La toute première traversée aller-retour du parc national du Mont-Orford était annoncée comme le 50 km le plus lent au Québec. La quarantaine de participants avait été prévenue : ce serait très dur. Épique même ! Et il en fut ainsi, même si les six premiers sont parvenus à la ligne d’arrivée de ce parcours ultratechnique en moins de 7 h.
Le départ de la course, samedi dernier, ressemblait à un rendez-vous matinal d’un club de trail dans le bois. Tout le monde était zen. Luc Hamel, l’organisateur, a regroupé les ultramarathoniens en sentier autour de lui. D’humeur badine, il a prévenu qu’il fallait s’attendre à souffrir. « Vous allez vous prendre toute une volée », a-t-il plaisanté, « mais c’est faisable » dans le temps imparti, a-t-il assuré un peu avant de démarrer le chrono.
Les athlètes se sont élancés du Ruisseau-David, depuis le petit pont du chemin de la Sucrerie à Orford, pour se rendre jusqu’à Eastman avant de repartir dans l’autre sens, faisant face à des sentiers exigeants, très peu roulants, souvent cassants, les emmenant aux sommets du mont Chauve, du pic de la Roche-Fendue, du pic de l’Ours et du mont Orford pour un total de 3100 m de dénivelé positif.
C’est le coureur élite de Granby, Alister Gardner, qui a rapidement pris la tête en dépit de plusieurs pépins physiques. Il avait d’ailleurs été contraint à l’abandon le week-end précédent lors du Trail de La Clinique du Coureur à Lac-Beauport en raison d’une blessure entre l’aine et le bas des abdos, qui « traîne depuis deux-trois semaines ». Comble de malchance, deux jours avant ce 5 Peaks, il s’est « tourné la cheville ». Il a donc couru samedi sous anti-inflammatoires et en étant « super prudent ».
Au bout de 2 km, il a songé à ne pas aller au bout, mais la physionomie de la course l’en a dissuadé.
« Avec Éric Drolet, on était bien en avance, alors je me suis dit que c’était peut-être possible (de faire quelque chose) », a raconté Alister à Distances+ dans la zone d’arrivée à l’entrée du parc. « J’avais quand même des sensations correctes. » Puis, il a été pris d’étourdissements. « Je me suis assis plusieurs fois, la tête entre mes jambes, a-t-il dit. Au Castor (la dernière station de ravitaillement), j’ai constaté que j’avais perdu beaucoup de temps. » Effectivement, il a vu revenir derrière lui Hugo Chartier et Éric Drolet. Très en forme, ils ont fini par le dépasser. Il a terminé troisième en 6 h 14.
« Sur la longue distance, ça ne prend rien pour perdre ou gagner du temps », avait déjà constaté Alister Gardner, déçu parce qu’il avait cru à la victoire. « Mais comme défi personnel, être dans ces conditions-là et réussir à pousser quand même, c’est le fun… »
Une victoire pour son premier ultra
C’est Hugo Chartier, un membre du Club de Trail de Montréal, qui a remporté la 5 Peaks Orford après 6 h 09 de course « seulement ». « Je viens de Sherbrooke, c’est mon backyard ici, a-t-il relativisé avec humilité. Ce n’était pas très roulant. Si ça avait été le cas, je ne pense pas que j’aurais gagné, parce que je ne suis pas un coureur rapide. »
Il a confié à Distances+ avoir été surpris de « rejoindre Alister comme ça sur la fin du sentier, mais je voyais bien qu’il était blessé. Je l’ai passé vite pour être sûr qu’il ne me rattrape pas. »
« L’avantage que j’ai eu, par rapport aux autres, c’est que j’ai fait plusieurs fois certaines sections du sentier au cours des dernières semaines, explique-t-il. Pour ‘’performer‘’ ici, il faut avoir couru des sentiers hyper techniques. »
Tout un exploit, quand même, pour Hugo, qui participait à son premier ultratrail et qui a été talonné du début à la fin par l’expérimenté Éric Drolet (2e en 6 h 10).
« Je me considère comme une recrue, a-t-il dit. Jusque-là, je faisais de plus petites distances : au maximum une vingtaine de kilomètres. J’ai fait le XTRAIL ici, entre autres. Je suis arrivé 4e deux années de suite sur la version cross-country (23 km), dans les sentiers de ski de fond. L’an dernier, je me suis donné un défi en faisant un triathlon. J’ai participé à un demi-Ironman. Et, cette année, j’avais envie de faire autre chose, des courses de trail de plus longue distance. C’était la première fois que je courais plus qu’un marathon, en fait. »
Hugo Chartier, qui s’est inscrit au 65 km d’Harricana en septembre, pense s’inscrire à d’autres courses d’ici là. « Je crois que je vais profiter de ma forme pour faire une vraie saison d’ultras », a-t-il conclu.
Une course old school
L’organisateur des trois courses québécoises de la série 5 Peaks semblait heureux comme un gamin dans la zone d’arrivée. Le sourire scotché au visage, il a accueilli un à un les coureurs à l’issue de leur périple. Il faut dire qu’il a reçu un paquet d’éloges pour cet ultra dénué d’artifices. Il n’y avait même pas de vraie ligne d’arrivée. « C’est mon objectif, a-t-il dit. Ma course ne deviendra jamais une grosse course. » En disant ça, un bénévole lui a rétorqué que tout est réuni pour que ça devienne « une classique, LA course à faire. »
Organiser une course traditionnelle, ça n’intéresse pas Luc Hamel. Ce qu’il veut, lui, c’est créer des événements sans fioriture, à l’américaine, à l’image de l’esprit de base de la course de trail. « Un style de course old school épique », comme l’a résumé Alister Gardner sur son compte Instagram.
Il était fondamental que tout se déroule bien pour espérer renouveler l’expérience dans le parc national, qui gère les sentiers. De l’avis de Luc Hamel, qui était d’accord à 100 % avec toutes les conditions que la Sépaq (Société des établissements de plein air du Québec) lui imposait, le contrat a été respecté. Seule une pelure de banane a été retrouvée sur le sentier après le passage des coureurs.
Le 5 Peaks d’Orford a tenu ses promesses. La course est sans doute là pour rester.
Les résultats
50 km hommes :
- Hugo Chartier 6 h 09
- Éric Drolet 6 h 10
- Alister Gardner 6 h 14
- Benoit Beaupré 6 h 47
- Francis Royal 6 h 49
50 km femmes (4 finissantes seulement) :
- Sophie Didou 9 h 33
- Rosanne Fréchette 9 h 34
- Laurianne Roberge 9 h 50
- Nancy Charland 10 h 11