L’arrivée du 80 km s’est déroulée au premier étage de la Tour Eiffel – Photo : ÉcoTrail Paris
Courir un ultratrail urbain et linéaire, avec plus de 90 % de sentiers, qui se termine au premier étage de la tour Eiffel, c’est possible! Ça s’appelle l’ÉcoTrail Paris. Le grand format s’étend sur 80 km, à travers les forêts de l’ouest de l’Île-de-France, et cumule 1 500 m de dénivelé. Entre autres attraits, il a une vocation touristique, mais les 2 200 coureurs qui étaient au départ cette année se souviendront plutôt de l’édition 2018 comme d’une course « dantesque » marquée par la pluie, la neige, le froid et quasiment 70 km de boue au sol. Distances+ y était.
Dès les premières foulées, ce 17 mars, sur l’île de Saint-Quentin-en-Yvelines, près de Versailles, le sol se montrait spongieux et collant, retenant les souliers des coureurs harassés. Il est demeuré visqueux jusqu’à la dernière portion du parcours le long des quais de la Seine, essentiellement bitumée.
À l’arrière de la course, le ras-le-bol face aux interminables rivières de boue qui donnaient l’impression de courir dans une gigantesque mare aux cochons est monté crescendo. Longtemps, c’est un étrange silence qui a dominé au cœur du peloton. Silence régulièrement transpercé par un juron de lassitude ou de dépit. « J’ai l’habitude de courir dans la boue et je trouve ça plutôt marrant, mais là, ça ne me fait plus rire du tout. J’en ai plein le cul », a par exemple lâché un ultramarathonien en sentier de la région, une soupe chaude à la main. « J’ai jamais vu ça, c’est vraiment dur pour le mental », a ajouté son compagnon de course lors de leur passage au dernier ravito, de nuit, sur les hauteurs du Domaine national de Saint-Cloud, avant d’entrer dans Paris.
« Jamais nous n’avions connu de telles conditions météorologiques », ont également déploré les organisateurs de l’ÉcoTrail, soulignant un taux record d’abandon. Près de 500 participants n’ont pas été en mesure de se rendre jusqu’aux marches de la tour Eiffel.
« Il y avait tellement de boue, et il faisait froid », a commenté le Montréalais Tom Rushton, un entraîneur international de natation originaire de Colombie-Britannique. « Pour le travail, j’étais en Afrique du Sud en janvier et en Turquie en février, donc mon entraînement a été très chaud. À Paris, c’est la première fois que je portais des manches en 2018, donc c’était un défi pour moi. L’an dernier, je me suis blessé au dos. Je ne pouvais plus courir. J’étais à peine capable de marcher, alors je suis très content d’avoir pu prendre le départ, et bien sûr d’être allé jusqu’au bout. » Tom a parcouru la distance en un peu plus de 9 h. Il termine 232e sur 1738 finissants.
Une course compliquée, même pour l’élite
« Il aura fallu serrer les dents plus que d’habitude », ont affirmé Sylvaine Cussot, victorieuse main dans la main avec Gaëlle Decorse, et Emmanuel Gault, deuxième chez les hommes.
Le vainqueur de cette onzième édition, le Français Manu Meyssat, qui avait entre autres remporté la dernière SaintéLyon (et la plupart des courses en sentier auxquelles il a pris part), ne l’a pas eue facile. C’était « très très dur en raison des conditions météo, a dit le champion à Distances+. Sur les efforts plus courts, j’aime les conditions difficiles, mais sur 6 h (il a bouclé les 80 km en 6 h 01), ça fait beaucoup. Cependant, je ne me suis pas ennuyé. »
Manu Meyssat a en effet dû composer avec une erreur d’aiguillage qui a permis à ses poursuivants de couper le parcours par inadvertance, en suivant la trace du 45 km, et de passer en tête sans le doubler. Quand il a réalisé qu’il était passé de 3 min d’avance à plus de 3 min de retard au 36e kilomètre (près de Viroflay), il est « reparti en chasse-patate ». Il a pu recoller le petit groupe après 14 km de course-poursuite, puis rapidement prendre les devants, filant seul vers la ligne d’arrivée, au premier étage de la Dame de fer. « Ça pimente le truc », a-t-il admis.
Avant-gardisme écoresponsable
« Le concept de l’ÉcoTrail est de mettre en avant le patrimoine sur un territoire urbain », a expliqué Romain Piau, le directeur de l’événement. Lors de celui de Paris, les participants découvrent par exemple l’Orphelinat Saint-Philippe, l’Observatoire de Meudon, le Château de Versailles, le Domaine national de Saint-Cloud et, bien sûr, la tour Eiffel.
C’est devenu une façon de voyager dans toute l’Europe, puisqu’il est également possible de courir tout au long de l’année à Florence (Italie), Oslo (Norvège), Genève (Suisse), Stockholm (Suède), Reykavik (Islande), Bruxelles (Belgique), Funchal (Portugal) et Madrid (Espagne). Et peut-être bientôt dans le monde, même si « la course en sentier ne se développe pas partout à la même vitesse », souligne Romain, qui lorgne avec enthousiasme New York et Montréal.
Mais le point sur lequel le directeur insiste le plus, c’est l’organisation écoresponsable. En plus de ce que l’on trouve dans la charte éthique (privilégier les transports doux, éviter le gaspillage, ne rien jeter, trier les déchets, utiliser les toilettes, etc.) que s’engagent à respecter les participants, Romain Piau a expliqué que l’ÉcoTrail Paris réalisait pour la première fois un bilan carbone afin de mesurer l’impact de l’événement sur l’environnement.
Il s’est aussi félicité d’avoir proposé 30 % de produits bio aux ravitaillements.
« Au-delà du beau discours, on veut faire avancer les choses, assure-t-il. Bientôt, les organisations d’événements devront se soumettre à des contraintes imposées pour le respect de l’environnement. Nous, on sera prêts! »