Gautier Poiret complète la CCC, un « véritable chemin de croix »

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Gautier Poiret au fil d'arrivée de la CCC - Photo : Gérard Poiret

« Ça a été horrible », confie Gautier Poiret. Il a terminé samedi la course CCC de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc en 19 h 54, après avoir voulu tout abandonner en cours de route et en se disant à l’arrivée : « plus jamais ».

Le président du Club de trail de Montréal, 29 ans, s’attaquait à sa plus longue distance à vie en affrontant les 101 km et quelque 6000 m de dénivelé de la course Courmayeur-Champex-Chamonix. Il se disait, avant le départ, plutôt inquiet, parce que son entraînement pour sa seule grande course de la saison avait été insuffisant.

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« Avec la naissance de mon fils à la mi-mai, les nuits ont été plus courtes et l’entraînement plus difficile. J’ai voulu reprendre l’entraînement trop rapidement, et je me suis blessé au genou », dit-il.

« Mon objectif premier, c’était de finir la course, et de la finir le moins blessé possible ».

Objectif accompli, mais à quel prix!

« Douleur intenable »

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Gautier Poiret et Anne Bouchard au départ de la CCC – Photo : Gautier Poiret

La course avait pourtant bien démarré, mais quelque part vers les 20 à 30 km, Gautier a ressenti un vrai coup de chaleur. L’insolation venait de le frapper. « Je commençais à tituber sur le parcours, ça n’allait vraiment pas bien. »

De plus, son sac à dos s’est mis à le torturer savamment. Très lourd, rempli de matériel et d’eau, il l’a fait pleurer de rage et de douleur en plein parcours. « J’ai pris des médicaments antidouleurs, parce que c’était intenable », dit Gautier.

Après une pause de 20 minutes à un poste de ravitaillement, où déjà il pensait à l’abandon, Gautier s’est attaqué à une portion de parcours où tout s’est effondré. Sa seule motivation : se rendre à Champex, à mi-parcours, où l’attendaient son père et trois amis. Pour, peut-être, y rendre son dossard.

Mais une fois entre les mains attentionnées de ses proches, la petite magie des relations humaines a agi. Gautier a repris confiance en lui, après avoir dormi, mangé — il n’arrivait plus à s’alimenter depuis plusieurs heures —, et changé de sac à dos, avec l’autorisation officielle de l’organisation.

« Je suis reparti comme une balle », dit Gautier, qui a alors récupéré plusieurs places au classement, malgré la douleur persistante ainsi qu’un état mental alternant entre les larmes et le grand sourire.

Le parcours d’un pionnier

En courant la deuxième portion de la CCC qui allait l’amener vers Chamonix dans un étonnant mélange d’émotions, Gautier ne pouvait s’empêcher de penser à tout son parcours. « Tu repenses à toutes les heures d’entraînement, tu repenses aux sacrifices que tu as faits… il faut bien que ça serve à quelque chose ».

Gautier pratique la course en sentier depuis six ans, après une carrière d’athlète dans le golf de haut niveau. À ses débuts, presque personne ne courait dans les sentiers au Québec.

Dès la première année, il se lance le défi de compléter la TransMartinique en compagnie de son père et de son frère. Le but? « Échapper à la cigarette ». Mais l’objectif était trop ambitieux. Courir 158 km dans la chaleur caribéenne? « J’ai abandonné au 90e kilomètre », dit Gautier, qui en a profité pour faire la grande demande en mariage à sa copine.

Prenant part aux toutes premières compétitions de course en sentier québécoises, comme le XC de la Vallée, il rencontre d’autres passionnés comme lui. Il contribue au démarrage de l’Ultra-Trail Harricana comme responsable des bénévoles, puis fonde le Club de trail de Montréal en février 2014.

Il continue de s’entraîner et de participer à différentes compétitions chaque année, comme le 80 km de Bear Mountain en 2015.

« Le dépassement est toujours possible »

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Un paysage qui valait la peine – Photo : Gautier Poiret

Ces pensées l’aidant à enchaîner les kilomètres, Gautier se rend compte, une fois la nuit tombée sur le parcours de la CCC, qu’il terminera la course coûte que coûte. « C’est devenu plus facile », raconte-t-il. À l’arrivée, il voit au loin son père et ses amis, et tombe dans leurs bras en réalisant que, sans eux, jamais il n’aurait terminé l’épreuve.

« J’ai passé par-dessus la douleur et les émotions, mais je me suis dit que ce genre de course, ce n’était pas pour moi », dit Gautier.

Ces paroles de coureurs sont fréquentes, mais elles sont aussi volatiles que le grand air des Alpes qui chasse les mauvaises pensées. Déjà, à peine 24 heures plus tard, Gautier relativise ses pensées et se donne le temps de prendre du repos et du recul.

« Initialement, je voulais enchaîner avec la course de 160 km du Bromont Ultra, dans le but d’accumuler des points pour faire l’UTMB l’année prochaine, pour mes 30 ans, dit-il. On verra », ajoute-t-il finalement, n’étant pas du tout certain d’avoir envie de courir à Bromont.

« Quand tu penses que tu es arrivé au fond du trou, tu n’y es pas encore. Ton corps peut encore en prendre. Le dépassement est toujours possible », dit Gautier.

« Mais pas tout de suite. »