C’est ce week-end que devaient se tenir les courses du Gaspesia 100, dans le géoparc mondial UNESCO de Percé. En raison de la crise mondiale de la Covid-19, l’annulation était inévitable. Qu’à cela ne tienne, Distances+ a demandé à son fondateur, Jean-François Tapp, de remonter le fil du temps pour raconter l’histoire de cet événement qui a su prendre sa place dans le circuit des courses de trail québécoises.
« Moi, à la base, je suis un gars de vélo, lance Jean-François Tapp. Il y avait un seul coureur de vélo de montagne à Gaspé, et c’était moi ». Récréologue de formation, il met sur pied, en 2012, le club cycliste Vélocipeg de Gaspé. « À cette époque, notre mission, c’était de développer des sentiers de montagne et d’organiser des événements. »
C’est ainsi qu’est créé, en un mois à peine, le festival Bouette et Bitume. « Après la première édition, on a réalisé que, juste avec les médias sociaux, on avait attiré beaucoup de monde venu de loin, se rappelle Jean-François. En mettant de l’énergie et de l’argent, on a voulu en faire un événement touristique. »
L’idée de plonger les coureurs dans l’expérience gaspésienne était née : ce sera la fondation de l’organisme « Événements Gaspesia ». « Tous les événements Gaspesia ont toujours été motivés par l’amour du territoire de la Gaspésie », affirme Jean-François.
La mauvaise expérience de l’Ultra-Trail du mont Albert
En 2015, l’Ultra-Trail du Mont-Albert (UTMA) voit le jour au parc national de la Gaspésie. Mis sur pied par des promoteurs étrangers de Singapour et de Floride, il visait à attirer les coureurs d’ultra en terre gaspésienne.
« Ça ne faisait pas vraiment mon affaire de voir des étrangers venir organiser un événement dans ma région, mais j’ai voulu être courtois et je leur ai écrit », explique Jean-François.
C’est ainsi qu’il découvre la course en sentier. « J’avais déjà fait une petite course en Europe, un 10 km en sentier, mais je n’étais vraiment pas un coureur », dit-il.
Devenu directeur des opérations de la première édition de l’UTMA, il se souvient d’une expérience amère. « On avait une tonne de divergences d’opinions. Je n’ai pas fini ma première année avec eux. J’ai été déçu de cette expérience de trail, mais je me suis fait un super beau premier réseau de contacts. »
L’année 2015 marque aussi la première année d’existence du Gaspesia 100, qui est, à l’origine, un raid marathon de vélo de montagne. « En explorant le parcours derrière mon auberge, j’ai découvert un paquet de sections vraiment sublimes. Je me suis dit que j’avais peut-être le début de quelque chose pour un événement de trail. »
Le Gaspesia 100 devient une course en sentier
En 2016, Jean-François Tapp contribue à l’organisation de la tournée Trails in Motion en Gaspésie, ce qui lui donne envie de se lancer pour de vrai dans l’organisation d’un événement de trail.
En septembre, il annonce le lancement d’une course de 100 miles en Gaspésie. « Je n’avais aucune idée de ce que ça représentait faire 100 miles en trail. C’était autre chose que du vélo de montagne. J’étais moins néophyte qu’avant l’UTMA, mais… quand même. »
« Je suis allé chercher des belles pointures d’ambassadeurs la première année, se souvient Jean-François. Florent Bouguin était avec nous, Nathaniel Couture et Carole Fournier du Nouveau-Brunswick et aussi quelques ambassadeurs locaux moins connus, mais qui nous ont permis de faire de belles percées dans la région. »
Cette première compétition accueille 65 participants, parmi lesquels 40 ont été invités, gratuitement. Le balisage est problématique. « On s’est vite rendu compte que du balisage de vélo de montagne et de course en sentier, ce n’est pas la même affaire. Pendant toute la nuit, j’étais au téléphone avec les coureurs qui m’appelaient. Heureusement, je n’en avais pas beaucoup à gérer. Et puis notre parcours a été saboté, mes machines ont lâché et je me suis retrouvé à courir en bottes avec Florent Bouguin et Nath Couture », se remémore Jean-François.
Selon ses propres mots, l’événement a été « catastrophique ». Toutefois, les coureurs voulaient revenir.
Variations de parcours vers le succès
C’est Nathaniel Couture, du Nouveau-Brunswick, qui suggère l’idée de faire un parcours en boucle afin d’assurer la sécurité des coureurs. Il sera mis en place pour l’édition 2017, qui accueille cette fois 225 coureurs.
C’est la météo qui s’impose pendant le week-end. Les conditions sont si exécrables qu’on peut à peine voir le rocher Percé depuis la rive. Un seul coureur, sur sept, termine l’épreuve de 160 km, le Franco-Québécois Thomas Duhamel, qui allait inscrire son nom dans la jeune histoire du Gaspesia 100 en remportant la course les deux années suivantes, pour un total de trois victoires en trois ans.
Malgré tout, « cette fin de semaine-là, il s’est passé plein de choses magiques, dit Jean-François Tapp. Il y a tellement eu de phénomènes inexplicables. Les 225 coureurs étaient gonflés à bloc. »
C’est aussi à ce moment que naît le personnage du pêcheur. Jean-François est en effet connu pour porter l’habit typique du vieux loup de mer pendant le week-end de la course.
C’est ainsi « costumé » qu’il accueille les 500 participants de l’édition 2018, en solidarité avec les pêcheurs de sa région, retenus à quai en raison des mesures de protection des baleines noires.
La notoriété s’installe
L’année suivante, ils sont presque 1000 participants, en comptant les quelque 350 enfants.
Le Gaspesia 100 s’établit comme un rendez-vous tôt en saison pour de nombreux coureurs. « On le doit en grande partie à des coureurs de la région de Montréal, comme Thomas Duhamel, Anne Bouchard et Hélène Dumais, explique Jean-François. Ils ont été des ambassadeurs extraordinaires pour nous. L’an dernier, il y avait plus de participants montréalais que gaspésiens. C’est majeur! »
« On a travaillé fort à développer une expérience distinctive », ajoute-t-il. Les mêmes coureurs reviennent d’année en année, en provenance de Rivière-du-Loup, de Québec, de Montréal, des Cantons-de-l’Est, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve.
« Nos parcours ne sont pas meilleurs que les autres, dit Jean-François Tapp. C’est juste que c’est différent. C’est juste ici qu’on vit ça, des sections de roche à marée haute. Il n’y a aucune autre course au Québec qui fait courir les gens avec de l’eau jusqu’à la taille ».
Avec la pandémie
« Cette année devait être une édition record, affirme l’organisateur. On était en route pour être complet avec 900 participants sur nos neuf courses. On commence à créer le mouvement qu’on voulait pour la Gaspésie. »
La pandémie ralentit les activités et occasionne un coût financier considérable, compte tenu du fait que la majorité des sommes investies cette année ont été utilisées. Jean-François demeure tout de même positif et confiant pour l’avenir. Ses fonctions de directeur de course, alliées à celles de guide, de consultant, de ressource en tourisme, de propriétaire d’auberge et de formateur au niveau collégial lui permettent de continuer d’avancer vers 2021.
Les projets continuent de fleurir, mais l’organisateur du Gaspesia 100 veut conserver le caractère unique de sa course. Le nombre de coureurs n’augmentera pas beaucoup. « Je veux pouvoir me souvenir du nom des participants et pouvoir échanger avec eux dans le plaisir », dit-il.
Depuis un mois, plus de 3000 coureurs ont pris part au défi virtuel Gaspesia 100 pour pallier l’absence de la véritable compétition. Les participants avaient un mois pour compléter 160 km, à raison de 40 km par semaine. Le défi se termine ce week-end.
Jamais à court d’idées, Jean-François Tapp a invité 30 coureurs à courir un 160 km à relais sur les véritables lieux du Gaspesia 100 dès 5 h samedi matin. De plus, tout le monde est invité à prendre part à une course virtuelle en direct à travers l’application Just Move.
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