Le TransCharlevoix : une course à étapes linéaire où se cultivent l’esprit trail et le sens de la communauté

Région de Charlevoix, Québec, Canada

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Campement au bord du lac lors du TransCharlevoix 2022 - Photo : Sébastien Durocher

Pour Guillaume Barry, l’été 2022 a des airs de jubilé. Après treize années passées au Québec, l’ultra-traileur originaire des Pyrénées s’apprête à rentrer en France avec sa compagne Marjorie et leurs trois enfants. Perturbé par la vente des parts de ses sociétés, l’entrepreneur et chef cuisinier enchaîne les blessures à la hanche, au dos puis au genou. Il peine à s’entraîner à son rythme et s’inquiète : il ne peut pas s’imaginer manquer le TransCharlevoix, cette nouvelle course à étapes organisée dans la région qui l’a vu découvrir le trail, à son arrivée au Canada. 

Le 3 septembre, il s’aligne au départ de l’épreuve, sans pression. Il veut juste parvenir à courir. Les résineux de la forêt boréale défilent le long des sentiers et le Pyrénéen évacue toute la frustration des semaines précédentes. Le genou tient bon. Après trois journées et autant d’étapes d’une trentaine de kilomètres chacune — 100 km et 4600 m de D+ au total — il remporte la première édition du TransCharlevoix. « C’était une bulle de bonheur, raconte Guillaume Barry. Pouvoir échanger chaque soir avec les autres coureurs et les organisateurs, partager nos sensations quant aux parcours traversés, cela colle parfaitement à la dimension communautaire du trail au Québec. »

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Sur le mont Morios lors du TransCharlevoix 2022 – Photo : Francis Fontaine

Créé par les Événements Harricana, le TransCharlevoix est en quelque sorte un petite frère de l’Ultra-Trail Harricana du Canada (UTHC). Il emprunte d’ailleurs à rebours une partie de l’itinéraire du 125 km de l’UTHC, qui attire chaque année de plus en plus de monde (plus de 3000 inscrits en 2022). L’idée de l’organisation était de se développer en proposant une autre expérience de ce territoire, une déconnexion du quotidien encore plus intense, mais accessible au plus grand nombre en termes de distance. « Après l’édition 2021 de l’UTHC, on a soumis ce nouveau concept à tous nos participants, via un sondage, explique Joanie St-Pierre, coordinatrice du TransCharlevoix pour les Événements Harricana. En 24 heures, on a reçu environ 600 réponses enthousiastes. »

À l’issue de chaque étape, les concurrents retrouvent le campement ambulant composé de tentes, d’espaces dédiés aux partenaires, à la détente et à la restauration. Ici, pas la peine de transporter son alimentation pour l’ensemble du séjour, dans des sacs trop lourds qui lacèrent les épaules. L’organisation s’occupe de tout. À ce titre, le TransCharlevoix se rapproche moins du mythique Marathon des Sables, au Maroc — où les participants doivent porter l’intégralité de leurs affaires  et de leur bouffe pendant une semaine — que du Coastal Challenge, une autre course à étapes disputée au Costa Rica, sur le littoral de l’océan Pacifique, au cours de laquelle, comme sur un trail classique, les coureurs n’ont pas à se soucier de l’aspect logistique. Leurs affaires sont transportées chaque jour d’un campement à un autre.

Autre particularité, la dimension intimiste de l’événement. Pour des raisons de sécurité autant que par volonté d’offrir aux participants une aventure singulière, en comité restreint, le nombre de dossards est jusqu’à présent limité à une centaine. « Je pense sincèrement que toutes les personnes présentes se sont parlé au moins une fois, témoigne le franco-québécois Nicolas Danne, une personnalité bien connue de la  communauté de la course en sentier au Québec. J’ai eu la sensation que c’était l’objectif principal : rassembler les gens autour d’une passion commune. »

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Le camp mobile du TransCharlevoix – Photo : Sébastien Durocher

Parmi les inscrits en 2022, il y avait 46 % de femmes. Une statistique dont se félicite Joanie St-Pierre. À l’image de l’UTHC encore une fois, le ratio entre les hommes et les femmes est en effet l’un des plus élevés au monde sur les courses de trail.

Guillaume Barry, lui, n’a pas dormi sous une tente, mais dans son van, aux abords du campement, avec sa femme et son plus jeune fils. L’organisation propose quelques emplacements à cet effet à ceux qui préféreraient vivre l’expérience de cette manière. « C’est un camion qu’on a aménagé nous-mêmes, pour des road trips en famille, raconte Guillaume Barry. Au final, cet événement nous a aussi permis de vivre deux passions, la course en sentier et la vie en van. Pendant que je courais, Marjorie se reposait et mon fils jouait sur le camp. »

« Un jour, le camp était établi au bord d’un lac. À l’arrivée, certains sont allés nager, faire du paddle. Il n’y avait pas de réseau cellulaire. C’était vraiment le fun », se souvient Nicolas Danne, un poil nostalgique de ces moments rares.

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Sur le parcours du TransCharlevoix 2022 – Photo : Francis Fontaine

Théâtre de cette course à étapes, la région de Charlevoix est un havre de nature sauvage situé à seulement une heure de route de la ville de Québec. Les paysages y sont façonnés par une météorite tombée il y a des centaines de millions d’années. Une partie de son cratère se dessine sur les rives du fleuve Saint-Laurent et forme un gigantesque demi-cercle, vaste plaine forestière engoncée dont les rebords s’affirment tout autour en une succession de caps rocheux. C’est là que se déroule le TransCharlevoix, notamment le long de la rivière Malbaie et jusqu’au sommet des Morios, montagne pelée à la vue panoramique. 

L’histoire des lieux est importante. Pour les Événements Harricana, courir en milieu naturel implique d’avoir conscience de l’identité des zones traversées. L’organisation souhaite ainsi inclure dans sa démarche les communautés autochtones. Si aucune d’entre elles ne s’est installée dans la région, certaines ont au fil du temps forgé, puis parcouru ces sentiers afin de se déplacer sur le territoire. C’est le cas des Innus de Mashteuiatsh, établis en partie au Saguenay–Lac-Saint-Jean, mais aussi des Hurons-Wendats. « C’est un engagement logique qui correspond au mot d’ordre de  l’ensemble de nos événements : l’unicité, explique Joanie St-Pierre. La mise en valeur de tout ce qui est unique, ce territoire comme toutes les richesses et les peuples qui le composent. »

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Le discours de Telesh lors du TransCharlevoix 2022 – Photo : Francis Fontaine

Le premier jour, le discours de bienvenue est adressé au coureur en innu-aimun — langue traditionnelle innue — par un membre de ces communautés autochtones. Un shaputuan est monté sur le camp, une tente conique à deux portes dans laquelle les participants prennent leur repas. Des Innus sont présents durant tout le séjour pour échanger sur leur culture, faire cuire du saumon sur les braises du feu ou bien de la viande de bois apprêtée de façon traditionnelle, exposer leur artisanat. « Tu es en plein milieu du bois et tu manges des produits du coin, cuisinés par des locaux, ce sont des moments fantastiques, se souvient Guillaume Barry. Et puis, c’est intéressant d’en découvrir davantage sur ces sentiers que l’on parcourt, la manière dont ces peuples les sillonnaient à l’époque, à pied et sans chaussure, pour se nourrir. »

Joanie St-Pierre confirme que l’intérêt de ce genre d’expériences est de faire un maximum de liens entre les communautés autochtones, leurs histoires et leurs savoir-faire, et la course en elle-même. « Plus on passe du temps dans cette forêt, plus on s’interroge sur la manière de se déplacer en l’utilisant à la fois comme garde-manger, comme garde-robe ou encore comme pharmacie, explique-t-elle. Quand on fait des ultras, ce sont des connaissances qui sont précieuses. » Dans les années à venir, les coureuses et les coureurs du TransCharlevoix risquent d’en avoir bien besoin. Pour 2024, les équipes des Événements Harricana sont en train d’imaginer un format de 250 kilomètres qui traverserait toute la région de Charlevoix, jusqu’à Baie-Saint-Paul. Histoire de faire durer le plaisir. En toute unicité. 

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Le campement du TransCharlevoix au coeur des forêts de sapins géants – Photo : Nicolas Otis

Le TransCharlevoix est la première course à étapes linéaire québécoise où le camp des athlètes suit la progression des coureurs. Cliquez ici pour s’inscrire à l’édition 2023, qui aura lieu du 25 au 27 août prochain.


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