Alors que s’achève la saison de skyrunning avec la grande finale des Skyrunner World Series, les Skymasters à Gorbeia Suzien, en Espagne, Distances+ se penche sur une discipline de course en montagne moins populaire que le trail, même si elle a eu son heure de gloire avec des célébrités comme Kilian Jornet, Luis Alberto Hernando, Emelie Forsberg ou encore Corinne Favre. Le Français Damien Humbert, vainqueur cette année du Minotaur Skyrace au Canada et de la mythique Skyrace Comapedrosa en Andorre, a terminé ce samedi 8 octobre à la 2e place du classement général des Skyrunners World Series. Damien est l’un des collaborateurs de Distances+ et c’est lui qui signe le texte qui suit.
Le skyrunning a vu le jour officiellement au début des années 1990 sous l’impulsion de l’athlète italien Marino Giacometti, en collaboration avec la marque Fila qui avait l’ambition à l’époque de devenir la marque numéro un de la course de montagne.
Le premier circuit international de skyrunning (Fila Skyrunner Séries) a été lancé en 1993, suivi deux ans plus tard par la création de la Fédération des sports d’altitude, fédérant une discipline qui se pratiquait officieusement depuis la fin des années 1980 avec les ascensions en compétition de la pointe Dufour (le plus haut sommet des Alpes suisses) et du Mont-Blanc.
Le premier championnat du monde a eu lieu en 1998 à Cervinia en Italie (un aller-retour de 42 km avec ascension du Breithorn à 4164 m d’altitude) et a été remporté par deux légendes, Corinne Favre et Bruno Brunod.
La compétition de skyrunning a pris sa forme actuelle bien plus tard, en 2002 d’abord, avec l’apparition des Skyrunner World Series, puis en 2008 avec la création de l’International Skyrunning Federation (ISF) par Marino Giacometti.
Qu’est-ce que le skyrunning?
Skyrunning signifie littéralement « courir dans le ciel ». La discipline se rapproche en effet de l’alpinisme, mais c’était surtout le cas à ses débuts où les courses arpentaient des itinéraires exposés, tout en gardant l’élément principal : la course à pied. Mais en résumé, il s’agit d’une course en montagne sur terrains techniques.
Marino Giacometti a raconté qu’après la première course entre Courmayeur et le sommet du Mont-Blanc à laquelle il participait, les journalistes parlaient des « coureurs du ciel », les « sky runners ». Lorsque la discipline s’est structurée et qu’il a fallu la définir, « il nous est apparu logique d’appeler ça le skyrunning », a raconté celui qui est toujours le président de la fédération internationale.
« Marino est le plus grand passionné de montagne de tous les temps, assure Corinne Favre. Il m’a dit qu’il ne pourrait plus faire aujourd’hui ce qu’il faisait avant sur le circuit, sinon il irait en prison. C’est vrai que c’était plus l’aventure qui nous animait, on ne se préoccupait pas vraiment de la législation. Nous étions peu, souvent des guides avec une étiquette plus montagnarde que de nos jours. C’était une sacrée époque de pionniers! »
L’ISF certifie les différentes épreuves de skyrunning selon des critères précis : la skyrace (montée et descente de 20 à 49 km), le sky ultra (50 à 100 km) et le kilomètre vertical (montée sèche de 1000 mètres de dénivelé positif sur moins de 5 km).
Quelle différence avec le trail?
À la différence des épreuves de trail running, les courses de skyrunning se déroulent exclusivement en montagne. D’ailleurs, l’une des règles primordiales pour obtenir la certification de la part de l’ISF est une différence de 1000 m entre le point le plus haut et le point le plus bas de la course. Elles doivent comporter moins de 15 % d’asphalte et des pentes supérieures à 30 %.
Les épreuves de skyrunning comportent généralement des parties très techniques sur des crêtes, des pierriers, des descentes très directes et des portions hors sentiers. Elles arpentent souvent les hauts sommets des régions arpentées, là où les courses de trails en montagne se cantonnent généralement aux cols et aux sentiers fréquentés.
L’apparition du haut niveau en montagne
Le circuit Skyrunner World Series est le pionnier dans l’apparition du haut niveau dans les courses de montagne de moyenne distance. Les mythiques Sierre-Zinal (Suisse), Zegama (Espagne), Pikes Peak Marathon (États-Unis) ou encore Skyrace Comapedrosa (Andorre) ont toutes fait partie à un moment donné de ce circuit qui s’étendait à la course en montagne et faisait office de référence jusqu’au milieu des années 2010.
Depuis 2019, le circuit a pris un tournant plus alpin avec l’arrivée de circuits concurrents, se cantonnant à des parcours plus techniques et spectaculaires comme la Tromso Skyrace (Norvège), Trofeo Kima (Italie) ou encore l’Extrême du Matterhorn Ultraks (Suisse).
Les championnats
En 2022, près de 300 compétitions sont certifiées par la Fédération internationale de skyrunning autour du globe.
Les premiers championnats du monde de skyrunning ont eu lieu en 2010 sous l’égide de l’ISF à Canazei en Italie, couronnant la Française Laetitia Roux (l’une des athlètes les plus titrées au monde tous sports confondus avec notamment 17 titres de championne du monde en ski alpinisme) et l’Italien Urban Zemmer sur le kilomètre vertical, et à nouveau Laetitia Roux et le Catalan Kilian Jornet sur le Sky Marathon. La version Ultra avait été remportée par la Suédoise Emelie Forsberg et l’Espagnol Luis Alberto Hernando. Le Championnat du monde de skyrunning a lieu tous les deux ans.
Il existe désormais également un championnat mondial réservé aux jeunes de moins de 23 ans, les Youth Skyrunning World Championships. L’édition 2022, la sixième, a eu lieu en Andorre, le week-end précédant la Skyrace Comapedrosa, avec une skyrace de 19 km et un kilomètre vertical.
Derniers grands championnats en date, les Skysnow World Championships ont vu le jour en 2020, avec un kilomètre vertical et une skyrace sur neige.
Il y a aussi un circuit de coupe du monde de skyrunning, les Skyrunner World Series (SRWS). Elles ont été inaugurées en 2002 et sont reconduites chaque année avec des courses autour du globe. En 2022, le circuit comporte 12 courses dans 10 pays différents, majoritairement en Europe (dont la Skyrace des Matheysins en France), mais on compte également une manche en Alberta au Canada et une autre au Japon.
Chaque coureur désirant figurer au classement général doit courir au moins quatre compétitions au calendrier du circuit.
Deux types de courses se détachent pour le système de points, les « tier one », rapportant 100 points aux vainqueurs (homme et femme) puis un nombre de points dégressifs jusqu’au 20e. Les « tier two » rapportent la moitié des points.
Par la suite, une finale appelée les Skymasters est organisée pour les 30 premières et premiers du classement général, ainsi que pour le top 10 de chaque tier one, et top 5 des tiers two.
Traditionnellement, les Skymasters se déroulaient sur la mythique Skyrace de Limone, en Lombardie, début octobre, mais à partir de cette année, l’épreuve basque Gorbeia Suzien remplace la classique italienne.
Au même titre que le circuit de coupe du monde, il existe des épreuves nationales dans plusieurs pays dont le Japon, les États-Unis, l’Italie, la Grèce et bien sûr la France. Ces circuits sont néanmoins peu médiatisés et leur succès est plutôt dû à la renommée des courses qu’au championnat lui-même.
Légendes et records
Comment passer à côté de l’incontournable Kilian Jornet lorsqu’on parle de skyrunning? Par sa renommée, le champion catalan a été l’un des acteurs majeurs pour la reconnaissance de cette discipline, mais il n’a pas été le premier à tenter des records de l’impossible et à briller sur les sentiers montagneux.
Le record le plus emblématique pour les Européens est celui du Mont-Blanc en aller-retour depuis l’église de Chamonix, réalisé en 7 h 53 pour les femmes par Emelie Forsberg (2018) et en 4 h 57 par Kilian Jornet (2013).
Le skyrunning est réellement né sous l’impulsion des athlètes italiens. C’est sûrement la raison pour laquelle l’un des premiers à inaugurer des records de vitesse d’ascension sur le Cervin, côté italien, la pointe Dufour, le Kilimandjaro ou encore l’Aconcagua, a été l’Italien Bruno Brunod. Il a grandement inspiré Kilian Jornet.
Chez les athlètes féminines, il a fallu attendre quelques années pour identifier des figures incontournables, mais le début des années 2010 a vu une compétition acharnée entre l’Espagnole Nuria Picas, la Suédoise Emelie Forsberg et l’Américaine Stevie Kremer.
D’autres grands noms du trail running d’aujourd’hui ont débuté et brillé dans le skyrunning à l’image de la Française Corinne Favre (membre de La Bande à D+), du Britannique Jonathan Albon, des Espagnoles Maïté Maiora et Laura Orgué, des Italiens Marco de Gasperi et Tadei Pivk ou encore de la Néerlandaise Ragna Debats.
Ce sont eux et la féroce compétitivité des courses de skyrunning qui ont fait la renommée de ce sport qui semble avoir vécu son âge d’or au début des années 2010, avant l’arrivée des circuits concurrents et l’émergence de courses populaires et accessibles à un plus grand nombre de coureurs.
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