur la ligne d’arrivée, Claudine Soucie a complété le podium féminin). Geneviève Asselin-Demers l’a emporté en 17 h 20 au Mont Grand-Fonds, près d’une heure et quinze minutes de moins que l’année dernière.
« Je me suis sentie comme la Courtney Dauwalter du Québec cette nuit »
Geneviève Asselin-Demers
Mais la Québécoise, troisième l’année passée sur ce même parcours pour sa première compétition de plus de 100 km, ne s’est pas contentée d’accrocher la victoire féminine, elle a terminé à une impressionnante 6e place au scratch. « J’ai beaucoup pensé à Courtney (Dauwalter, NDLR) en fin de course lorsque je me battais pour reprendre des hommes qui étaient devant moi. C’est une athlète qui m’inspire beaucoup. Je me suis sentie comme la Courtney Dauwalter du Québec cette nuit (rires). En tout cas, cela prouve bien que les femmes sont capables de faire de telles distances et qu’elles ont tout pour bien figurer aux côtés des hommes », conclut Geneviève Asselin-Demers. Pour une course qui affiche un exemplaire 44 % de participation féminine sur l’ensemble de ses distances, cette belle performance a lancé à merveille cette fin de semaine de courses dans la région de Charlevoix, avec encore 12 autres épreuves à venir.